Justice, dignité et décence pour les victimes du régime Habré

Comité de Pilotage du Comité International pour le Jugement Equitable de Hissène Habré

Dans leur communiqué de presse daté du 15 juin 2010, les avocats de Hissène Habré tentent, en désespoir de cause, de remettre en question la capacité du Sénégal d’organiser un procès équitable pour juger l’ancien chef d’Etat Tchadien.
Ce faisant, ils ont recours aux procédés classiques de ceux arrivés à court d’arguments : accusations calomnieuses, insinuations fallacieuses et propos de nature révisionniste.

Il n’en demeure pas moins que nous sommes profondément troublés par ces attaques contre les victimes du régime Habré et contre ceux qui les soutiennent depuis de nombreuses années dans leur quête pour obtenir Justice.
Alors que l’opinion publique sénégalaise, africaine et internationale prend chaque jours un peu plus conscience de l’énorme souffrance des victimes et de la nécessité de leur rendre justice, ces attaques constituent une volonté de porter atteinte aux victimes elles-mêmes. Les défenseurs d’Hissène Habré les accusent ouvertement de « manipuler et [de] monter un procès de toutes pièces », insinuant qu’elles agiraient pour le compte d’Idriss Déby et recevraient un « financement occulte » de la part du Colonel Khadafi (sic !).

Pour tous ceux qui ont été torturés ou violés, pour tous ceux qui ont perdu leurs parents et qui luttent depuis bientôt 20 ans pour obtenir justice, il est intolérable et indécent d’être qualifié de « prétendues victimes ». Les archives de la DDS, la tristement célèbre police politique « directement subordonnée à la présidence » selon son propre statut, rappellent à ceux qui l’auraient oublié le caractère méthodique de la répression organisée contre le peuple tchadien. Parmi ces archives, a notamment été retrouvé le certificat de décès du sénégalais Demba Gaye, mort dans les geôles de Hissène Habré le 15 novembre 1987, comme des milliers d’autres. De même, ces documents confirment dans le moindre détail, le témoignage du sénégalais Abdourahmane Guèye sur sa détention. L’existence de ces faits ne peut être niée tout comme leur souvenir hantera à jamais la mémoire des victimes.

Les avocats de Habré se plaignent par ailleurs d’une « confusion des genres » sous prétexte que certains avocats des victimes occupent un rôle au sein d’ONG de défense des droits de l’Homme. Qu’y-a-t-il de plus normal pour ces ONG que de prendre la défense de ces victimes ? Et faut-il rappeler que ce sont ces mêmes avocats qui se sont toujours vigoureusement opposés à l’extradition de Hissène Habré au Tchad, où les conditions requises pour un procès équitable ne sont pas réunies ?

Ensuite, le fait d’accuser les victimes et ceux qui les soutiennent d’une « collusion » avec les autorités tchadiennes relève de la plus pure fantaisie. En particulier, lorsqu’on sait que Me Jacqueline Moudeina, Présidente de l’Association Tchadienne pour la Promotion des Droits de l’Homme (ATPDH) et principale avocate des victimes, a été sévèrement blessée par les éclats d’une grenade lancée contre elle à la suite d’une tentative d’assassinat par les forces de sécurité tchadiennes. Ou encore que Souleymane Guengueng, Président fondateur de l’Association des Victimes de Crimes et Répressions Politiques au Tchad (AVCRP), a perdu son travail et a, comme tant d’autres, dû emprunter le chemin de l’exil à la suite des menaces qu’il a reçues. Un nombre important des anciens responsables de la DDS sont d’ailleurs toujours en activité et occupent des fonctions officielles au sein du gouvernement actuel.

Mais l’attaque la plus mesquine est celle qui est dirigée contre Maître Demba Ciré Bathily, coordinateur du collectif des avocats sénégalais défendant les victimes, l’accusant d’avoir reçu de l’argent de la part du Consul du Tchad à Dakar. Les avocats de Hissène Habré colportent des rumeurs infondées et sont bien en peine de fournir la moindre preuve à l’appui de leur accusation. Maître Bathily a opposé un démenti formel contre ces propos calomnieux et le Comité de Pilotage lui renouvelle sa pleine et entière confiance.

Les victimes du régime de Hissène Habré luttent sans relâche depuis près de deux décennies pour que justice leur soit rendue. De nombreux survivants de ce régime sont aujourd’hui décédés. La première inculpation de Hissène Habré par le doyen des juges d’instruction sénégalais date de plus de dix ans. Plus de quatre ans se sont écoulés depuis la constatation par le Comité des Nations Unies contre la Torture de la violation par le Sénégal de ses obligations internationales et sa demande pour que le Sénégal se conforme à ses engagements internationaux soit en poursuivant Hissène Habré, soit en l’extradant vers un pays qui soit en mesure de le juger de façon équitable. Cela fait également quatre ans que l’Union Africaine a donné mandat au Sénégal de juger Hissène Habré « au nom de l’Afrique ». Malgré tout cela, les victimes sont toujours dans l’attente d’un procès.

Le procès équitable de Hissène Habré au Sénégal constituera une étape importante dans la lutte contre l’impunité des dirigeants accusés de crimes contre l’humanité en Afrique et dans le monde. Au moment où certains déplorent le spectacle de certains responsables africains poursuivis par des instances non-africaines, le procès de Hisséne Habré est l’occasion de prouver que les tribunaux africains sont souverains et capables de rendre justice aux victimes africaines pour des crimes commis en Afrique. Il ne fait aucun doute que le Sénégal est en mesure d’agir à la hauteur de sa réputation d’Etat respectueux du droit international et des droits humains et d’organiser un procès équitable pour juger Hissène Habré.

Le Comité de Pilotage du Comité International pour le Jugement Equitable de Hissène Habré :

 Jacqueline Moudeina, Présidente, Association Tchadienne pour la Promotion et la Défense des Droits de l’Homme (ATPDH) ;
 Reed Brody, Conseiller Juridique et Porte-Parole de Human Rights Watch ;
 Souleymane Guengueng, Fondateur, Association des Victimes de Crimes et de Répressions Politiques au Tchad (AVCRP) ;
 Alioune Tine, Président, Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDHO) ;
 Dobian Assingar, Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)

Lire la suite