Egypte : Condition de détention inhumaines et dégradantes pour M. Gasser Abdel Razeq, directeur de l’EIPR

27/11/2020
Appel urgent
en fr

Nouvelles informations
EGY 006 / 1120 / OBS 127.2
Détention arbitraire /
Harcèlement judiciaire /
Conditions de détention
inhumaines et dégradantes
Égypte
24 novembre 2020

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un partenariat conjoint de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous demande d’intervenir d’urgence sur la situation suivante en Égypte.

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé par l’Egyptian Initiative for Personal Rights (EIPR) [1] des conditions de détention sévères au sein du complexe pénitentiaire de Tora de M. Gasser Abdel Razeq, le directeur exécutif de l’EIPR, après son arrestation le 19 novembre 2020.

Selon l’équipe de défense de l’EIPR, qui a pu voir M. Abdel Razeq pour la première fois depuis son arrestation le jeudi 19 novembre, ce dernier est soumis dans sa cellule à des traitements inhumains et dégradants qui mettent en danger sa santé et sa sécurité. Il n’a jamais été autorisé à sortir de sa cellule, n’a qu’un lit en métal pour dormir, sans matelas ni couverture, à l’exception d’une couverture légère, a été privé de tous ses biens et de son argent, n’a reçu que deux vêtements d’été légers et n’a pas eu le droit d’utiliser son propre argent pour acheter de la nourriture et des produits de première nécessité à la cantine de la prison. De plus, sa tête a été complètement rasée.

Ses avocats se préparent actuellement à déposer une plainte officielle auprès du procureur général détaillant les mauvais traitements subis par M. Abdel Razeq.

L’Observatoire rappelle que M. Gasser Abdel Razeq a été arrêté le 19 novembre, un jour après l’arrestation de M. Karim Ennarah, directeur en charge de la justice pénale à l’EIPR, et l’arrestation de M. Mohamed Basheer, responsable administratif de l’organisation, le 15 novembre. Les trois collègues font face à des accusations similaires d’"appartenance à une organisation terroriste" et d’"utilisation de comptes de médias sociaux pour publier des fausses nouvelles et informations susceptibles de nuire à la paix et à la sécurité publiques". Leur arrestation semble être une mesure de représailles pour avoir organisé une réunion avec une douzaine de diplomates étrangers au Caire le 3 novembre. Aucune preuve ni rapport d’enquête n’a été présenté aux trois accusés à l’appui de ces accusations fallacieuses.

Après leur arrestation, les accusés sont restés les yeux bandés pendant de longues heures dans les locaux de la sécurité nationale, et maintenus en détention préventive sans aucun motif. MM. Mohamed Basheer et Gasser Abdelrazek ont tous deux été interrogés au secteur de la sécurité de l’État (State Security Sector - SSS) en l’absence de leurs avocats. Leurs avocats n’ont pas pu leur rendre visite, et ne les ont vus que pendant l’interrogatoire au parquet du SSS et très brièvement après l’interrogatoire.

MM. Karim Ennarah et Mohamed Basheer, qui sont également détenus au sein du complexe pénitentiaire de Tora, n’ont pas pu fournir d’informations sur leurs conditions de détention car ils n’ont pas été autorisés à recevoir des visites ni à consulter leurs avocats depuis le début de leur détention.

L’Observatoire condamne les conditions de détention de M. Gasser Abdel Razeq, qui ne respectent ni les normes internationales ni les normes égyptiennes, et demande instamment aux autorités égyptiennes de libérer immédiatement et sans condition MM. Gasser Abdel Razeq, Karim Ennarah et Mohamed Besheer et d’abandonner toutes les charges retenues contre eux.

L’Observatoire déplore plus généralement cette série d’attaques contre cette organisation de défense des droits humains renommée et respectée et appelle les autorités égyptiennes à mettre fin au ciblage systématique de l’EIPR et de ses membres.

Informations générales :

Le 15 novembre 2020, après minuit, les forces de sécurité ont arrêté M. Mohamed Basheer à son domicile, au Caire. Il a ensuite été conduit dans un lieu inconnu du secteur de la sécurité de l’État où il a été détenu pendant 12 heures et interrogé sur la visite de plusieurs ambassadeurs et diplomates dans les locaux de l’EIPR le 3 novembre 2020, au cours de laquelle la situation des droits humains en Égypte et dans le monde a été discutée. Après cet interrogatoire, il a comparu devant le procureur général du secteur de la sécurité de l’État (Supreme State Security Prosecution - SSSP) au sein de l’implantation du cinquième district, où il a été interrogé sur le travail de l’EIPR, ses dernières publications et son travail d’assistance juridique.

Par la suite, le SSSP a accusé M. Basheer d’avoir "rejoint une organisation terroriste en connaissant ses objectifs", d’avoir "utilisé un compte personnel sur Internet pour diffuser de fausses informations qui portent atteinte à la sécurité publique", d’avoir "commis l’un des crimes de financement du terrorisme", d’avoir "diffusé de fausses nouvelles et déclarations qui portent atteinte à la sécurité publique" et d’avoir "porté atteinte à l’intérêt national", et a décidé de le placer en détention provisoire pendant 15 jours et de reprendre l’interrogatoire à une date ultérieure. L’accusation a ajouté M. Mohamed Basheer au dossier n°855/2020 aux côtés de plusieurs autres militants et professionnels des droits humains, dont les avocats Mohamed El Baqer [2] et Mahienour El Masry [3] .

Le 18 novembre 2020, à 14 heures, M. Karim Ennarah a été arrêté par quatre agents en civil de l’Agence nationale de sécurité dans un restaurant de Dahab (Sud-Sinaï) où il était en vacances, après que les forces de sécurité se soient rendues, le 17 novembre 2020, au domicile de M. Ennarah au Caire afin de l’arrêter, mais sans le trouver à ce moment-là. Les agents l’ont interrogé pendant quelques minutes, lui ont demandé de leur donner son téléphone et l’ont emmené au poste de police local. Après l’arrestation de M. Ennarah, les policiers ont fait une descente dans sa chambre d’hôtel, où ils ont saisi sa carte d’identité, son ordinateur portable et d’autres biens.

M. Ennarah a ensuite comparu devant le SSSP au Caire et après un interrogatoire qui a duré quatre heures et où les avocats de l’EIPR étaient présents, le SSSP a ordonné la détention préventive de Karim Ennarah pendant 15 jours dans l’affaire n°855/2020 en attendant les enquêtes sur les accusations de "rejoindre un groupe terroriste", "utiliser un compte de média social pour diffuser de fausses nouvelles" et "répandre de fausses nouvelles". Le procureur a basé les accusations sur des enquêtes de sécurité montrant que Karim Ennarah "s’est entendu avec un groupe à l’intérieur des prisons pour répandre de fausses rumeurs qui pourraient porter atteinte à la paix et à la sécurité publiques".

Le 19 novembre 2020, les forces de sécurité ont arrêté M. Gasser Abdel Razeq à son domicile au Caire et l’ont emmené dans un lieu inconnu. Il a ensuite comparu et a été interrogé au SSSP, qui a ordonné sa détention préventive pendant 15 jours dans le cadre de l’affaire n°855/2020 en attendant les résultats des enquêtes sur des accusations similaires d’"adhésion à un groupe terroriste", de "diffusion de fausses déclarations pour porter atteinte à la sécurité publique" et d’"utilisation d’Internet pour publier de fausses nouvelles".

En outre, les médias affiliés aux services de renseignements généraux ont mené une campagne de diffamation contre l’EIPR, visant à discréditer leur travail [4].

Actions demandées :

Veuillez écrire aux autorités égyptiennes pour leur demander de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique de MM. Karim Ennarah, Gasser Abdel Razeq et Mohamed Basheer ainsi que de tous les autres défenseurs des droits humains en Égypte ;

ii. Se conformer à l’article 55 [5] de la Constitution égyptienne et à l’article 82 du règlement des prisons égyptiennes concernant des conditions de détention appropriées et humaines ;

iii. Libérer immédiatement et sans condition MM. Karim Ennarah, Gasser Abdel Razeq et Mohamed Basheer ainsi que tous les autres défenseurs des droits humains poursuivis dans le cadre de la même affaire ;

iv. Mettre fin à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de MM. Karim Ennarah, Gasser Abdel Razeq et Mohamed Basheer, ainsi que de tous les autres défenseurs des droits humains en Égypte ;

v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, en particulier aux articles 1 et 12.2 ;

vi. Assurer le respect des droits humains et des libertés fondamentales en toutes circonstances, conformément aux normes internationales en matière de droits humains et aux instruments internationaux auxquels l’Égypte est partie.

Adresses :

• Président de la République arabe d’Égypte, S.E. Abdel Fattah el-Sisi, Fax : +202 2391 1441. Courriel : p.spokesman@op.gov.eg, Twitter : @AlsisiOfficial
• Le Premier ministre, M. Mustafa Kemal Madbouly Mohamed. Courriel : pm@cabinet.gov.eg
• Ministre de l’Intérieur, M. Mahmoud Tawfik, Email : center@iscmi.gov.eg
• Ministre de la Justice, M. Mohamed Hossam Abdel-Rahim, Fax : +202 2795 8103
• Procureur, Conseiller Nabeel Sadek, Fax : +202 2577 4716
• Chef du Comité des droits de l’homme du Parlement égyptien, M. Alaa Abed, Email : humanrightscomplaints@parliament.gov.eg
• M. Mohamed Fayeq, Président du Conseil national des droits de l’homme, Fax : + 202 25747497 / 25747670. Courriel : nchr@nchr.org.eg
• S.E. M. Alaa Youssef, Ambassadeur, Mission permanente de l’Égypte auprès des Nations unies à Genève, Suisse, Courriel : mission.egypt@bluewin.ch
• Ambassade d’Égypte à Bruxelles, Belgique, Fax : +32 2 675.58.88 ; Courriel : embassy.egypt@skynet.be

Veuillez également écrire aux représentations diplomatiques de l’Égypte dans vos pays respectifs.

***
Paris-Genève, le 24 novembre 2020

Veuillez nous informer de toute action entreprise en citant le code de cet appel dans votre réponse.

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme (l’Observatoire) a été créé en 1997 par la FIDH et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT). Son objectif est de prévenir ou de remédier aux situations de répression à l’encontre des défenseurs des droits humains. La FIDH et l’OMCT sont toutes deux membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.
 
Pour contacter l’Observatoire, appelez la ligne d’urgence :

• Courrier électronique : Appeals@fidh-omct.org
• Tel FIDH +33 (0) 1 43 55 25 18
• Tél OMCT +41 (0) 22 809 49 39

[1] L’Initiative égyptienne pour les droits de la personne travaille depuis 2002 à renforcer et à protéger les droits et libertés fondamentaux en Égypte, par la recherche, la défense et le soutien des litiges dans les domaines des libertés civiles, des droits économiques et sociaux et de la justice pénale.
[2] Voir la déclaration conjointe "Les ONG internationales appellent à la libération immédiate des défenseurs des droits de l’homme Mohamed El-Baqer et Alaa Abdel Fattah à l’occasion du premier anniversaire de leur arrestation", publiée le 29 septembre 2020
[3] Voir l’appel urgent de l’Observatoire EGY 003 / 0919 / OBS 074, publié le 23 septembre 2019.
[4] Voir deux articles publiés par Youm7 et Sawt al-Omma (en arabe).
[5] L’article 55 de la constitution égyptienne stipule que "toute personne arrêtée, détenue ou dont la liberté est restreinte doit être traitée de manière à préserver sa dignité. Elle ne peut être torturée, intimidée, forcée, ou blessée physiquement ou moralement ; et ne peut être saisie ou détenue que dans des lieux désignés à cet effet, qui doivent être adéquats sur le plan humain et sanitaire".

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