ENTRETIEN DE MARY ROBINSON ET DE KHEMA

06/06/2000
Communiqué

Monsieur Khémaïs Ksila, Vice-président de la ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme, organisation affiliée à la FIDH et à l’OMCT, s’est entretenu, mercredi 5 juillet 2000, avec Madame Mary Robinson, Haut Commissaire des Nations Unies pour les Droits de l’Homme.

M. Ksila avait été arrêté le 29 septembre 1997 et condamné à une peine cumulée de trois ans de prison ferme le 22 février 1998 pour " diffamation contre l’ordre public et les autorités, diffusion de fausses nouvelles de nature à troubler l’ordre public et incitation des citoyens à transgresser les lois du pays ". Cette condamnation avait été confirmée en appel le 25 avril 1998, sans qu’il ait été entendu par les juges.

Confirmant la volonté flagrante des autorités tunisiennes de sanctionner l’exercice des libertés d’opinion et d’expression d’un défenseur des droits de l’Homme, ce verdict avait suscité un large mouvement de solidarité internationale.

Il convient de souligner que l’incarcération de Khémaïs Ksila a été l’aboutissement d’un long processus d’intimidation et de harcèlement. Licencié le 6 février 1996 de la Société nationale de chemin de fer, il s’était vu confisquer son passeport le 18 août 1996 et il avait fait l’objet d’une surveillance policière constante. En prison, cet acharnement s’est poursuivi à l’encontre de sa famille, notamment à l’égard de sa femme, quotidiennement objet de filatures. Le passeport de cette dernière avait été également dérobé lors de l’une de ces filatures, dans le but, vraisemblablement, de l’empêcher de témoigner à l’étranger de la situation de son mari.

Après deux ans de mobilisation internationale intense, M. Ksila a été libéré un an avant la fin de sa peine mais il n’a obtenu la restitution de son passeport qu’à la fin du mois de mai 2000. Malgré cette expérience douloureuse, M. Ksila a réaffirmé, à l’occasion de son récent séjour en Europe, sa détermination à poursuivre son action pour la promotion et la protection des droits humains et pour que soit assurée l’autonomie de la LTDH.

C’est dans cet esprit qu’il a demandé audience à Madame le Haut Commissaire et qu’il s’est rendu à l’entretien qu’elle a bien voulu lui fixer.

Cette entrevue s’est déroulée en présence de Mme Eleni Petroula déléguée permanente de la FIDH auprès des Nations Unies et représentante de l’Observatoire et de Mme Brigitte Lacroix, du Bureau de Mme le Haut commissaire.

Mme Robinson a réaffirmé son soutien et sa solidarité à la cause de M. Ksila et son intérêt pour la situation des droits humains et des libertés en Tunisie.

M. Ksila a eu l’opportunité d’exposer son point de vue sur les différents dossiers qui préoccupent les défenseurs des droits humains en Tunisie. Il a notamment rappelé ce que vivent au quotidien les défenseurs des libertés dans son pays ainsi que :

 La situation alarmante de la presse et les entraves à la liberté d’expression ;
 La main mise du pouvoir sur la vie associative et la non effectivité de la liberté d’association ;
 Les violations des libertés de circulation et de communication ;
 Le harcèlement et les menaces que subissent les familles et les proches des défenseurs et des détenus politique et d’opinion ;
 La situation du millier de prisonniers politiques et la nécessité d’adopter dans les meilleurs délais une loi d’amnistie générale ;
 La pratique de la torture, des mauvais traitements qui a pris un caractère systématique, ainsi que la situation explosive dans les prisons ;
 Les difficultés et les obstacles en matière d’indépendance de la justice ainsi que les entraves faites aux activistes des droits de l’Homme concernant leur droit à l’accès à la justice ;
 Le quadrillage policier de la société.

M. Ksila a souhaité que Madame le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme intervienne auprès des autorités tunisiennes afin d’autoriser la visite des deux Rapporteurs Spéciaux de la Commission des droits de l’Homme des Nations unies sur la Torture et sur l’indépendance de la justice, et il a déploré vivement les attaques dont a été l’objet le rapporteur spécial sur la liberté d’expression et d’opinion.

M. Khémaïs Ksila a exprimé à Mary Robinson sa gratitude pour l’entretien qui lui a été accordé et pour l’attention qu’elle n’a cessé de porter à l’évolution de la situation des droits de l’Homme en Tunisie.

Au terme de cette rencontre M. Ksila à remis à Madame le haut Commissaire le rapport qu’il a rédigé sur la situation des prisons en Tunisie et qui a été publié le 26 juin 2000, à l’occasion de la journée mondiale contre la torture.

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