Lettre ouverte - Acte criminel a l’encontre de M. Ayachi Hammami

06/09/2007
Communiqué

Monsieur le Président,

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), le Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT), le Centre pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT) et le Réseau euro-méditerranéen pour la démocratie et les droits de l’Homme (REMDH), l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) et la Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des Deux Rives (FTCR) vous font part de leur plus vive préoccupation quant à l’acte criminel perpétré à l’encontre de Me Ayachi Hammami, secrétaire général de la section de Tunis de la LTDH et rapporteur sur la question de l’indépendance de la justice pour le REMDH.

Selon les informations reçues, le 31 août 2007, vers 7h40, Me Hammami a découvert que son bureau ainsi que celui de sa secrétaire étaient en train de brûler. Une fois les pompiers sur place et l’incendie éteint, Me Hammami a constaté que les caches des unités centrales des ordinateurs avaient été préalablement retirés, afin que les données informatiques soient plus facilement effacées par les flammes. En outre, une grande quantité de documents papiers a été détruite par l’incendie.

Me Hammami était sur le point de finir son rapport sur l’indépendance de la justice en Tunisie, en vue d’une présentation lors d’un séminaire organisé les 8 et 9 septembre 2007 à Paris, intitulé "Indépendance et impartialité de la justice - le cas de la Tunisie", organisé par le REMDH, avec le soutien de la LTDH et du CRLDHT.

Nous tenons à exprimer notre plus grande préoccupation au regard de ces faits qui s’inscrivent dans un contexte de violations systématiques des droits des défenseurs des droits de l’Homme en Tunisie. Ces évènements s’ajoutent en effet à une très longue liste d’actes de harcèlement et de violence à l’encontre des militants de la société civile indépendante, ainsi que d’obstacles à la liberté d’association en Tunisie.

Nous serons particulièrement vigilants à ce qu’une enquête indépendante soit ouverte pour connaître les criminels, concepteurs et exécutants de l’acte criminel à l’encontre de Me Hammami, et pour que ces derniers soient traduits devant la justice.
Nous tenons également à rappeler que la Tunisie a été membre du Conseil des droits de l’Homme jusqu’au 18 juin 2007 et qu’en mai 2006, en vue de son élection au Conseil, le pays avait insisté sur "son engagement irréversible et son adhésion totale aux idéaux et principes de la Charte internationale des droits de l’Homme et aux efforts, tant des Etats membres des Nations Unies que des Organisations onusiennes, pour la promotion et la protection des droits humains" [1].

Par conséquent, nous insistons sur la nécessité que la Tunisie se conforme dans les plus brefs délais à ses obligations internationales en matière de droits de l’Homme, en particulier le Pacte relatif aux droits civils et politiques auquel la Tunisie est partie, ainsi que la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée le 9 décembre 1998 par l’Assemblée générale des Nations unies, notamment son article 1 qui prévoit que "chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de droits de l’Homme et des libertés fondamentales au niveaux national et international" ainsi que son article 6.b, qui énonce que "chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’Homme et toutes les libertés fondamentales".

Nous insistons en outre sur la nécessité que la Tunisie accède aux demandes de visites sur le terrain exprimées à plusieurs reprises par la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme et par le Rapporteur spécial du Haut commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme sur l’indépendance des juges et des avocats.

En espérant vivement que vous prendrez en compte les présentes requêtes, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre plus haute considération.

 Souhayr Belhassen, Présidente de la FIDH
 Eric Sottas, Directeur de l’OMCT
 Kamel Jendoubi, Président du REMDH et du CRLDHT
 Mokhtar Trifi, Président de la LTDH
 Sihem Ben Sédrine, Porte-parole du CNLT
 Khadija Cherif, Présidente de l’ATFD
 Mouhieddine Cherbib, Président de la FTCR

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