Une étape importante dans l’affaire des disparus du Beach

Lundi 27 septembre prochain se tiendra devant la 1ère chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris, une audience décisive concernant les actes liés à l’arrestation, l’audition, la mise en examen, et l’incarcération du directeur de la police nationale congolaise Jean-François Ndengue.

Ce dernier est, aux côtés d’autres dignitaires du régime congolais, mis en cause dans une plainte déposée en France par la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), la Ligue française des droits de l’Homme et du Citoyen (LDH) et l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH) concernant des crimes de torture et crimes contre l’humanité commis au Beach de Brazzaville courant 1999.

Monsieur Ndengue, en sa qualité de directeur général de la police nationale, était chargé au moment des faits de la sécurité au port fluvial du Beach. Il était, à ce titre, en contact permanent avec les éléments de la garde présidentielle qui patrouillaient au Beach. Par ailleurs, il recevait et exécutait les instructions officielles quant à la conduite à tenir au moment des massacres et il a pu être attesté de sa présence au Beach au moment des arrestations et des enlèvements.

Alors que le Parquet soutient que les actes pris contre Ndengue sont nuls car il effectuait une « mission officielle » et à ce titre bénéficiait d’une immunité diplomatique, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), la Ligue française des droits de l’Homme et du Citoyen (LDH) et l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH) contestent ces arguments dans leur mémoire présenté devant la Chambre de l’instruction.

Pour la FIDH, la LDH et l’OCDH, à l’origine de la plainte déposée en décembre 2001, tous les éléments de fait démontrent que Ndengue était en séjour privé et non en mission officielle et qu’il ne peut, par conséquent bénéficier d’aucune immunité diplomatique en vertu du droit international conventionnel ou du droit international coutumier.

La FIDH, la LDH et l’OCDH espèrent vivement que la Chambre de l’instruction ne se laissera pas abuser par le subterfuge qui a consisté à tenter de camoufler, bien maladroitement et a posteriori, une visite purement privée en mission spéciale afin de permettre à M. Ndengue de se soustraire à la justice française. Faut-il rappeler en effet qu’au lendemain de la libération de Ndengue, décidée en plein milieu de la nuit, le Parquet général de la Cour d’appel de Paris avait déclaré qu’il y avait " urgence à mettre fin à cette décision arbitraire " (source AFP 6/04/04)

Par ailleurs, la FIDH, la LDH et l’OCDH soulignent que la décision qui sera prise par la Chambre de l’instruction pourrait avoir un impacte sur la mise en œuvre de façon générale du principe de compétence universelle par les juridictions françaises.

En effet, le Parquet invoque l’incompétence du magistrat instructeur pour instruire contre toute personne autre que le général Norbert Dabira, mis en examen et seul parmi les responsables à avoir été présent sur le sol français lors du dépôt de la plainte initiale. Ce faisant, le Parquet va à l’encontre du principe fondamental de la saisine in rem (signifiant que le magistrat instructeur peut accomplir tout acte utile pour les faits dont il est saisi) qui est l’un des piliers du régime de procédure pénale en France.

L’abandon du principe de compétence « in rem » serait d’autant plus paradoxal qu’il s’agit de poursuivre et juger les crimes les plus graves. Or, le mécanisme de compétence extraterritoriale ne vise au contraire qu’à renforcer les moyens de procédure utiles à l’objectif de répression d’un crime au motif de sa particulière gravité pour les victimes et la communauté internationale, ainsi qu’il ressort clairement de la Convention contre la torture, adoptée à New York le 10 décembre 1984. Suivre le raisonnement du Parquet reviendrait à restreindre comme peau de chagrin la mise en œuvre du principe de compétence extraterritoriale, auquel a pourtant adhéré la France par diverses conventions internationales.

Dans une affaire où la tentative d’immixtion du politique est constante, seul le droit doit prévaloir et l’œuvre de justice doit être menée à son terme, conformément aux légitimes attentes des victimes et familles de victimes.

Pour la FIDH, la LDH et l’OCDH, l’argument fallacieux de l’incompétence du juge d’instruction tiré d’une prétendue saisine « in personam » doit, tout comme l’alibi de l’immunité être écarté par la Chambre de l’instruction pour permettre aux victimes de se voir enfin garanties dans leur droit fondamental à un recours effectif devant des tribunaux indépendants et impartiaux.

Contacts presse

01 43 55 25 18 / 14 12

Voir en ligne : L’affaire du Beach sur le site de la FIDH
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