La FIDH dénonce un climat pré-éléctoral délétère

15/10/2004
Communiqué

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) s’inquiète du climat qui prévaut actuellement en Tunisie à l’approche des élections législative et présidentielle du 24 octobre 2004.

La FIDH considère que ces élections sont une mascarade. En effet, le président sortant, Zine El Abidine Ben Ali qui se présente pour un quatrième mandat face à trois candidats de l’opposition reconnue par le pouvoir est assuré d’être réélu. Les amendements qui ont été apportés à la Constitution tunisienne le 26 mai 2002 par réferendum ont pour effet de restaurer pratiquement une présidence à vie en Tunisie compromettant ainsi la démocratisation des institutions politiques. La FIDH rappelle qu’en 1999 M. Ben Ali avait remporté les élections avec 99,44 % des voix, un score digne de Kim Il Sung.

La FIDH rappelle que contrairement au discours des autorités tunisiennes, et bien que l’attachement aux droits de l’Homme soit inscrit dans la Constitution, l’analyse démontre que les violations des droits humains recensées ne relèvent pas d’actes isolés, mais constituent, par leur caractère systématique, un système délibéré. Les principes fondateurs de la démocratie, tels que la liberté d’expression et d’association, sont bafoués ; les défenseurs des droits de l’Homme harcelés ; la justice est sous tutelle ; la torture est systématique, les tortionnaires restent impunis ; et la situation carcérale est déplorable. La FIDH réitère en particulier son inquiétude concernant la situation des "internautes de Zarzis" condamnés en juin 2004 puis en appel le 6 juillet 2004 à de lourdes peines au terme d’un procès entaché d’irrégularités pour avoir consulté des sites Internet interdits en Tunisie.

En outre, la FIDH s’inquiète des actes d’ intimidation et de harcèlement visant les opposants politiques et les défenseurs des droits de l’Homme qui se sont multipliés au cours de ces dernières semaines en Tunisie.

Ainsi, Hamma Hammami, chef du Parti communiste des ouvriers tunisiens (PCOT), groupe politique d’opposition non reconnu qui a appelé au boycott des élections, a été agressé lundi 11 octobre par deux hommes, alors qu’il se trouvait en pleine rue dans la région de Ben Arous. Selon sa déclaration, il a été accosté par un agent de police en civil qui lui a demandé sa carte d’identité. Lorsque M. Hammami a demandé au policier de montrer une carte professionelle, ces hommes ont commencé à le frapper violemment.

Par ailleurs, Moncef Marzouki, Président du CPR (Congrès pour la République), un des partis politiques d’opposition et ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), et ancien porte-parole de Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) a été arrêté mercredi 13 octobre, alors qu’il s’apprêtait à prendre l’avion en direction Paris. Il a été relâché quelques heures plus tard après avoir subi un interrogatoire et est poursuivi sous la loi anti-terroriste pour diffusion de fausses nouvelles, appartenance à une association illégale et diffamation des institutions judiciaires.

Nejib Marzouk, directeur de la LTDH a été séquestré à l’aéroport de Tunis-Carthage à son retour de Frankfort, le 9 octobre 2004, par les autorités aéroportuaires, qui ont voulu le soumettre à une fouille au corp, ce qu’il a refusé. M. Marzouk a été autorisé à quitter l’aéroport de Tunis-Carthage deux heures plus tard.

Enfin, les deux frères de Taoufik Ben Brick, Jalel et Néjib Zoghlami doivent comparaître le 28 octobre 2004 devant la quatrième chambre du tribunal correctionnel de Tunis dans trois affaires différentes et pour de nombreux chefs d’inculpation : " atteinte aux bien d’autrui ; tentative d’aggression violente" ; "vol ; atteinte aux biens d’autrui et violences aggravées" ; "port d’arme blanche sans autorisation", et "menaces à l’arme blanche et atteinte aux bonnes moeurs". Selon leurs déclarations, Jalel et Néjib Zoghlami avaient été provoqués par des agents de la police pendant la soirée du 22 septembre 2004 et avaient été entraînés dans une violente bagarre. Lorsque la police est intervenue, elle n’a arrêté que les deux frères . L’acharnement judiciaire dont sont victimes les deux frères a été denoncé par la LTDH et le CNLT qui ont exprimé leur indignation contre l’instrumentalisation systematique de la justice pour des règlements de compte politiques.

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