Émirats arabes unis : libérez les membres de l’UAE94 et les autres prisonnier·es de conscience

Photo : GCHR

Le 1er juillet 2022 est le jour anniversaire des verdicts rendus dans le procès de masse d’éminent·es défenseur·es des droits humains, avocat·es, juges, universitaires et étudiant·es, connu sous le nom d’UAE94. À cette occasion, 50 organisations appellent les allié·es des Émirats arabes unis (EAU) à faire pression sur les autorités émiraties, pour qu’elles libèrent immédiatement et sans condition toutes les personnes condamnées à l’issue de ce procès, qui ne respectait pas les normes internationales les plus élémentaires, nécessaires à la tenue d’un procès équitable et d’une procédure régulière. Un grand nombre de ces personnes, condamnées à dix ans de prison, auraient dû être libérées cette année, mais restent détenues après la fin de leur peine.

Les membres de l’UAE94 font partie des nombreux·ses prisonnier·es d’opinion emprisonné·es uniquement pour l’exercice pacifique de leurs droits à la liberté d’expression et à la liberté d’association. Les Émirats arabes unis (EAU) n’ont pas mené d’enquête indépendante, impartiale et exhaustive, au sujet des allégations de torture et à mauvais traitements dont ont été victimes des membres de l’UAE94, avant et après leur procès, ni traduit en justice les responsables de ces violations de droits et accordé réparation et indemnisation aux victimes.
 
Le 2 juillet 2013, la Cour suprême fédérale d’Abu Dhabi a rendu des verdicts condamnant 69 des 94 accusé·es, dont huit personnes condamnées in absentia, et a acquitté 25 d’entre eux·elles. Les peines d’emprisonnement prononcées varient entre sept et 15 ans. Parmi les personnes condamnées figurent de nombreuses personnalités de la société émiratie, notamment :
* Mohammed Al -Roken, avocat spécialisé dans les droits humains, professeur de droit constitutionnel et ancien président de l’Association des juristes des Émirats arabes unis ;
* les avocates et défenseurs des droits humains renommés, Dr. Mohammad Al-Mansoori et Salem Al-Shehhi ;
* les défenseurs des droits humains Abdulsalam Mohammed Darwish Al-Marzouqi et Sheikh Mohammed Abdul Razzaq Al-Siddiq, dont les enfants sont devenus apatrides après que les autorités ont révoqué leur citoyenneté, les privant de documents d’identité.
 
Parmi les accusé·es figuraient également le juge Mohammed Saeed Al-Abdouli, membre du conseil d’administration de la Fujairah Charitable Society, le professeur de droit et ancien juge Ahmed Al-Zaabi, l’avocat spécialiste des droits humains et professeur d’université Hadef Rashid Al-Owais, le cheikh Dr. Sultan bin Kayed Al-Qasimi, membre éminent de la famille régnante de Ras Al-Khaimah, le directeur de l’Association pour l’orientation et le conseil social, Khaled Al Shaiba Al-Nuaimi, le professeur de sciences Hussain Ali Al-Najjar Al-Hammadi, l’ancien blogueur et enseignant Saleh Mohammed Al-Dhafiri, le leader étudiant Abdullah Al-Hajri et l’étudiant blogueur Khalifa Al-Nuaimi.
 
La signature de la pétition sur la réforme par les UAE94 a été l’une des principales raisons pour lesquelles ils ont été pris pour cible, parmi 133 hommes et femmes issus de l’ensemble du spectre intellectuel, juridique, des droits humains et politique des EAU. Dans cette pétition, soumise le 3 mars 2011 au Président de l’État et aux membres du Conseil suprême qui dirigent les sept Émirats, les signataires demandaient :
 « l’élection de tous les membres du Conseil national fédéral par tous les citoyens, comme cela est appliqué dans les pays démocratiques du monde entier » ;
 et « des amendements aux articles constitutionnels relatifs au Conseil national fédéral afin de garantir qu’il dispose de tous les pouvoirs législatifs et de contrôle ».
 
Parmi les autres signataires de cette pétition historique figurent l’éminent défenseur des droits humains et blogueur Ahmed Mansoor, qui purge actuellement une peine de dix ans de prison prononcée en mars 2015 pour son militantisme en faveur des droits humains, et la femme défenseure des droits humains Alaa Mohammed Al-Siddiq, décédée en exil au Royaume-Uni après un malheureux accident en juin 2021.
 
La réponse des autorités émiraties à cette demande de réforme a été répressive, reflétant leur rejet des autres opinions et leur manque de respect pour les droits civils et humains des citoyen·nes. Nombre des signataires ont subi toutes sortes de représailles, notamment des arrestations et des détentions arbitraires, des peines de prison injustes à l’issue de procès fictifs sur la base de fausses accusations, ainsi que la révocation de leur citoyenneté, la confiscation de leurs biens et avoirs et leur licenciement. Les membres de leur famille ont également subi des représailles similaires.
 
Le 13 septembre 2021, le cabinet des EUA a publié une résolution ministérielle ajoutant 38 personnes et 13 entités à la liste de terroristes du gouvernement. Cette liste comprend trois défenseurs des droits humains et un chercheur, qui font partie des personnes condamnées in abstentia dans le cadre du groupe UAE94. Il s’agit de Hamad Mohammed Al-Shamsi, directeur exécutif de l’Emirates Detainees Advocacy Center (EDAC), avocat spécialisé dans les droits humains et ancien juge, Mohammed Saqr Al-Zaabi, ancien président de l’Association des juristes des Émirats arabes unis, condamné in abstentia à 15 ans de prison, ainsi que des universitaires et militants Ahmed Mohammed Al-Shaiba Al-Nuaimi et Saeed Nasser Al-Tenaiji.
 
Le 25 janvier 2022, le rapporteur spécial des Nations unies sur les défenseurs des droits humains et d’autres experts des Nations unies ont écrit aux Émirats arabes unis pour exprimer leur inquiétude quant à l’inscription de Al-Shamsi, Al-Zaabi, Al-Nuaimi et Al-Tenaiji sur cette liste des terroristes. Le gouvernement des EAU n’a pas répondu au jour de cette publication.
 
Les autorités des Émirats arabes unis continuent de procéder à des disparitions forcées, de pratiquer la torture et d’infliger des peines injustes en appliquant des lois utilisées de manière répétitive pour poursuivre les défenseur·es des droits humains, comme la loi fédérale n° 2 de 2008, la loi sur la cybercriminalité et la loi de 2014 relative à la lutte contre les infractions terroristes. Cette dernière loi contient une définition vague et large du terrorisme et permet de détenir indéfiniment des personnes sans inculpation ni condamnation par un tribunal, et de les maintenir en détention au-delà de la fin de leur peine.
 
De nombreux·ses prisonnier·es d’opinion sont maintenu·es en détention après avoir purgé leur peine, au motif qu’ils·elles représenteraient une menace pour la sécurité de l’État et qu’ils·elles ont besoin d’être réhabilité·es. Les prisonnier·es dont la libération est prévue sont transféré·es de la prison d’Al-Razeen au centre de conseil (Munasaha) qui, malgré son nom signifiant tolérance, n’est autre qu’un bâtiment de la même prison, isolé des autres ailes. À l’heure actuelle, 17 prisonnier·es d’opinion croupissent dans les bâtiments du centre de conseil Munasaha des prisons, bien qu’ils aient purgé leur peine. 14 d’entre eux·elles appartiennent à l’UAE94.
 
Les prisonnier·es d’opinion dont la libération est prévue dans les mois à venir (jusqu’en septembre 2022) ont déjà été informé·es qu’ils·elles ne seront pas libéré·es mais qu’ils·elles seront soumis au « programme de conseil ».
 
En septembre 2021, le Parlement européen a adopté une résolution de grande envergure qui demande « la libération immédiate et inconditionnelle d’Ahmed Mansoor, du Dr Mohammed Al-Roken et du Dr Nasser bin Ghaith, ainsi que de tous les autres défenseur·es des droits humains, militant·es politiques et dissident·es pacifiques ». Elle demande instamment aux autorités de modifier la loi antiterroriste, la loi sur la cybercriminalité et la loi fédérale n° 2 de 2008, qui sont utilisées à maintes reprises pour poursuivre les défenseurs des droits humains. En outre, la résolution « déplore profondément le décalage entre les affirmations des Émirats arabes unis, qui prétendent être un pays tolérant et respectueux des droits, et le fait que leurs propres défenseur·es des droits humains sont détenu·es dans des conditions difficiles. »
 
Nous appelons les dirigeant·es des alliés des Émirats arabes unis, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et les États membres de l’Union européenne, à exhorter les autorités de ce pays à respecter leurs obligations en matière de droits humains et à faire preuve d’une véritable tolérance. La première étape est de libérer tou·tes les défenseur·es des droits humains et autres prisonnier·es d’opinion emprisonné·es. Nous demandons en outre aux Émirats arabes unis de fermer les centres ou « ailes de conseil » en prison et de libérer tou·tes les détenu·es maintenues en détention au-delà de la fin de leur peine, en violation flagrante de leurs droits civils et humains et sans fondement juridique.

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  • Co-signataires

    1. ACAT Belgique (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture)
    2. ACAT Allemagne
    3. ACAT Italie
    4. ACAT Suisse
    5.Access Now
    6. ALQST pour les droits de l’Homme
    7. Article 19
    8. Association pour les victimes de la torture aux EAU
    9. Civicus
    10. Institut du Caire pour les études des droits de l’Homme (CIHRS)
    11. Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie
    12. PEN danois
    13. Démocratie pour le monde arabe maintenant (DAWN)
    14. Centre El Nadim pour la réhabilitation des victimes de la violence
    15. Centre des Emirats pour les droits de l’Homme
    16. Centre de défense des détenus des Emirats (Edac).
    17. Centre européen pour la démocratie et les droits de l’Homme (ECDHR)
    18. Association fédérale des réfugiés vietnamiens en Allemagne
    19. Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains
    20. Conseil genevois pour les droits et libertés
    21. Global Voices
    22. Centre du Golfe pour les droits de l’Homme
    23. Human Rights First
    24. Human Rights Sentinel
    25. IFEX
    26. Campagne internationale pour la liberté dans les EAU (ICFUAE)
    27. Centre international pour la justice et les droits de l’Homme (ICJHR)
    28. Partenariat international pour les droits de l’Homme (IPHR)
    29. Service international pour les droits de l’Homme
    30. Kuwait Watch
    31. Avocats pour les avocats
    32. Lawyers Rights Watch Canada
    33. Organisation libyenne pour les droits de l’Homme
    34. MENA Rights Group
    35. Comité de suivi des attaques contre les avocats, Association internationale des avocats du peuple (AIAP)
    36. Pas de paix sans justice
    37. PEN Canada
    38. PEN International
    39. Scholars at Risk
    40. Skyline International pour les droits de l’Homme
    41. Société pour les peuples menacés
    42. Association tunisienne de défense des libertés individuelles
    43. Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD)
    44. Association tunisienne de soutien aux minorités
    45. Coalition tunisienne contre la peine de mort
    46. Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme
    47. UIA-IROL (l’Institut pour l’État de droit de l’Association internationale des avocats)
    48. Vigilance pour la démocratie et l’état civique, Tunisie
    49. Nous enregistrons
    50. Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains


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