17 mai 2024. En cette Journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) réaffirme son soutien indéfectible aux personnes et aux défenseur·es des droits des LGBTQI+ et continue le combat contre toutes formes de discriminations et d’oppressions.
La criminalisation de l’homosexualité et de la transidentité est une réalité dévastatrice dans plus de 60 pays. La communauté LGBTQI+ y est exposée à des sanctions sévères, allant parfois jusqu’à la peine de mort. Ces législations contribuent à la marginalisation et à la stigmatisation de ces minorités. Outre les actes sexuels, l’expression de genre est également criminalisée.
Dans plusieurs pays du Maghreb et du Moyen-Orient, la criminalisation de relations sexuelles avec des personnes du même sexe et de la transidentité trouve souvent ses racines dans un héritage colonial français ou britannique. Ces systèmes légaux hérités ont perduré et ont été perpétués par la sacralisation des discriminations et des normes sociales, enracinées dans un modèle patriarcal, cisgenre et hétéronormé. La montée des fondamentalismes conjuguée à une politique de répression généralisée crée un climat d’insécurité et d’oppression dans les sphères privées et publiques pour les personnes LGBTQI+ dans la région.
Malgré ces défis, des voix courageuses émergent pour défendre l’égalité et les droits fondamentaux de la communauté LGBTQI+. Elles appellent à une action concertée des gouvernements et de la société civile pour mettre fin aux discriminations systémiques et garantir une société égalitaire pour toutes et tous.
Au Moyen Orient, en particulier en Arabie saoudite, au Qatar, aux Émirats arabes unis et au Yémen, des lois prévoient la peine de mort pour les personnes reconnues coupables d’actes sexuels consentis avec des personnes du même sexe, en vertu d’interprétations strictes de la Charia.
Cent coups de fouet
Au Yémen, le code pénal dans son article 246 punit le sexe anal de 100 coups de fouet et/ou d’un an d’emprisonnement pour les personnes non mariées, et la lapidation pour les personnes mariées. Plus récemment, en Irak, après des campagnes haineuses menées par des personnalités politiques. visant la communauté LGBTQ+, le 27 avril, le Parlement irakien a adopté des amendements à une loi anti-prostitution datant de 1988. Ces amendements prévoient des peines allant jusqu’à quinze ans d’emprisonnement pour les relations homosexuelles et jusqu’à trois ans pour les personnes en transition de genre marquant ainsi un recul sévère pour les droits des personnes LGBTQI+.
En plus des dispositions pénales incriminant explicitement l’homosexualité comme en Algérie où l’article 338 du Code pénal punit toute personne coupable d’un acte homosexuel d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et d’une amende, ou l’article 520 du Code pénal syrien de 1949 qui interdit les « rapports sexuels contre nature » et les rend passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement, ou encore l’article 230 du Code pénal tunisien qui pénalise les actes d’homosexualité tant féminins que masculins, les autorités des pays de la région ont souvent recours à des dispositions juridiques incriminant l’expression de genre. C’est le cas d’Oman, qui a, en janvier 2018, promulgué un nouveau Code pénal qui criminalise, pour la première fois l’expression de genre non conforme et non normative. L’article 266 prévoit ainsi une peine d’un mois à un an d’emprisonnement ou une amende de 100 à 300 riyals (260 à 780 dollars US), ou les deux, pour tout homme qui « se présente habillé en femme ». Les dispositions relatives aux bonnes mœurs et à la pudeur sont également mobilisées pour réprimer les minorités de genre. Au Koweït, la loi sur les bonnes mœurs, qui auparavant avait un cadre général, dispose désormais que toute personne « imitant le sexe opposé de quelque manière que ce soit » encourt un an d’emprisonnement ou une amende de 1 000 dinars koweïtiens (3322 dollars US), ou les deux.
Ces peines sévères, allant jusqu’à la peine de mort, pour les actes sexuels consentis entre personnes de même sexe, sont souvent justifiées par des interprétations rigoristes de la religion. L’influence néfaste de certains médias et des réseaux sociaux amplifie les attitudes hostiles envers la communauté LGBTQI+, dans une totale impunité.
Les campagnes de “chasse” aux personnes LGBTQI+, l’emprisonnement et les détentions arbitraires et prolongées, la surveillance et l’intimidation policière et judiciaire sont fréquemment observés dans les pays qui ont adopté ce type de lois. Les cas du Yémen, de la Libye et de l’Égypte en sont des illustrations parlantes.
Cette oppression est souvent camouflée par les autorités en place en l’absence de données avérées et de chiffres officiels rendant compte de la réalité des poursuites engagées contre les personnes LGBTQI+. La sous-déclaration des arrestations et des poursuites, dans des pays comme le Maroc et le Qatar, est souvent soulevée par les organismes de défense des droits des LGBTQI+.
Des traitements inhumains et dégradants sont également infligés aux personnes LGBTQI+. Des pratiques humiliantes, telles que le test anal (considéré comme unacte de torture par les Nations Unies), sont utilisées pour “prouver” l’orientation sexuelle des personnes poursuivies. En Tunisie, malgré les appels répétés des organisations de défense des droits humains, cette pratique persiste. Au-delà de leur aspect évidemment problématique, ces pratiques renforcent la stigmatisation sociale et donc les discriminations contre les communautés LGBTQI+ là où elles ont cours.
Quels droits socio-économiques pour les personnes LGBTQI+ ?
Outre les violences institutionnelles, les personnes LGBTQI+ souffrent de multiples barrières socio-économiques qui entravent l’accès aux droits fondamentaux en matière d’emploi, de logement, de santé et d’éducation. Ces barrières contribuent à une marginalisation et une exclusion systématiques des personnes LGBTQI+ dans la société. Il est impératif de mettre en place des politiques et des pratiques qui prennent en considération leurs besoins spécifiques pour garantir l’accès équitable à ces droits fondamentaux pour tou·tes, indépendamment de l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre, l’expression de genre et les caractéristiques sexuelles (SOGIESC).
Par ailleurs, dans le contexte plus large d’une crise aiguë des droits humains et d’une répression généralisée dans la région MENA, les gouvernements adoptent une attitude hostile et une opacité totale envers les questions LGBTQI+. En Arabie saoudite, aucune organisation LGBTQI+ officielle n’est tolérée, et toute forme d’activisme en faveur des droits de ces personnes est sévèrement réprimée. Cette hostilité se manifeste également par le manque de transparence dans les rapports officiels sur les discriminations basées sur l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre et les caractéristiques sexuelles (SOGIESC).
Cet environnement de terreur encourage l’isolement des personnes LGBTQI+, rend les tentatives d’établir des communautés plus difficiles, l’affirmation publique impossible et le partage d’informations particulièrement ardu.
Malgré ce climat et les risques encourus, des voix courageuses se lèvent pour revendiquer l’égalité et la dignité. Des mouvements de défense des droits des personnes LGBTQI+ se mobilisent, construisent des alliances et défient les oppressions. En Tunisie, la FIDH a enregistré les différentes formes d’intimidation exercées par les forces de l’ordre et l’appareil judiciaire contre les défenseur·ses des droits des personnes LGBTQI+. En témoignent les attaques et actes d’intimidation à l’encontre de l’association Damj et sa coordinatrice Mira ben Salah intervenues en avril 2024.
Dans ce contexte difficile, parmi les actions de défense et de protection menées par la FIDH, l’Observatoire pour la Protection des Défenseur.es des Droits Humains, créé en partenariat avec l’OMCT en 2007, joue un rôle crucial d’alerte et d’accompagnement. Il vise à soutenir les défenseur.es y compris les militant.es LGBTQI+ face aux répressions et aux violences, tout en essayant de proposer une réponse concrète aux défis rencontrés. Ses actions incluent l’alerte internationale sur les cas de harcèlement, l’assistance juridique lors de procès, les missions d’enquête et de solidarité, ainsi que la mobilisation auprès des organisations internationales. En collaboration étroite avec des ONG, l’Observatoire garantit une protection renforcée et une défense des droits humains, soulignant ainsi son engagement concret en faveur de la sécurité et de la dignité des défenseur.euses en danger.
Face aux défis persistants auxquels sont confrontées les personnes LGBTQI+ dans la région, il est impératif que des mesures concrètes et immédiates soient prises pour garantir leurs droits fondamentaux et leur sécurité. A cette fin, nous appelons les gouvernements à respecter les droits des personnes LGBTQI+ et à mettre fin à toute forme de répression à leur encontre ainsi qu’envers leurs défenseur·euses. Les recommandations suivantes visent à concrétiser cet engagement :
– Mettre fin aux pratiques de torture et de mauvais traitement, y compris à travers l’abolition du test anal souvent utilisé par de nombreux gouvernements de la région pour établir l’orientation sexuelle ;
– Abroger les lois criminalisant les relations homosexuelles et les personnes transgenres, tout en interdisant et combattant activement la discrimination fondée sur le SOGIESC ;
– Mettre un terme aux restrictions et à l’intimidation, y compris le harcèlement judiciaire, exercés sur les associations et mouvements de défense des personnes LGBTQI+ ;
– Mettre fin et interdire les mutilations sur les personnes intersexes, soulignant ainsi l’importance de garantir l’intégrité physique et les droits fondamentaux de toutes les personnes, quelles que soient leurs caractéristiques sexuelles ;