L’Europe impliquée dans les crimes de guerre au Yémen : les exportations d’armes et l’impunité doivent cesser

11/04/2023
Déclaration
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Guillaume Périgois via Unsplash

Berlin, Sana’a, 23 mars 2023. Il y a huit ans, le 26 mars 2015, la coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite lançait l’opération aérienne « Tempête décisive », contribuant à l’intensification du conflit au Yémen, ainsi qu’aux souffrances de la population civile. À l’approche de la commémoration de l’opération de bombardement, 32 organisations renouvellent leur appel pour que les entreprises d’armements et les acteurs étatiques européens soient tenus responsables de leur participation à d’éventuels crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Lesdites organisations demandent à ce que :

 des enquêtes soient menées à l’échelle nationale et internationale par la Cour pénale internationale (CPI) sur la responsabilité pénale des autorités européennes ainsi que des entreprises d’armements ;
 il soit immédiatement mis fin aux exportations d’armes et au soutien militaire à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis qui se poursuivent à ce jour ;
 les procédures d’octroi de licences et d’exportation soient réexaminées rétroactivement, car les licences d’exportation ne peuvent pas faire office d’autorisations à poursuivre les violations des droits humains en toute impunité.

La communauté internationale doit enfin intervenir de manière décisive afin d’empêcher de nouvelles violations et afin de poursuivre les acteurs qui auraient potentiellement commis ou participé à des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Les Nations unies sont tenues de mettre en œuvre un mécanisme international d’établissement des responsabilités pénales qui étudiera le cas de toutes les parties au conflit accusées de violations des droits humains. Il aura pour mission de mener des enquêtes sur les violations de droits humains et du droit humanitaire international, de présenter des rapports publics sur la situation des droits humains au Yémen, et d’assurer la collecte, la conservation et l’analyse de preuves, ainsi que la constitution de dossiers en vue de poursuites pénales ultérieures.

Alors que les négociations pour la poursuite du cessez-le-feu, qui dure depuis presque un an, ont échoué en octobre 2022, la spirale de la violence pourrait reprendre à tout moment, aggravant encore la situation déjà désastreuse de la population civile.

À ce jour, le conflit a déjà fait plus de 300 000 mort·es et plus de quatre millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays. Plus de 23 millions de Yéménites dépendent de l’aide humanitaire, cependant les dommages causés aux infrastructures civiles par le conflit et par les actions délibérées des parties belligérantes ont entravé l’accès à l’aide humanitaire, ainsi qu’à l’eau, à la nourriture et au matériel médical. Le blocus aérien et maritime du Yémen par l’Arabie saoudite a eu de gaves répercussions sur les droits humains de la population civile, tandis que le bombardement des infrastructures civiles par la coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite constitue une violation manifeste du droit international.

Déjà en 2019, le European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR), Mwatana for Human RightsAmnesty International, Campaign Against Arms Trade, Centre Delàs et Rete Disarmo avaient déjà déposé une communication commune auprès de la CPI, reconstituant avec précision 26 frappes aériennes saoudiennes contre des civil·es – ce qui constituait une violation flagrante du droit international – au cours desquelles des armements européens avaient été employés. Par ailleurs, des plaintes pénales ont également été déposées au niveau national. Malgré des violations amplement documentées et des preuves évidentes de l’implication européenne dans d’éventuels crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Yémen, les responsables restent impunis à ce jour.

La réponse face à la guerre d’agression menée par la Russie en Ukraine démontre que la communauté internationale est capable d’enquêter sur les auteurs potentiels de crimes internationaux. Le peuple yéménite doit pouvoir attendre de la communauté internationale qu’elle déploie le même niveau d’engagement pour poursuivre les responsables des crimes graves et des violations des droits humains qui ont été et sont perpétrés à son encontre.

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  • Co-signataires

    1. Mwatana for Human Rights (Yémen)
    2. Campaign Against Arms Trade – CAAT (Royaume-Uni)
    3. Amnesty International France (France)
    4. Centre Delàs (Espagne)
    5. European Center for Constitutional and Human Rights (Allemagne)
    6. Rete Italiana Pace e Disarmo (Italie)
    7. International Service for Human Rights (Suisse)
    8. Control Arms (États-Unis)
    9. Global Centre for the Responsibility to Protect (États-Unis)
    10. World Organisation Against Torture (États-Unis)
    11. Vredesactie (Belgique)
    12. PAX (Pays-Bas)
    13. Yemen Relief and Reconstruction Foundation (États-Unis)
    14. Stop Fuelling War, Cessez d’alimenter la Guerre (France)
    15. Fédération internationale pour les droits humains (France)
    16. Stop Wapenhandel (Pays-Bas)
    17. MENA Rights Group (Suisse)
    18. Shadow World Investigations (Royaume-Uni)
    19. International Center for Transitional Justice (États-Unis)
    20. Swedish Peace and Arbitration Society (Suède)
    21. Aktion Aufschrei – Stoppt den Waffenhandel ! (Allemagne)
    22. Sherpa (France)
    23. Osservatorio permanente sulle armi leggere e le politiche di sicurezza e difesa (Italie)
    24. Pax christi Germany (Allemagne)
    25. Cairo Institute for Human Rights Studies (Égypte)
    26. Ceasefire Centre for Civilian Rights (Royaume-Uni)
    27. Arms Information Centre (Allemagne)
    28. Amnesty International Italy (Italie)
    29. ACAT-France (France)
    30. Internationaler Versöhnungsbund, österreichischer Zweig (Autriche)
    31. Pax Christi Österreich (Autriche)
    32. International Secretariat Amnesty International

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