SUSPENSION DU COMITE DIRECTEUR DE LA LIGUE TUNISIENNE PAR LES AUTORITES

28/11/2000
Rapport

Les autorités tunisiennes ont encore franchi une nouvelle étape dans la répression à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme dont ils sont coutumiers depuis plusieurs années.

La Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH) est aujourd’hui la cible d’une campagne mettant directement en danger son existence même.

Cette campagne intervient un mois après la tenue du cinquième congrès de la LTDH à l’issue duquel la nouvelle direction de la Ligue, élue démocratiquement, a affirmé sa volonté de suivre une ligne d’action totalement indépendante. Ce congrès a marqué une étape importante pour le pluralisme de la société civile indépendante tunisienne.

Le 25 novembre 2000, quatre semaines après cet événement, une procédure en référé a été ouverte visant à mettre sous administration judiciaire la Ligue (mise sous séquestre). Plus de cinquante avocats locaux ont tenu à manifester leur soutien à la Ligue en assistant à l’audience fixée en urgence ce lundi 27 novembre à 9H devant le juge des référés. La décision vient de tomber : toutes les activités du Comité directeur de la Ligue sont suspendues dans l’attente de l’examen sur le fond - soit la question de la nomination éventuelle d’un administrateur judiciaire, qui interviendra le jeudi 30 novembre.

Cette procédure d’urgence fait suite à tout une série d’actes de harcèlement. Au lendemain du congrès était lancée une virulente campagne de presse contre la nouvelle direction de la Ligue. Le 14 novembre, une procédure judiciaire contestant les conditions de préparation et le déroulement du 5eme congrès était lancée par quatre

congressistes battus lors des élections du bureau et dont les liens avec le pouvoir sont manifestes. L’audience prévue le 9 décembre auprès du tribunal correctionnel de Tunis a été reportée au 25 décembre. Enfin, le 19 novembre, le nouveau secrétaire de la LTDH, Khémais Ksila, se faisait interpeller et confisquer, à son retour de Paris, plusieurs livres et un certain nombre de documents.

Parallèlement, les différentes prises de position et actions menées par les membres de la Ligue et au travers desquelles, notamment, ils dénonçaient l’extrême gravité des conditions de détention des prisonniers politiques y compris celle des grévistes de la faim, le déroulement du procès - parfaitement inéquitable - des membres présumés de groupe islamiste Ansar, étaient très largement censurées dans les médias tunisiens.

Eu égard au contexte prévalant en Tunisie où les libertés d’expression, d’opinion, d’association, de religion sont systématiquement bafouées, cette succession de faits constitue une réelle menace pour l’intégrité de la Ligue comme pour celle de ses membres. Les procédures citées ci-dessus n’ont d’autres motifs que celui de neutraliser définitivement la nouvelle direction de la Ligue.

Mais, plus largement, c’est bien l’ensemble des associations et du mouvement démocratique et pluraliste tunisien qui est ici visé.

Aussi nous lançons un appel :

· Aux plus hautes autorités tunisiennes et au Président Ben Ali, de se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998 qui garantit à chacun le droit de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international (art 1). Il incombe à l’Etat de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la libre activité des défenseurs (art 12). L’Observatoire rappelle que la Tunisie lors de la dernière session de la Commission des droits de l’Homme a soutenu la création d’un mécanisme international de protection des défenseurs et par cela est censée avoir affirmé son acceptation des termes de la Déclaration sur les défenseurs.

· Au Secrétaire général des Nations Unies, Koffi Annan et à sa Représentante spéciale sur les défenseurs des droits de l’Homme, Mme Hina Jilani, afin qu’ils exercent les pressions nécessaires auprès des autorités tunisiennes pour que soit mis un terme à cette situation de répression.

· A l’Union Européenne, à ses Etats membres et à la Commission et au Parlement européens pour qu’ils respectent l’accord d’association signé avec la Tunisie et exigent des autorités tunisiennes qu’elles se conforment à la clause sur les droits de l’Homme incluse dans cet accord.

Enfin nous appelons les individus et les associations indépendantes de défense des droits de l’Homme à soutenir cet appel. La mobilisation de tous peut, seule, permettre de mettre fin à la répression et rétablir dans leurs droits tous les citoyens tunisiens.

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