Lesdites organisations demandent à ce que :
– des enquêtes soient menées à l’échelle nationale et internationale par la Cour pénale internationale (CPI) sur la responsabilité pénale des autorités européennes ainsi que des entreprises d’armements ;
– il soit immédiatement mis fin aux exportations d’armes et au soutien militaire à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis qui se poursuivent à ce jour ;
– les procédures d’octroi de licences et d’exportation soient réexaminées rétroactivement, car les licences d’exportation ne peuvent pas faire office d’autorisations à poursuivre les violations des droits humains en toute impunité.
La communauté internationale doit enfin intervenir de manière décisive afin d’empêcher de nouvelles violations et afin de poursuivre les acteurs qui auraient potentiellement commis ou participé à des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Les Nations unies sont tenues de mettre en œuvre un mécanisme international d’établissement des responsabilités pénales qui étudiera le cas de toutes les parties au conflit accusées de violations des droits humains. Il aura pour mission de mener des enquêtes sur les violations de droits humains et du droit humanitaire international, de présenter des rapports publics sur la situation des droits humains au Yémen, et d’assurer la collecte, la conservation et l’analyse de preuves, ainsi que la constitution de dossiers en vue de poursuites pénales ultérieures.
Alors que les négociations pour la poursuite du cessez-le-feu, qui dure depuis presque un an, ont échoué en octobre 2022, la spirale de la violence pourrait reprendre à tout moment, aggravant encore la situation déjà désastreuse de la population civile.
À ce jour, le conflit a déjà fait plus de 300 000 mort·es et plus de quatre millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays. Plus de 23 millions de Yéménites dépendent de l’aide humanitaire, cependant les dommages causés aux infrastructures civiles par le conflit et par les actions délibérées des parties belligérantes ont entravé l’accès à l’aide humanitaire, ainsi qu’à l’eau, à la nourriture et au matériel médical. Le blocus aérien et maritime du Yémen par l’Arabie saoudite a eu de gaves répercussions sur les droits humains de la population civile, tandis que le bombardement des infrastructures civiles par la coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite constitue une violation manifeste du droit international.
Déjà en 2019, le European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR), Mwatana for Human Rights, Amnesty International, Campaign Against Arms Trade, Centre Delàs et Rete Disarmo avaient déjà déposé une communication commune auprès de la CPI, reconstituant avec précision 26 frappes aériennes saoudiennes contre des civil·es – ce qui constituait une violation flagrante du droit international – au cours desquelles des armements européens avaient été employés. Par ailleurs, des plaintes pénales ont également été déposées au niveau national. Malgré des violations amplement documentées et des preuves évidentes de l’implication européenne dans d’éventuels crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Yémen, les responsables restent impunis à ce jour.
La réponse face à la guerre d’agression menée par la Russie en Ukraine démontre que la communauté internationale est capable d’enquêter sur les auteurs potentiels de crimes internationaux. Le peuple yéménite doit pouvoir attendre de la communauté internationale qu’elle déploie le même niveau d’engagement pour poursuivre les responsables des crimes graves et des violations des droits humains qui ont été et sont perpétrés à son encontre.