Guinée : Harcèlement judiciaire de MM. Ibrahima Diallo et Sékou Koundouno

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GIN 001 / 0320 / OBS 024
Détention arbitraire /
Libération conditionnelle /
Harcèlement judiciaire
République de Guinée
19 mars 2020

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en République de Guinée.

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé de sources fiables de l’arrestation arbitraire et de la libération de MM. Ibrahima Diallo, coordinateur de Tournons la page (TLP) en Guinée [1] et responsable des opérations du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), et Sékou Koundouno, coordinateur du Balai citoyen Guinée [2] et responsable de la planification du FNDC [3].

Selon les informations reçues, le 6 mars 2020, MM. Ibrahima Diallo et Sékou Koundouno ont été arrêtés à leur domicile de Conakry par des agents des forces de sécurité portant des cagoules, avant d’être emmenés à la Direction générale de la police judiciaire de Conakry. Les deux défenseurs n’ont eu accès à leurs avocats qu’après 48 heures de détention provisoire, et ont donc été entendus dans les locaux de la police en l’absence de leurs avocats.

Le 9 mars 2020, MM. Ibrahima Diallo et Sékou Koundouno ont été déférés devant le tribunal de la commune de Dixinn, et inculpés par un juge d’instruction d’ « outrage à agent », « violence et voies de faits » (article 658 et suivants du Code pénal) et « production, diffusion et mise à disposition d’autrui de données de nature à troubler la sécurité publique ou à porter atteinte a à la dignité humaine » (articles 31, 32 et suivants de la Loi 037 portant sur la cyber-sécurité).

Le 12 mars 2020, la première chambre de contrôle de l’instruction de la Cour d’appel de Conakry a ordonné la relaxe et remise en liberté de MM. Ibrahima Diallo et Sékou Koundouno, infirmant la décision du juge d’instruction du 6ème cabinet du Tribunal de première instance de Mafanco. Les deux défenseurs ont été effectivement libérés le lendemain, le 13 mars 2020, mais restent sous contrôle judiciaire : ils doivent se présenter une fois par semaine au cabinet du juge d’instruction en charge de l’affaire.

Peu de temps avant leur arrestation, MM. Ibrahima Diallo et Sékou Koundouno avaient animé une conférence de presse à Conakry pour dénoncer les arrestations arbitraires dont sont victimes les membres du FNDC depuis octobre 2019 [4].

L’’arrestation de MM. Ibrahima Diallo et Sékou Koundouno s’inscrit dans une vague de répression des opposants au projet de nouvelle Constitution, censé ouvrir la voie à un troisième mandat consécutif du Président Alpha Condé, à l’approche des élections présidentielles d’octobre 2020. MM. Ibrahima Diallo et Sékou Koundouno avaient d’ailleurs été arrêtés le 12 octobre 2019, aux côtés de MM. Abdourahamane Sanoh, Mamadou Baïlo Barry, Alpha Soumah, Abdoulaye Oumou Sow et Mamadou Bobo Bah, alors qu’ils avaient appelé à manifester à compter du 14 octobre, pour protester contre la réforme constitutionnelle. Condamnés à six mois de prison ferme le 22 octobre, ils ont été placés en libération conditionnelle le 28 novembre 2019, dans l’attente de la suite de leur procès [5].

L’Observatoire dénonce le harcèlement judiciaire à l’encontre de MM. Ibrahima Diallo et Sékou Koundouno, qui ne semble viser qu’à sanctionner leurs activités légitimes de défense des droits humains. L’Observatoire appelle les autorités guinéennes à mettre un terme à tout acte de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à leur encontre ainsi qu’à celle de l’ensemble des défenseurs des droits humains dans le pays.

Actions requises :  
 
L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités guinéennes en leur demandant de :

i. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de MM. Ibrahima Diallo, Sékou Koundouno et de l’ensemble des défenseurs des droits humains en République de Guinée ;

ii. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement aux articles 1 et 12.2 ;

iii. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la République de Guinée.

Adresses :

• M. Alpha Condé, Président de la République de Guinée, Boulbinet avenue de la République – Conakry, Twitter : @President_GN @Sekhoutoureya
• M. Ibrahima Kassory Fofana, Premier Ministre, chef du Gouvernement, Palais des Colombes, Kaloum – Conakry, Twitter : @IbrahimaKFofana @PrimatureGN
• M. Mamadou Lamine Fofana, Ministre de la Justice par intérim, Garde des sceaux, Rue KA 003 - Almamya Commune de Kaloum, BP : 564 Conakry – Guinée, Email : contact@justice.gov.gn
• M. Mouctar Diallo, Ministre de la Jeunesse et de l’emploi jeune, BP 262 Conakry, Mail : info@jeunesse.gouv.gn
• M. N’Famara Camara, Secrétaire général du Ministère de l’Unité nationale et de la citoyenneté, Email : jpfamara@gmail.comM. Ousmane Sylla, Ambassadeur de la République de Guinée à Bruxelles, Boulevard Auguste Reyers 108 Schaerbeek, 1030 Bruxelles, Email : ambaguibruxelles@mae.gov.gn / ambaguinee.bruxelles@yahoo.fr, Fax : (+32) 2.762.60.36
• Ambassade de la République de Guinée à Genève, Représentation permanente auprès des Nations unies, Rue du Valais 7-9, 1202 Genève, Suisse, Mail : consulat.guineegeneve@gmail.com / mission.guinea@ties.itu.int

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la République de Guinée dans vos pays respectifs. 

***
Paris-Genève, le 19 mars 2020

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler la ligne d’urgence :
• E-mail : Appeals@fidh-omct.org
• Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80
• Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] Tournons La Page (TLP) est un mouvement réunissant des acteurs des sociétés civiles africaines dont l’objectif est la promotion de l’alternance démocratique en Afrique, en menant des actions pacifiques et non partisanes. Le mouvement est aujourd’hui actif dans 10 pays africains (Burundi, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Niger, RDC, Tchad, Togo).
[2] Le Balai citoyen est animé par des artistes, avocats, journalistes et étudiants pour orchestrer la mobilisation populaire en faveur de la démocratie, de la bonne gouvernance et d’un meilleur vivre-ensemble.
[3] Le Mouvement FNDC désigne une série de manifestations sporadiques qui ont lieu depuis le 14 octobre 2019 en Guinée pour protester dans un premier temps contre la modification ou l’adoption d’une nouvelle constitution qui pourrait conduire le président Alpha Condé à un troisième mandat, puis contre l’arrestation et la condamnation des leaders du FNDC.
[4] Cf. appel urgent de l’Observatoire GIN 001 / 1019 / OBS 084, publié le 24 octobre 2019.
[5] Cf. appel urgent de l’Observatoire GIN 001 / 1019 / OBS 084.1, publié le 2 décembre 2019.

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