L’incohérence coupable des autorités

03/05/2000
Communiqué

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme est profondément indignée par la condamnation à 3 mois de prison ferme de Jelal Zoghlami, le frère du journaliste tunisien Taoufik Ben Brik.

Elle considère que cette condamnation constitue une véritable provocation des autorités tunisiennes dans la mesure où ce dernier avait annoncé qu’il poursuivrait sa grève de la faim, entamée il y a maintenant un mois, jusqu’à la libération de son frère. En décidant le maintien en détention de Jelal Zoghlami, les autorités tunisiennes prennent le risque grave de pousser Taoufik Ben Brik à une issue tragique. L’argument de l’indépendance de la justice ne saurait être invoqué pour minimiser la responsabilité des plus hautes autorités : un rapport de mission de la FIDH, et de plusieurs organisations internationales de défense des droits de l’Homme, concluait encore récemment que « la justice tunisienne semble avoir démissionné de sa fonction de garantie des droits : la magistrature est globalement « aux ordres », le siège prenant ses instructions auprès du gouvernement et jouant le rôle d’un parquet »1.

La condamnation de ce jour témoigne d’une incohérence coupable. En effet, Jelal Ben Brik a été interpellé alors qu’il tentait de rendre visite à son frère et inculpé d’« agression d’agents de forces de l’ordre », « attroupement illégal » et « incitation de citoyens à la révolte », alors que c’est lui-même qui a été victime des violences pour lesquelles il est aujourd’hui condamné. En outre, quelques heures plus tôt, on apprenait la levée des charges pesant contre Taoufik Ben Brik. S’il faut se féliciter de cette mesure, son adoption confirme aussi que si une règle prévaut en Tunisie, il s’agit bien de la règle de l’arbitraire.

Par cette condamnation les autorités tunisiennes dévoilent une nouvelle fois leur vrai visage d’intolérance et de répression. Aussi, la FIDH appelle le président de la République de Tunisie, Zine El Abidine Ben Ali, à engager enfin son pays sur le chemin du respect des droits de l’Homme et à prononcer sans délai la grâce du frère du journaliste tunisien. Par ailleurs, se référant à l’appel que lui a lancé Taoufik Ben Brik, la communauté internationale, et singulièrement le président de la République française, Jacques Chirac, doivent exercer toutes les pressions utiles pour obtenir un règlement de la situation avant qu’il ne soit trop tard.

En cette journée internationale de la liberté de la presse, il est plus que jamais temps de soutenir fermement et ouvertement le mouvement de résistance à l’oppression que mène Taoufik Ben Brik, pour que cesse la mascarade qui se joue en Tunisie et qui risque de coûter la vie du dernier journaliste indépendant de ce pays.

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