Nouvelles informations :
L’Observatoire a été informé de sources fiables des développements dans le procès à l’encontre de M. Omar Radi, un journaliste d’investigation primé à plusieurs reprises pour son travail[1], et qui a notamment couvert les détentions et condamnations des militants du Hirak du Rif, en avril 2019[2].
Selon les informations reçues, le 5 mars 2020, le Tribunal de première instance d’Aïn Sebaâ à Casablanca a examiné le dossier de M. Omar Radi, a entendu les arguments du parquet ainsi que ceux de la défense, et a annoncé le prononcé du délibéré pour le 12 mars 2020.
Au cours de l’audience, suivie par une Mission d’Observation judiciaire de l’Observatoire, le Président a demandé à M. Omar Radi des précisions et des explications par rapport au tweet en raison duquel il est incriminé. En avril 2019, M. Radi avait critiqué sur Twitter la condamnation à de lourdes peines de plusieurs dirigeants du Hirak du Rif (cf. rappel des faits).
Les trois avocats de la défense ont par la suite soulevé différents points dans leurs plaidoiries. Le premier avocat a axé sa plaidoirie sur la liberté d’expression et les droits et libertés garantis par la Constitution marocaine (notamment l’article 10, qui garantit les droits à la liberté d’opinion, d’expression et de réunion pour l’opposition, l’article 25 qui garantit les libertés de pensée, d’opinion et d’expression et l’article 28 qui garantit la liberté de la presse). Le second avocat a, pour sa part, insisté sur la qualité de journaliste de M. Omar Radi et sur les obstacles à la liberté de la presse au Maroc (en évoquant notamment le système de remise des cartes de journalistes). Il a critiqué le fait que le parquet ait engagé les poursuites à l’encontre de M. Radi si tardivement (huit mois après la publication du tweet en question) et s’est inquiété de l’iniquité que constituerait une éventuelle peine de prison en cas de condamnation. Enfin, le troisième avocat a critiqué le choix du droit applicable et de la juridiction, et est revenu sur l’analyse de la jurisprudence de l’Article 263 du Code pénal marocain sur « l’outrage à magistrat ».
A l’issue des plaidoiries de la défense, le procureur a de nouveau pris la parole et a insisté sur la nécessité du respect du débat entre le parquet et la défense. Il n’est cependant pas revenu sur le fond de l’affaire, et n’a formulé aucune réquisition à l’encontre de M. Omar Radi.
La prochaine audience, au cours de laquelle le verdict sera prononcé, est prévue pour le 12 mars 2020.
L’Observatoire condamne fermement le harcèlement judiciaire à l’encontre de M. Omar Radi qui ne vise qu’à sanctionner ses activités légitimes de défense des droits humains en tant que journaliste, et appelle à mettre fin à tout acte de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à son encontre.
Rappel des faits :
Le 26 décembre 2019, suite à une convocation orale et écrite dont il ignorait les raisons, M. Omar Radi s’est rendu au siège de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) de Casablanca où il a été interrogé puis déféré devant le Procureur du Roi qui l’a placé en détention provisoire. Il est poursuivi pour « outrage à magistrat » (Article 263 du Code pénal) et risque entre un mois et un an de prison ainsi qu’une amende de 250 à 5000 Dirhams (approximativement entre 23 et 466 Euros) en raison d’un tweet publié en avril 2019. La première audience de son procès s’est tenue le soir même devant le Tribunal de première instance d’Aïn Sebaâ, à Casablanca, lors de laquelle ses avocats ont demandé son placement en liberté provisoire, qui a été refusé. M. Omar Radi a finalement été libéré le 31 décembre, et l’audience qui devait se tenir le 2 janvier 2020 dans le cadre de son procès a été reportée au 5 mars 2020.
Le 18 avril 2019, suite à l’auto-saisine du Procureur général près la Cour d’appel de Casablanca, M. Omar Radi avait déjà été convoqué et interrogé par la BNPJ au sujet d’une série de tweets en date du 6 avril 2019 critiquant le juge Lahcen Tolfi, qui a condamné à de lourdes peines les dirigeants du Hirak du Rif. A la suite de cet interrogatoire qui avait duré plusieurs heures, une enquête avait été ouverte.
Actions requises :
L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités marocaines en leur demandant de :
i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique de M. Omar Radi et de l’ensemble des défenseurs des droits humains au Maroc ;
ii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de M. Omar Radi et de l’ensemble des défenseurs des droits humains au Maroc ;
iii. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement aux articles 1 et 12.2 ;
iv. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Maroc.
Adresses :
◦ M. Saad-Eddine El Othmani, Premier Ministre du Maroc. Fax : +212 37 76 99 95/37 76 86 56
◦ M. Nasser Bourita, Ministre des affaires étrangères et de la coopération, Maroc. Fax : +212 - 37-76-55-08 / 37-76-46-79. Email : ministere@maec.gov.ma
◦ M. Mohamed Aujjar, Ministre de la justice, Rabat, Maroc. Fax : +212 37 72 68 56. Email : ccdh@ccdh.org.ma
◦ M. Mustapha Ramid, Ministre d’état chargé des droits de l’Homme, Maroc. Fax : +212 5 37 67 11 55, Email : contact@didh.gov.ma
◦ Mme. Amina Bouayach, Présidente du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), Email : cndh@cndh.org.ma
◦ Représentant Permanent du Royaume du Maroc auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et des autres Organisations Internationales en Suisse - 18a Chemin François Lehmann, 1218 Grand Saconnex, Fax : + 41 022 791 81 80. Email : mission.maroc@ties.itu.int
◦ S. E. M. Alem Menouar, Ambassadeur, Mission du Royaume du Maroc auprès de l’Union européenne. Avenue Franklin Roosevelt 2, 1050 Bruxelles, Belgique. Email : mission.maroc@skynet.be
Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Maroc dans vos pays respectifs.
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Paris-Genève, le 5 mars 2020
Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.
L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.
Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
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[1] M. Omar Radi a reçu, en 2013, le premier prix du journalisme d’investigation IMS-AMJI (International Media Support - Association marocaine pour le journalisme d’investigation) pour une enquête sur l’exploitation des carrières de sable au Maroc co-réalisée avec M. Christophe Guguen. En 2015, il a été lauréat de la Thomson Reuters Foundation.
[2] Le mouvement populaire, ou Hirak, du Rif est un mouvement contestataire émanant du Rif, dans le nord du Maroc et ayant lieu depuis octobre 2016. La répression du mouvement et les lourdes condamnations de certains manifestants (jusqu’à vingt ans de prison) ont été critiquées par les organisations nationales et internationales de droits humains. Voir par exemple le communiqué de presse de la FIDH publié le 28 juin 2018 : https://www.fidh.org/fr/regions/maghreb-moyen-orient/maroc/au-maroc-on-recycle-les-annees-de-plomb-des-peines-tres-lourdes-pour