Pour la première fois, un ex-chef d’État africain sera jugé par la juridiction d’un autre État africain. Hissène Habré est accusé de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de torture et risque l’emprisonnement à perpétuité s’il est reconnu coupable des charges qui pèsent contre lui. La fin d’une quête de justice de plus de 20 ans pour les victimes et les associations qui les accompagnent.
« Ce procès est un événement historique qui doit permettre de rendre justice aux milliers de victimes du régime Habré qui attendent ce moment depuis plus de 20 ans, mais aussi une occasion de démontrer qu’il est possible de poursuivre et juger les plus hauts représentants d’un État pour les crimes qu’ils commettent. C’est un signal fort et très positif en faveur de la lutte contre l’impunité en Afrique », a déclaré Karim Lahidji, Président de la FIDH.
L’ex-dictateur tchadien, au pouvoir entre 1982 et 1990, sera jugé par les Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises (CAE). Ce tribunal ad hoc a été créé par le Sénégal et l’Union Africaine en février 2013 pour poursuivre et juger les principaux responsables des crimes et violations graves du droit international commis sur le territoire tchadien pendant le règne d’Hissène Habré. Il est accusé de milliers d’assassinats politiques, de l’usage systématique de la torture, et d’avoir pillé le trésor public alors qu’il était au pouvoir.
L’approche du procès au Sénégal a débloqué la procédure parallèlement engagée au Tchad contre des membres du régime de Hissène Habré. En effet, le 25 mars 2015, la Cour criminelle de N’Djamena a condamné à la réclusion à perpétuité 20 responsables de la sinistre Direction de la documentation et de la sécurité (DDS) pour « assassinats » et « torture », dont l’ancien chef de cette police politique, Saleh Younous.
La FIDH et ses organisations membres au Tchad et au Sénégal sont activement mobilisées sur ce dossier, tant au niveau de l’établissement des faits qu’au niveau judiciaire, et accompagnent les victimes.
« Après plus de 15 ans de rebondissements, l’ouverture du procès de l’ex-dictateur est le fruit du courage, de la persévérance et de la soif de justice des victimes et des organisations de la société civile qui démontrent que désormais les dictateurs, les chefs de guerre et les criminels seront jugés en Afrique. C’est une avancée importante vers la justice et un message d’espoir à l’endroit de toutes les victimes de crimes en Afrique et dans le monde », a indiqué Me Jacqueline Moudeïna, présidente de l’ATPDH et avocate historique des victimes.
Les organisations membres de la FIDH au Tchad, la LTDH et l’ATPDH, sont à l’origine de la mobilisation et de l’organisation des victimes du régime Habré afin de poursuivre l’ex-dictateur et ses sbires en justice au Tchad, en Belgique et au Sénégal. A la demande des organisations tchadiennes, la FIDH et HRW étaient intervenues conjointement avec d’autres organisations pour mener des missions d’enquête, recueillir les preuves demeurées sur place et accompagner les victimes dans leur quête de justice là où des recours étaient possibles.
« Cela fait 20 ans que nous nous battons avec les victimes pour que Habré et les membres de son régime soient jugés. C’est un moment historique pour tous les tchadiens mais également pour tous les africains et tous ceux qui à travers le monde sont victimes de l’oppression de leurs dirigeants. Juger les auteurs des crimes les plus graves est possible, y compris lorsqu’ils ont été présidents. Le temps n’y change plus rien, ils doivent rendre des comptes à leurs victimes : c’est le sens du procès de Dakar » a déclaré Dobian Assingar, président d’Honneur de la LTDH et représentant de la FIDH au sein du Comité international pour le jugement équitable d’Hissène Habré.
La FIDH a mis en ligne un document explicatif « Questions – Réponses sur l’affaire Hissène Habré » ainsi qu’une chronologie détaillée du déroulement de l’affaire et se rendra sur place pour l’ouverture du procès qui devrait durer environ 3 mois.
La FIDH et ses organisations membres au Tchad et au Sénégal sont membres fondateurs du Comité international pour le jugement équitable d’Hissène Habré (CIJEHH) aux côtés de Human Rights Watch, Agir ensemble pour les droits d’Homme, Amnesty international, Rencontre Africaine pour la Démocratie et les Droits de l’Homme et de dizaines d’organisations africaines et internationales impliquées depuis des années pour le jugement équitable d’Hissène Habré et les membres de son régime.