Affaire de Relizane La Cour de cassation confirme le non-lieu, laissant les victimes sans recours

La Cour de cassation a confirmé hier le non-lieu prononcé en janvier 2016 par la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Nîmes à l’encontre d’Hocine et Abdelkader Mohamed, dans l’affaire dite de Relizane, privant ainsi les victimes du premier procès sur les crimes des « années de plomb » en Algérie.

Dans un spectaculaire revirement de la justice française, la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Nîmes avait ordonné un non-lieu, le 29 janvier 2016, infirmant ainsi l’ordonnance prise par le juge d’instruction, conformément aux réquisitions du procureur, mettant en accusation les frères Mohamed pour des faits de torture et disparitions forcées commis pendant la guerre civile en Algérie dans les années 1990.

« La Cour de cassation vient de mettre fin au dernier espoir des victimes algériennes de voir enfin une cour d’assises se pencher sur les graves crimes perpétrés par les milices à Relizane, au cours de la guerre civile qui a tant meurtri les algériens. Cela est d’autant plus grave que depuis l’adoption de la Charte pour la réconciliation en Algérie, en 2005, toute tentative d’obtenir justice en Algérie est vaine »

Patrick Baudouin, Président d’honneur de la FIDH et Responsable de son Groupe d’action judiciaire

Hocine et Abdelkader Mohamed, anciens miliciens résidant en France et placés sous contrôle judiciaire, sont accusés de crimes de torture et de disparitions forcées commis au nom de la lutte anti-terroriste dans la région de Relizane en Algérie dans les années 1990. L’information judiciaire, ouverte à la suite de la plainte déposée en octobre 2003 par la FIDH et la LDH, qui accompagnent les 7 parties civiles algériennes dans la procédure, avait permis de recueillir des témoignages probants à l’encontre des miliciens. En juillet 2013, le Parquet de Nîmes avait requis la mise en accusation des frères Mohamed devant la Cour d’Assises. Le 26 décembre 2014, le juge d’instruction avait ordonné la mise en accusation des frères Mohamed, ouvrant la voie au premier procès sur les graves exactions perpétrées pendant les années de plomb en Algérie.

« Cette décision vient remettre en question la volonté des autorités judiciaires françaises de permettre à la compétence extraterritoriale de répondre au besoin de justice des victimes, et de jouer le rôle qui doit être le leur dans la construction d’une justice véritablement universelle »

Michel Tubiana, Président d’honneur de la LDH
Contexte :

Dans les années 1990, l’Algérie a été en proie à une guerre civile très violente, opposant les services de sécurité, les milices armées par l’Etat et les groupes islamistes armés. Dans ce contexte, les exécutions sommaires, les meurtres, les actes de torture, les viols, les enlèvements et les disparitions étaient devenus pratique courante des différentes parties au conflit et ont été perpétrés dans l’impunité la plus totale. Les groupes de « légitime défense » de la wilaya (département composé de 38 communes) de Relizane comptaient environ 450 membres au début de l’année 1994.

Les chefs miliciens ont été recrutés parmi les présidents des délégations exécutives communales (DEC) du département de Relizane. Ces délégations ont été mises en place en 1992 par le ministère de l’Intérieur suite aux dissolutions des assemblées populaires communales (mairies) contrôlées par le Front islamique du salut (FIS). L’implication dans les milices était aussi une source d’enrichissement considérable (au travers des vols et pillages) pour les miliciens, auxquels l’Etat versait par ailleurs une solde.

Les milices de Relizane se sont illustrées, entre 1994 et 1997, par de très nombreuses exactions pratiquées contre la population civile dans leur circonscription, celle-ci étant à leur merci.

Au sein de ces milices, Hocine Mohamed, premier adjoint du président de la Délégation exécutive communale de Relizane, et son frère, Abdelkader Mohamed, président de la Délégation exécutive communale de H’madna et à la tête de la milice de cette commune, sont suspectés d’avoir commis ces exactions et terrorisé la population.

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