127 organisations de défense des droits humains demandent la libération immédiate de Nabeel Rajab après qu’un organe de l’ONU a qualifié sa détention d’arbitraire et discriminatoire

29/08/2018
Communiqué
ar en es fr
©Nabeel Rajab/BCHR

Paris-Genève-Manama, 29 août 2018 - Pour la deuxième fois depuis 2013, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire (GTDA) a rendu un avis sur la légalité de la détention de M. Nabeel Rajab au regard du droit international des droits humains. Dans son deuxième avis, le GTDA a estimé que la détention était non seulement arbitraire mais aussi discriminatoire. Les 127 organisations de défense des droits humains signataires se félicitent de cet avis historique rendu public le 13 août 2018, reconnaissant le rôle joué par les défenseurs des droits humainsdans la société et la nécessité de les protéger. Nous appelons le gouvernement bahreïni à libérer immédiatement Nabeel Rajab conformément à cette demande.

Dans son avis (A/HRC/WGAD/2018/13), le GTDA a estimé que la détention de M. Nabeel Rajab contrevenait aux articles 2, 3, 7, 9, 10, 11, 18 et 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et aux articles 2, 9, 10, 14, 18, 19 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par le Bahreïn en 2006. Le Groupe de travail demande au gouvernement du Bahreïn de « libérer immédiatement M. Rajab et de lui accorder un droit à indemnisation et à d’autres réparations, conformément au droit international ».

Cet avis est historique car il reconnaît que la détention de M. Nabeel Rajab - président du Centre du Bahreïn pour les droits de l’Homme (BCHR), directeur fondateur du Centre des droits de l’Homme du Golfe, secrétaire général adjoint de la FIDH et membre du Comité consultatif Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch - est arbitraire et constitue une violation du droit international, car elle résulte de l’exercice du droit à la liberté d’opinion et d’expression ainsi que de la liberté de pensée et de conscience et constitue en outre « une discrimination fondée sur une opinion politique ou autre, ainsi que sur son statut de défenseur des droits humains ». La détention de M. Nabeel Rajab a donc été jugée arbitraire en vertu des catégories II et V telles que définies par le GTDA.

M. Nabeel Rajab a été arrêté le 13 juin 2016 et est, depuis lors, détenu par les autorités bahreïnies pour un certain nombre d’accusations liées à la liberté d’expression et portant atteinte à ses droits fondamentaux. Le 15 janvier 2018, la Cour de cassation a confirmé sa condamnation à deux ans de prison pour « diffusion de fausses informations et rumeurs sur la situation interne du Royaume, portant atteinte au prestige et au statut de l’État » – en référence à des entretiens télévisés qu’il a donnés en 2015 et 2016. Plus récemment, le 5 juin 2018, la Cour d’appel de Manama a confirmé sa peine de cinq ans de prison pour « diffusion de fausses rumeurs en temps de guerre » ; « offense à un pays étranger » - en l’occurrence l’Arabie saoudite ; et pour « insulte à un organe statutaire », faisant référence aux commentaires faits sur Twitter en mars 2015 concernant des allégations de torture dans la prison de Jaw et critiquant le massacre de civils par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite à l’occasion du conflit au Yémen. L’affaire Twitter passera prochainement devant la Cour de cassation, dernière possibilité pour les autorités de l’acquitter.

Le GTDA a souligné que « la pénalisation d’un média, d’un éditeur ou d’un journaliste uniquement pour avoir critiqué le gouvernement ou le système social politique adopté par le gouvernement ne peut jamais être considérée comme une restriction nécessaire à la liberté d’expression », et a réitéré qu’ « aucun procès de M. Rajab ne devrait avoir eu lieu ou avoir lieu dans le futur ». Il a ajouté que le GTDA « ne peut s’empêcher de remarquer que les opinions et convictions politiques de M. Rajab sont clairement au centre de la présente affaire et que les autorités ont manifesté à son égard une attitude qui ne peut être qualifiée que de discriminatoire ». Le GTDA a ajouté que plusieurs affaires concernant le Bahreïn lui avaient déjà été soumises au cours des cinq dernières années, dans lesquelles le GTDA « a estimé que le gouvernement violait ses obligations en matière de droits de l’Homme ». Le GTDA a ajouté que "dans certaines circonstances, l’emprisonnement généralisé ou systématique ou toutes autres privations graves de liberté en violation des règles du droit international peuvent constituer des crimes contre l’humanité ».

En effet, la liste des personnes détenues pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression et d’opinion au Bahreïn est longue et comprend plusieurs éminents défenseurs des droits humains, notamment M. Abdulhadi Al-Khawaja, Dr. Abduljalil Al-Singace et M. Naji Fateel - que le GTDA a précédemment mentionnés dans des communications aux autorités bahreïnies.

Nos organisations rappellent que c’est la deuxième fois que le GTDA émet un avis concernant M. Nabeel Rajab. Dans son avis A/HRC/WGAD/2013/12 adopté en décembre 2013, le GTDA avait déjà qualifié la détention de M. Nabeel Rajab d’arbitraire car résultant de l’exercice de ses droits humains universellement reconnus et du fait que son droit à un procès équitable n’avait pas été garanti (détention arbitraire au titre des catégories II et III définies par le Groupe de travail). Le fait que plus de quatre ans se soient écoulés depuis l’émission de cet avis, sans mesures correctives et que le Bahreïn ait continué à engager de nouvelles poursuites à son encontre et contre d’autres défenseurs, sanctionnant l’expression de points de vue critiques, démontre la tendance du gouvernement à mépriser les organes internationaux de défense des droits humains.

Pour conclure, nos organisations exhortent les autorités du Bahreïn à donner suite à la demande du GTDA de se rendre au Bahreïn et à respecter l’avis du GTDA en libérant immédiatement et sans condition M. Nabeel Rajab et en abandonnant toutes les charges retenues contre lui. En outre, nous exhortons les autorités à libérer tous les autres défenseurs des droits humains arbitrairement détenus au Bahreïn et à garantir en toutes circonstances leur santé physique et psychologique.

Lire la suite

  • Co-signataires

    Cette déclaration a été co-signée par les organisations suivantes :

    1- ACAT Germany – Action by Christians for the Abolition of Torture
    2- ACAT Luxembourg
    3- Access Now
    4- Acción Ecológica (Ecuador)
    5- Americans for Human Rights and Democracy in Bahrain – ADHRB
    6- Amman Center for Human Rights Studies – ACHRS (Jordania)
    7- Amnesty International
    8- Anti-Discrimination Center « Memorial » (Russia)
    9- Arabic Network for Human Rights Information – ANHRI (Egypt)
    10- Arab Penal Reform Organisation (Egypt)
    11- Armanshahr / OPEN Asia (Afghanistan)
    12- ARTICLE 19
    13- Asociación Pro Derechos Humanos - APRODEH (Peru)
    14- Association for Defense of Human Rights – ADHR
    15- Association for Freedom of Thought and Expression – AFTE (Egypt)
    16- Association marocaine des droits humains - AMDH
    17- Bahrain Center for Human Rights
    18- Bahrain Forum for Human Rights
    19- Bahrain Institute for Rights and Democracy – BIRD
    20- Bahrain Interfaith
    21- Cairo Institute for Human Rights – CIHRS
    22- CARAM Asia (Malaysia)
    23- Center for Civil Liberties (Ukraine)
    24- Center for Constitutional Rights (USA)
    25- Center for Prisoners’ Rights (Japan)
    26- Centre libanais pour les droits humains - CLDH
    27- Centro de Capacitación Social de Panama
    28- Centro de Derechos y Desarrollo – CEDAL (Peru)
    29- Centro de Estudios Legales y Sociales – CELS (Argentina)
    30- Centro de Políticas Públicas y Derechos Humanos – Perú EQUIDAD
    31- Centro Nicaragüense de Derechos Humanos – CENIDH (Nicaragua)
    32- Centro para la Acción Legal en Derechos Humanos – CALDH (Guatemala)
    33- Citizen Watch (Russia)
    34- CIVICUS : World Alliance for Citizen Participation
    35- Civil Society Institute – CSI (Armenia)
    36- Colectivo de Abogados « José Alvear Restrepo » (Colombia)
    37- Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie - CFDA
    38- Comisión de Derechos Humanos de El Salvador – CDHES
    39- Comisión Ecuménica de Derechos Humanos – CEDHU (Ecuador)
    40- Comisión Nacional de los Derechos Humanos (Costa Rica)
    41- Comité de Acción Jurídica – CAJ (Argentina)
    42- Comité Permanente por la Defensa de los Derechos Humanos – CPDH (Colombia)
    43- Committee for the Respect of Liberties and Human Rights in Tunisia - CRLDHT
    44- Commonwealth Human Rights Initiative – CHRI (India)
    45- Corporación de Defensa y Promoción de los Derechos del Pueblo – CODEPU (Chile)
    46- Dutch League for Human Rights - LvRM
    47- European Center for Democracy and Human Rights – ECDHR (Bahrain)
    48- FEMED – Fédération euro-méditerranéenne contre les disparitions forcées
    49- FIDH, in the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders
    50- Finnish League for Human Rights
    51- Foundation for Human Rights Initiative – FHRI (Uganda)
    52- Front Line Defenders
    53- Fundación Regional de Asesoría en Derechos Humanos – INREDH (Ecuador)
    54- Groupe LOTUS (DRC)
    55- Gulf Center for Human Rights
    56- Human Rights Association – IHD (Turkey)
    57- Human Rights Association for the Assistance of Prisoners (Egypt)
    58- Human Rights Center – HRIDC (Georgia)
    59- Human Rights Center « Memorial » (Russia)
    60- Human Rights Center « Viasna » (Belarus)
    61- Human Rights Commission of Pakistan
    62- Human Rights Foundation of Turkey
    63- Human Rights in China
    64- Human Rights Mouvement « Bir Duino Kyrgyzstan »
    65- Human Rights Sentinel (Ireland)
    66- Human Rights Watch
    67- I’lam – Arab Center for Media Freedom, Development and Research
    68- IFEX
    69- IFoX Turkey – Initiative for Freedom of Expression
    70- Index on Censorship
    71- International Human Rights Organisation « Club des coeurs ardents » (Uzbekistan)
    72- International Legal Initiative – ILI (Kazakhstan)
    73- Internet Law Reform Dialogue – iLaw (Thaïland)
    74- Institut Alternatives et Initiatives Citoyennes pour la Gouvernance Démocratique – I-AICGD (RDC)
    75- Instituto Latinoamericano para una Sociedad y Derecho Alternativos – ILSA (Colombia)
    76- Internationale Liga für Menschenrechte (Allemagne)
    77- International Service for Human Rights – ISHR
    78- Iraqi Al-Amal Association
    79- Jousor Yemen Foundation for Development and Humanitarian Response
    80- Justice for Iran
    81- Justiça Global (Brasil)
    82- Kazakhstan International Bureau for Human Rights and the Rule of Law
    83- Latvian Human Rights Committee
    84- Lawyers’ Rights Watch Canada
    85- League for the Defense of Human Rights in Iran
    86- League for the Defense of Human Rights – LADO Romania
    87- Legal Clinic « Adilet » (Kyrgyzstan)
    88- Liga lidských práv (Czech Republic)
    89- Ligue burundaise des droits de l’Homme - ITEKA (Burundi)
    90- Ligue des droits de l’Homme (Belgique)
    91- Ligue ivoirienne des droits de l’Homme
    92- Ligue sénégalaise des droits humains – LSDH
    93- Ligue tchadienne des droits de l’Homme – LTDH
    94- Ligue tunisienne des droits de l’Homme – LTDH
    95- MADA – Palestinian Center for Development and Media Freedom
    96- Maharat Foundation (Lebanon)
    97- Maison des droits de l’Homme du Cameroun - MDHC
    98- Maldivian Democracy Network
    99- MARCH Lebanon
    100- Media Association for Peace – MAP (Lebanon)
    101- MENA Monitoring Group
    102- Metro Center for Defending Journalists’ Rights (Iraqi Kurdistan)
    103- Monitoring Committee on Attacks on Lawyers - International Association of People’s Lawyers
    104- Movimento Nacional de Direitos Humanos - MNDH (Brasil)
    105- Mwatana Organisation for Human Rights (Yemen)
    106- Norwegian PEN
    107- Odhikar (Bangladesh)
    108- Pakistan Press Foundation
    109- PEN America
    110- PEN Canada
    111- PEN International
    112- Promo-LEX (Moldova)
    113- Public Foundation – Human Rights Center « Kylym Shamy » (Kyrgyzstan)
    114- RAFTO Foundation for Human Rights
    115- Réseau Doustourna (Tunisia)
    116- SALAM for Democracy and Human Rights
    117- Scholars at Risk
    118- Sisters’ Arab Forum for Human Rights – SAF (Yemen)
    119- Suara Rakyat Malaysia - SUARAM
    120- Taïwan Association for Human Rights – TAHR
    121- Tunisian Forum for Economic and Social Rights – FTDES
    122- Vietnam Committee for Human Rights
    123- Vigilance for Democracy and the Civic State
    124- World Association of Newspapers and News Publishers – WAN-IFRA
    125- World Organisation Against Torture - OMCT, in the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders
    126- Yemen Organisation for Defending Rights and Democratic Freedoms
    127- Zambia Council for Social Development – ZCSD

    Pour plus d’informations, contacter :
    FIDH : Maryna Chebat, mchebat@fidh.org, +33 6 48 05 91 57, Twitter : @MS_Chebat
    OMCT : Delphine Reculeau, dr@omct.org, +41 228 09 49 39
    GCHR : Khalid Ibrahim, khalid@gc4hr.org, +961 70 15 95 52

  • Organisations membres - Bahrein
    vignette contact
    Arabie saoudite Bahreïn Émirats arabes unis Irak Iran Koweït Oman Qatar Syrie Yémen

Agir