le Procureur espagnol au service de la raison d’Etat ... et de Pinochet

AFFAIRE PINOCHET : Le Procureur espagnol au service de la raison d’Etat ... et de Pinochet

La Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) est très préoccupée par le recours présenté le 29 juillet dernier par le bureau du procureur espagnol devant l’Audience Nationale (principale instance pénale du pays) demandant la mise en liberté de l’ex-dictateur chilien Augusto Pinochet.

En dépit de la décision prise à l’unanimité par les membres de l’Audience Nationale en novembre 1998 sur la légalité de l’extradition du général Pinochet de la Grande Bretagne vers l’Espagne, le bureau du procureur s’oppose à ce procès et invoque des arguments de nature politique pour obtenir l’annulation de l’ordre de détention de l’ex-dictateur.

La FIDH est outrée et consternée par l’argumentation du procureur qui estime notamment que les tortures commises sous l’ordre d’Augusto Pinochet ne constituent pas un crime prévu par la législation espagnole. Selon lui, ces crimes n’auraient en effet pas été perpétrés aux fins d’obtenir des informations ou des aveux, mais pour faire régner un climat de terreur. Or, le Code civil espagnol ne sanctionne la torture que dans le premier cas.

Cette argumentation nie outrageusement l’authenticité de faits parmi les mieux établis et constitue une insulte aux victimes de la répression politique de PINOCHET. De plus, elle fait table rase des obligations de l’Espagne en droit international : en vertu de la Convention des Nations Unies contre la torture, ratifiée par ce pays en 1987, et du principe de la compétence universelle qui en découle, l’Espagne a la responsabilité de détenir et juger toutes personnes accusées de crimes de torture.

Il est enfin stupéfiant de voir le Procureur arguer de la trop longue durée de la détention de PINOCHET au regard de la Constitution espagnole : d’une part celui-ci n’est plus qu’assigné à résidence ; d’autre part, aucune détention - et pour cause - de l’ex-dictateur n’a encore été matérialisée en Espagne.

Le 3 août, la FIDH exhortait le Président du gouvernement espagnol, M. Aznar, de ne pas céder aux pressions exercées par les autorités chiliennes pour annuler la procédure d’extradition de Pinochet vers l’Espagne. La FIDH lui faisait part en outre de l’impossibilité de voir Pinochet jugé au Chili en l’état actuel de la législation chilienne (voir rapport de mission d’enquête FIDH N°280, juillet 1999).

Aujourd’hui, la FIDH tient M. Aznar directement responsable du respect par l’Espagne de ses engagements internationaux. Elle appelle le Procureur près l’Audience Nationale à abandonner des motivations manifestement politiques et à revenir à la raison judiciaire.

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