Yémen : Les ventes d’armes attisent le conflit

22/03/2016
Communiqué
ar en es fr
AHMAD AL-BASHA / AFP

(Paris) Un an après le début des opérations militaires de la coalition menée par l’Arabie Saoudite au Yémen, et alors que les civils paient le prix le plus élevé des affrontements entre belligérants, huit organisations appellent tous les gouvernements à :

 Cesser d’approvisionner en armes, munitions, et équipement militaire aux parties au conflit, dès lors qu’existe un risque significatif que ceux-ci soient utilisés au Yémen pour commettre ou faciliter des violations graves du droit international humanitaire ou du droit international des droits de l’homme.

Un an après que la coalition a pris part au conflit, le Secrétaire Général des Nations-unies a déclaré que « le Yémen brûle et est inondé par les armes ». En transférant des armes et du matériel à des acteurs armés connus pour avoir violé le droit international humanitaire, les fournisseurs d’armes ne font pas que jeter de l’huile sur le feu des crimes commis au Yémen : ils s’exposent au risque d’être reconnus complices des crimes perpétrés par ces groupes. La communauté internationale a pour obligation de prendre des mesures pour assurer le respect du droit international humanitaire et des droits humains. En particulier, les Etats signataires du Traité sur le Commerce des Armes et les membres de l’Union Européenne sont tenus d’évaluer objectivement le risque qu’un transfert d’armes potentiel à toute partie au conflit au Yémen soit utilisé pour commettre ou faciliter des violations graves. En cas de risque grave et clair, le transfert ne doit pas être autorisé. Les Etats doivent dans tous les cas veiller à ce qu’il y ait, au minimum, une garantie juridiquement contraignante appuyée par des sanctions, que l’utilisation finale sera conforme au droit international, en particulier au droit international humanitaire et des droits de l’homme.

 Soutenir un mécanisme international crédible et indépendant pour enquêter sur les allégations de violations graves du droit international humanitaire et des droits de l’homme commises au Yémen, dans le but de garantir que les victimes des violations obtiennent réparation, et que ceux soupçonnés de crimes soient traduits en justice dans le cadre de procès équitables.

Contexte

Le conflit armé au Yémen a eu des effets dévastateurs sur la population civile, l’infrastructure civile et le patrimoine culturel du pays. Au cours de la dernière année, plus de 3 000 civils ont été tués. L’insécurité provoquée par les opérations aériennes et terrestres, ainsi que les restrictions sur l’accès humanitaire et l’importation de produits de première nécessité ont contribué à une crise dans laquelle 21 millions de personnes – soit 82% de la population d’avant-guerre du Yémen – dépendent désormais de l’aide humanitaire.

Le 26 mars 2015, la coalition de 9 pays menée par l’Arabie Saoudite, et les forces loyales au président Abd Rabbo Mansour Hadi, ont lancé une campagne aérienne et terrestre contre les Houthis du groupe Ansar Allah, et les forces loyales à l’ancien président Ali Abdallah Saleh. Les combats se sont depuis propagés à une grande partie du pays ainsi qu’à l’Arabie Saoudite voisine, et ont impliqué diverses factions armées locales ainsi qu’Al Qaeda dans la Péninsule Arabique. Le Groupe d’Experts sur le Yémen de l’ONU, Amnesty International, Human Rights Watch et Mwatana ont établi que des dizaines de frappes aériennes de la coalition ont constitué en des attaques indiscriminées et disproportionnées ayant causé la mort de civils en violation du droit international humanitaire. Les Houthis et d’autres groupes armés ont été responsables de nombreux abus du droit international humanitaire et des droits humains.

Les violations documentées en détail comprennent :

 Des frappes aériennes de la coalition à travers le Yémen, en violation claire du droit international humanitaire, ayant causé la mort de plusieurs centaines de civils. Les frappes contre des zones résidentielles peuplées, les hôpitaux, les écoles, les marchés et les mosquées peuvent constituer des crimes de guerre [1]. Le Groupe d’Experts de l’ONU a documenté 119 sorties de la coalition impliquées dans des violations du droit international humanitaire [2].
 L’utilisation répétée par la coalition d’armes à sous-munitions, interdites internationalement, ayant fait des victimes civiles, et représenté une menace immédiate et à long-terme pour les civils sous la forme de munitions non explosées [3].
 Les attaques terrestres indiscriminées par les Houthis et les forces alliées ayant tué et blessé des civils au Yémen et dans des villes frontalières en Arabie Saoudite en violation du droit international humanitaire [4].
 L’utilisation par les Houthis et les forces alliées de mines anti-personnel interdites internationalement [5].
 Les Houthis et les forces alliées ayant mis en danger la vie de milliers de civils dans la ville méridionale de Taez en bloquant l’entrée de fournitures médicales essentielles et de nourriture [6].

Lire la suite