Message de Patrick Baudoin, président de la FIDH au cinquième congrès national de la LTDH

02/11/2000
Communiqué

Mesdames, Messieurs, Cher(e)s Ami(e)s,

Je suis désolé de ne pas pouvoir être parmi vous aujourd’hui mais j’ai tenu à vous délivrer ce message, à l’occasion de cet important congrès qui doit marquer une nouvelle étape dans la vie de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme et pour l’ensemble du mouvement de la défense des droits de l’Homme en Tunisie.

Le contexte de violations systématiques de certains droits et libertés fondamentaux qui affecte la Tunisie depuis de longues années, n’a pas épargné les défenseurs des droits de l’Homme en Tunisie, bien au contraire. Vous avez figuré parmi les premières cibles à museler et neutraliser, comme tant de voix dissidentes du discours officiel.

La Ligue tunisienne, la plus ancienne ligue de la région, la première à avoir été affiliée à la FIDH, a été largement affectée par cette situation, jusqu’à voir l’un de ses vice-président condamné et emprisonné pendant deux années.

Au cours de ces années extrêmement difficiles, la FIDH, comme c’est son rôle partout à travers le monde, s’est battue, à vos côtés, pour vous soutenir et faire prévaloir vos préoccupations et vos revendications.

Au cours de ces années extrêmement difficiles, grâce au courage des militants tunisiens des droits de l’Homme en Tunisie et ailleurs, un courage exemplaire que je salue avec un profond respect, nous sommes parvenus, ensemble, à briser le mur de l’incrédulité et du silence : NON, la Tunisie n’est pas seulement le pays du soleil et de la douceur de vivre ! OUI, il existe en Tunisie des violations systématiques du droit à l’intégrité physique, à un procès équitable, des libertés d’opinion, d’expression, d’association, de circulation, du droit à la liberté et à la sûreté de la personne, du droit de mener une vie familiale normale !

Ce constat, vous n’êtes plus seuls, nous ne sommes plus seuls à le partager. La Commission et la Sous-commission des droits de l’Homme des Nations Unies, le Comité contre la torture des Nations Unies, la Haut commissaire aux droits de l’Homme des Nations Unies, le Conseil, la Commission et le Parlement européens, toutes ces instances, de même que nombre de médias indépendants en Europe, en Amérique mais également en Afrique, ont pris conscience de cette situation. Toutes ces instances vous sollicitent et nous sollicitent désormais pour avoir du quotidien vécu par le peuple de Tunisie une image différente de celle fabriquée par les autorités et leurs agences.

C’est notre devoir et c’est notre droit de leur répondre, en tant que citoyens et que défenseurs des droits de l’Homme !

Et nous attendons des autorités tunisiennes, qui ont soutenu, en avril dernier à la Commission des droits de l’Homme des Nations Unies le droit de chacun, individuellement ou collectivement, d’agir pour le respect des droits de l’Homme, qu’elles honorent leur parole internationale : qu’elles respectent effectivement la libre pensée et la libre parole des tunisiens qui militent pour le respect de ces droits ! Ils sont l’honneur du peuple tunisien !

L’intense et pernicieuse répression dont vous êtes victimes démontre par l’absurde la vivacité de la société civile tunisienne indépendante, son dynamisme, sa demande pressante d’exister et d’être reconnue.

Vous faites partie intégrante d’un mouvement international et régional qui a toujours été à vos côtés, l’est évidemment aujourd’hui et le sera demain pour, avec vous, en toute indépendance, revendiquer haut et fort les libertés pour la Tunisie !

Mesdames, Messieurs, Cher(e)s Ami(e)s,

Ce Congrès s’ouvre alors que des dizaines de détenus d’opinion sont en grève de la faim depuis des semaines. A eux, à leurs familles ici présentes, je dis notre solidarité.

Ce Congrès s’ouvre alors que des dizaines de Tunisien(ne)s vivent dans un exil forcé et que d’autres subissent, ici, un harcèlement systématique. A eux tous, je réitère notre solidarité en pensant particulièrement à mes amis Khemaïss Chammari, Kamel Jendoubi -qui auraient aimé tous deux assister à vos travaux- et Moncef Marzouki.

Ce Congrès de la Ligue tunisienne était attendu ; comme vous, nous espérons tous son succès. Ce Congrès doit marquer une étape importante pour la reconnaissance de cette société civile indépendante tunisienne, de son histoire, de son combat, de sa pluralité qui fait sa richesse.

Bonne chance au Congrès de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme !

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