Une responsabilité reconnue, une impunité définitive

La Fédération Internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) accueille avec réserve et regret la décision de la deuxième Chambre Pénale de la Cour Suprême du Chili qui lundi 1er juillet a prononcé le non-lieu pour démence de l’ancien dictateur Augusto Pinochet.
Ainsi, la justice chilienne clôt définitivement le cas de la "Caravane de la mort".

Pinochet, dans le procès ouvert à son encontre en mars 2000 par le juge Juán Guzmán Muret, était accusé d’avoir couvert le meurtre de 57 personnes et 18 enlèvements, commis par un commando militaire baptisé la "Caravane de la mort". Le verdict de la Cour Suprême, adopté par quatre voix contre une, confirme l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Santiago, qui avait considéré Pinochet comme mentalement inapte, ce qui constitue une cause de nullité du procès.
Selon Hugo Gutiérrez, avocat et membre du CODEPU (Comité de Défense des Droits du Peuple), organisation membre de la FIDH, cette décision comporte un élément positif puisque la Cour reconnaît la responsabilité d’Augusto Pinochet dans les crimes dont on l’accuse.

Toutefois, les considérations politiques ont prévalu une fois de plus sur les considérations juridiques, concédant l’impunité au dictateur chilien. La FIDH partage l’opinion de Gutierrez selon laquelle " l’opinion publique n’est pas dupe : Pinochet n’est ni fou, ni dément ". Cette décision de la Cour est particulièrement préoccupante, les avocats de la défense de Pinochet pourront l’utiliser au cours d’autres procès ouverts devant la justice chilienne à l’encontre du dictateur pour des crimes commis sous la dictature.

Devant la persistance de l’impunité de Pinochet au Chili, la FIDH espère que les procès entamés dans d’autres pays et notamment en France (procès où d’ailleurs la FIDH s’est constituée partie civile) selon le principe de compétence universelle, suivront leur cours et établiront clairement la responsabilité de Pinochet pour ces meurtres. Devant l’incapacité de la justice chilienne à juger certains de ces crimes graves, la FIDH rappelle l’importance de la justice internationale pour remédier à une carence manifeste.
En effet, ce même 1er juillet où la justice chilienne s’est prononcée pour le non-lieu de Pinochet, entrait en vigueur la Cour Pénale Internationale. Cette juridiction permanente est compétente pour juger les crimes les plus graves : les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide, commis par un national ou sur le territoire d’un Etat partie à compter du 1er juillet 2002, des crimes tels que ceux commis par Pinochet, dans l’hypothèse où ces derniers ne seraient pas jugés par les juridictions nationales.

Le Chili constitue, avec Guatemala et le Mexique, l’un des rares pays de l’Amérique Latine n’ayant pas ratifié le Statut de la Cour, ce qui laisse craindre un manque de volonté de la part des autorités à juger les auteurs des crimes qui viendraient à être commis au Chili depuis le 1 juillet.

Pour lever toute ambiguïté à cet égard, la FIDH demande instamment aux autorités chiliennes de déposer dans les plus brefs délais leurs instruments de ratification du Statut de Rome.

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