En publiant en mars sur sa page Facebook des photos d'elle seins nus portant l'inscription "Mon corps m'appartient, il ne représente l'honneur de personne", Amina "Tyler" avait choqué la Tunisie. Et s'était attiré les foudres d'islamistes outrés par l'importation de cette "subversion" inspirée du groupe "sextrémiste" Femen. Mais ce qui n'était alors qu'un scandale médiatique, centré sur cette jeune fille de 18 ans, commodément présentée comme "dépressive" par les psychiatres sollicités par sa famille, est depuis devenu l'"affaire Amina".
Amina Sbouï, de son vrai nom, a été condamnée, jeudi 30 mai, à 300 dinars (140 euros) d'amende pour avoir été en possession d'un aérosol lacrymogène lors de son arrestation à Kairouan, le 19 mai. La jeune militante venait de peindre le mot "Femen" sur un muret du cimetière de la grande mosquée de cette ville sainte du centre de la Tunisie pour protester contre la tenue du congrès du mouvement salafiste Ansar Al-Charia. "Tempête dans un verre d'eau" pour les uns, le procès d'Amina a pourtant rassemblé devant les portes du tribunal un grand nombre de citoyens indignés et de partisans d'Ansar Al-Charia, venus réclamer sa condamnation à mort pour atteinte aux préceptes de l'islam.
L'affaire ne devrait pas en rester là. Amina Sbouï a été maintenue en détention dans la prison de Sousse, dans le cadre d'une enquête pour "atteinte aux bonnes mœurs" et "profanation de cimetière", des délits passibles respectivement de six mois et deux ans de détention. Le juge d'instruction, qui a prévu de l'auditionner le 5 juin, n'exclut pas de la poursuivre également pour "association de malfaiteurs".
LE GOUVERNEMENT EST INCAPABLE DE "JUGER LES VRAIS CRIMES"
Des chefs d'inculpation que son avocat, Me Souheib Bahri, juge dénués de fondement. "Sa mise en examen n'est pas justifiée. C'est une affaire très politisée et médiatisée. Le gouvernement joue sur la corde morale et religieuse pour masquer son incapacité à juger les vrais crimes", commente-t-il. Une analyse que partage la présidente d'honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), Souhayr Belhassen, qui juge "ridicules" ces charges portées rétroactivement contre "l'expression d'un libre arbitre sur un espace privé". "On peut ne pas être d'accord et condamner la méthode, mais il y a atteinte à la liberté d'expression", estime Mme Belhassen.
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