Cameroun : libération de Michel Biem Tong

14/12/2018
Appel urgent

CMR 004 / 1118 / OBS 136.2
Libération
Cameroun
14 décembre 2018
 
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un partenariat de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la FIDH, a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Cameroun.

Nouvelles informations :
 
L’Observatoire a été informé de sources fiables de la libération de M. Michel Biem Tong, journaliste et défenseur des droits humains. M. Biem Tong est le directeur du media en ligne HURINEWS, site d’information camerounais se concentrant sur les droits humains. Il est également membre du Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (REDHAC) et membre du Syndicat National des Journalistes du Cameroun (SNJC) [1]. Depuis 2016, il a beaucoup travaillé sur la crise socio-politique et les violations des droits humains dans les régions anglophones du Cameroun.

Selon les informations reçues, le 13 décembre 2018, M. Michel Biem Tong a bénéficié du décret présidentiel portant libération de 289 personnes impliquées dans la crise socio-politique des régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest. Par la suite, le 14 décembre 2018, le Tribunal militaire de Yaoundé a abandonné toutes les charges retenues contre M. Michel Biem Tong, qui a été immédiatement libéré.

M. Michel Biem Tong avait été arrêté le 23 octobre 2018 et accusé d’ « apologie d’actes de terrorisme par techniques informatiques », « crimes incitant à l’insurrection et attentant à la sûreté et sécurité de l’État », et « usurpation du titre de journaliste ». M. Biem Tong risquait la peine de mort, sur la base de l’Article 2 de la loi n° 2014/028 du 23 décembre 2014 portant « répression des actes de terrorisme » (voir rappel des faits ci-dessous).

L’Observatoire se réjouit de la libération de Michel Biem Tong et remercie toutes les personnes, organisations et institutions qui sont intervenues en sa faveur.

Toutefois, l’Observatoire rappelle que Michel Biem Tong n’aurait jamais dû être détenu et rappelle que d’autres journalistes camerounais sont actuellement encore harcelés par la justice en raison de l’exercice légitime de leur profession, à l’instar de M. Joseph Olinga Ndoa [2], M. Gustave Flaubert Kengne [3], et M. Michel Kalabassou [4]. Mme Mimi Mefo Takambu [5] a, quant à elle, vu les charges pesant contre elle levées le 12 novembre 2018 après avoir été accusée de « propagation de fausses nouvelles et cybercriminalité » et d’« atteinte à la sécurité de l’État » pour avoir relayé une information de l’agence Catholic News Agency (CNA) sur la mort du missionnaire américain Charles Truman Wesco à Bamenda au cours d’un échange de tirs entre l’armée régulière et les groupes rebelles. L’Observatoire s’inquiète de cette dégradation de la liberté d’expression au Cameroun.

Rappel des faits :

Le 23 octobre 2018, M. Michel Bien Tong a été convoqué par le Colonel Joël Émile Bamkoui « pour une discussion » dans les locaux du Secrétariat d’État à la Défense (SED) à Yaoundé. Il n’en est jamais ressorti, et toutes visites lui sont depuis interdites, y compris celles de sa famille ou de ses avocats.

Le 29 octobre 2018, M. Biem Tong a été traduit devant le Tribunal militaire de Yaoundé, et le Procureur a demandé que sa détention soit prolongée de 48 heures, le temps de l’enquête.

Le 31 octobre, il a été à nouveau traduit devant ce Tribunal militaire mais ses avocats n’ont pas été autorisés à consulter le dossier des prétendues « preuves à charge » rassemblées par le Procureur. L’audience a été ajournée et M. Biem Tong a été renvoyé en détention au SED.

Le 7 novembre 2018, M. Biem Tong a été à nouveau cité à comparaître pour la lecture des conclusions de l’enquête ouverte contre lui par le Colonel Joël Émile Bamkoui.

Le 15 novembre 2018, la substitut du Commissaire du Gouvernement près le Tribunal militaire de Yaoundé a requis que M. Michel Biem Tong soit « placé sous mandat de dépôt à la prison de Kondengui », retenant contre lui les trois chefs d’accusation d’« apologie du terrorisme », de « déclarations mensongères » et d’« outrage au chef de l’État » pour « avoir réalisé trois voice mails en direction des sécessionnistes ».

Le 5 décembre 2018, le procès devant le Tribunal militaire de Yaoundé concernant les accusations à l’encontre de M. Michel Biem Tong a été reporté au 2 janvier 2019 sur demande du commissaire du gouvernement.

Actions requises :
 
L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités camerounaises en leur demandant de : 

i. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’ensemble des défenseurs des droits humains au Cameroun ;

ii. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à ses articles 1, 5(b) et 12.2 ;

iii. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de humains ratifiés par le Cameroun.
 
Adresses :
 
S.E. M. Paul Biya, Présidence de la République, Palais de l’Unité, Palais de l’Unité, 1000 Yaoundé, Cameroun, Fax +237 22 22 08 70
S.E. M. Philémon Yang, Premier Ministre, et Chef du Gouvernement, Primature du Cameroun, 1000 Yaoundé‚ Cameroun. Fax : +237 22 23 57 65. Email : spm@spm.gov.cm
M. Laurent Esso, Garde des Sceaux, Ministère de la Justice, 1000 Yaoundé‚ Cameroun, Fax : + 237 22 23 00 05
M. Paul Atanga Nji, Ministre de l’Administration territoriale, Fax : + 237 22 22 37 35
Dr. Chemuta Divine Banda, Président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés du Cameroun (CNDHL),Fax : +237 22 22 60 82, E-mail : cndhl@iccnet.cm / cdbanda26@yahoo.fr
H.E. M. Anatole Fabien Marie Nkou, Ambassadeur, Mission permanente de la République du Cameroun à Genève, Avenue de France 23, 1202 Genève, Suisse. Fax : + 41 22 736 21 65, Email : mission.cameroun@bluewin.ch
S.E. M. Daniel Evina Abe’e, Ambassadeur du Cameroun auprès de la Belgique et de l’Union Européenne, Ambassade du Cameroun à Bruxelles, 131 av. Brugmann, 1190 (Forest), Belgique, Fax : + 32 2 344 57 35 ; Email : ambassade.cameroun@skynet.be ; embassy@cameroon.be
 
Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Cameroun dans vos pays respectifs.
 
***
Genève-Paris, le 14 décembre 2018

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, partenariat de l’OMCT et de la FIDH, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. L’OMCT et la FIDH sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
E-mail : Appeals@fidh-omct.org
Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / +41 22 809 49 29
Tel et fax FIDH : +33 1 43 55 25 18 / +33 1 43 55 18 80

[1] Sa carte de membre est valide jusqu’en décembre 2018.
[2] Correspondant régional du quotidien « Le Messager à l’Ouest », arrêté le 3 novembre 2018 à Bafoussam au lieu-dit « Akwa » alors qu’il demandait aux officiers de gendarmerie présents sur les lieux les raisons de l’ordre d’évacuation du lieu. Il aurait été molesté et trainé au sol sur plusieurs mètres par les officiers. Il est accusé de « rébellion simple » et n’a pu recevoir aucune visite à ce jour.
[3] Directeur de publication du journal « Orientation Hebdo », Coordonnateur du Regroupement des médias citoyens, incarcéré à la prison de Kouogouo-Bafoussam depuis le 29 octobre 2018 pour avoir lors qu’il enquêté sur les fraudes massives ayant émaillé le dernier scrutin présidentiel au et s’opposait ouvertement au « holdup électoral » du régime du Président Biya. Aux termes de l’Article 102 (a) de la loi N° 2016/007 du 12 juillet 2016, il encourt la peine de mort pour « participation à des hostilités contre la République ».
[4] Directeur de publication du journal « Aigle du Sahel », arrêté à Yagoua le 2 novembre 2018 et accusé de « diffamation » pour avoir dénoncé des supposés vols à répétition de la part du chef de sécurité de la Société d’expansion et de modernisation de la riziculture de Yagoua (Semry). Entendu par le Procureur de la République près le Tribunal de Première et Grande Instance de Yagoua le 5 novembre 2018, il a été libéré sous caution le même jour, en attendant la suite de la procédure.
[5] Rédactrice en chef adjointe du groupe Equinoxe, chargée du desk Anglophone.

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