23 avril 2025. Le régime de Kaïs Saïed a prononcé plus de 1 000 ans de peines de prison cumulées contre 40 prisonnier·es d’opinion : avocat·es, politiques, défenseur·es, chercheur·es et journalistes. Pour parvenir à leurs fins, les autorités tunisiennes ont utilisé une série de charges issues de la loi anti-terroriste de 2015 et du code pénal datant de la période coloniale pour incriminer de simples activités politiques et associatives et monter de toutes pièces l’affaire dite « du complot ».
La fin du procès ne marque en aucun cas la fin, ni même un ralentissement, de la persécution politique en Tunisie. Le dernier épisode en date est l’arrestation de l’avocat et ancien magistrat Ahmed Souab, intervenue le 21 avril 2025. Selon le porte-parole du pôle anti terroriste tunisien, il est accusé d’« infractions terroristes » et de « crimes de droit commun ». Cette arrestation fait suite à des déclarations publiques de M. Souab, dans lesquelles il dénonçait les conditions du procès dit du « complot contre la sûreté de l’État » et l’ingérence de l’exécutif dans le travail des juges. Il a notamment qualifié ce procès de « parodie de justice » et accusé les autorités de « mettre le couteau sous la gorge des magistrats ».
« Kaïs Saïed a voulu faire des exemples. Il a voulu montrer avec sa vulgarité caractéristique qu’il n’a pas de respect même élémentaire pour la décence humaine. Des personnes, qui prenaient part il y a quelques années à une démocratie naissante, ont été condamnées à des peines lourdes qui, pour certaines, les privent de liberté pour le restant de leurs jours. Ces verdicts sont cruels et indignes », déclare Yosra Frawes, directrice du bureau Maghreb et Moyen-Orient de la FIDH.
« Ce procès était la dernière digue. Nous ne nous faisions plus d’illusions, mais nous avions encore l’espoir d’un sursaut des magistrats, ou même d’une retenue quelconque de la part du pouvoir. À présent, nous devons faire le constat amer qu’une dictature pire que la précédente s’est installée en Tunisie. Une dictature qui orchestre des parodies de procès et qui condamne des prisonnier·es politiques par dizaines », déclare Aissa Rahmoune, secrétaire général de la FIDH.
En Tunisie, à la persécution des opposant·es s’ajoutent les graves violations des droits humains des migrant·es, commises par les autorités en place et documentées par les organisations des droits humains. En totale contradiction avec ces faits, la Commission européenne, poussée par l’Italie, a proposé la semaine dernière de classer la Tunisie parmi les « pays sûrs ». Une telle décision, si elle était approuvée par le Parlement européen, restreindrait les demandes d’asile en provenance de la Tunisie et confirmerait de facto le soutien de l’Europe aux politiques répressives de Kaïs Saïed.
Face au constat d’une dictature qui musèle et emprisonne toute opposition réelle ou présumée, la FIDH appelle l’Union européenne (UE) à réévaluer tout accord de coopération en cours avec le gouvernement tunisien et à le conditionner au strict respect des droits humains, ainsi qu’à déployer un soutien accru à la société civile tunisienne, la dernière garante des espoirs démocratiques dans le pays.