Fatma KSILA annonce dans un communiqué que son mari Khemaïs KSILA, Vice-Président de la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l’Homme, entame une grève de la faim.

24/06/1998
Communiqué

La FIDH a reçu de Madame Fatma KSILA le communiqué suivant qu’elle n’a pas été en mesure de diffuser depuis Tunis :

" Une fois encore, je suis amenée en tant qu’épouse de Khémais KSILA, vice-président de la LTDH, emprisonné depuis le 29 septembre 1997, et condamné à trois ans de prison ferme, à attirer l’attention de l’opinion publique nationale et internationale sur la situation de mon mari et de toute sa famille.

Condamné lors d’un procès dont tous les observateurs tunisiens et étrangers ont convenu qu’il était bel et bien un procès d’opinion, Khémais KSILA vit dans des conditions de détention absolument inadmissibles à la prison civile de Tunis, et ce depuis 9 mois. Il séjourne dans une cellule qu’on appelle, à juste titre " le bagne " et qu’il partage avec plus de quarante détenus de droit commun dans une promiscuité et des conditions sanitaires et psychologiques insoutenables. Il est de surcroît privé de courrier, la visite d’un quart d’heure qui lui est accordée une fois par semaine pour voir sa femme et ses trois enfants se déroule dans des conditions insoutenables, à travers deux rangées de grillages et sous le contrôle tatillon d’un gardien. Même les victuailles qu’il est autorisé à recevoir de sa famille sont l’objet de limitations et d’interdictions.

Et à l’image de ce qu’endure Khémais KSILA à l’intérieur de son trou, sa famille subit depuis ce temps une politique de persécution sans précédent sous de multiples formes : harcèlement, surveillance policière constante à l’encontre de sa femme et de son fils aîné âgé de 14 ans, provocations et tamponnements de la voiture à plusieurs reprises, intimidations des voisins, écoutes téléphoniques, interception du courrier, etc.

Mon mari, à plusieurs reprises au cours des 9 mois de détention a attiré l’attention des responsables sur la gravité de ses conditions de détention et de ces agissements à l’encontre de sa famille (lettres adressées au ministre de l’intérieur le 6 décembre 1997, le 5 mai 1998 et le 16 juin 1998). Le 6 juin lors d’une rencontre avec une délégation du Comité supérieur des droits de l’Homme présidée par Mr Rachid Driss lors d’une visite effectuée à la prison en question, Khémais KSILA a présenté l’ensemble de ses revendications. Le Comité a enregistré ses réclamations et a promis d’intervenir auprès des autorités. Mais rien n’a changé.

Khémais KSILA a pris la décision d’entamer une grève de la faim à partir du 24 juin 1998. Par cette action qu’il s’est trouvé, malgré son état de santé précaire, dans l’obligation de déclencher, il entend :

 S’élever contre l’abus que constitue sa détention suite à un procès d’opinion caractérisé et qui appelle un acte de justice et d’équité, à savoir sa libération ;

 Dénoncer fermement cette persécution infligée à sa femme et à ses petits qui, malgré leur innocence, payent injustement le prix de l’engagement de leur père ;

 Exiger son droit à des conditions de détention correctes et humaines, en conformité avec son statut de détenu politique et avec les règles minima de l’ONU pour le traitement des prisonniers (séjour dans des conditions acceptables, visites familiales dans des conditions correctes, liberté de recevoir son courrier...).

J’en appelle encore une fois aux autorités de mon pays pour que justice soit rendue à mon époux et à sa famille.

J’en appelle une nouvelle fois à la solidarité de l’opinion publique nationale et internationale. L’injustice dont est victime Khémais KSILA doit être levée.

Tunis, le 24/ 06/ 1998.

Fatma KSILA (signé). "

Dans ce contexte, la FIDH réitère avec force sa demande aux autorités tunisiennes afin que Khémaïs KSILA soit libéré de façon immédiate et inconditionnelle, et qu’ils soit mis un terme aux mesures scandaleuses de harcèlement et d’intimidations dont sont victimes les membres de sa famille.

La FIDH rappelle que l’affaire KSILA s’inscrit dans le contexte d’une systématisation de la répression à l’égard des défenseurs des droits de l’Homme en Tunisie, dont elle a démontré ces derniers mois, avec l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (programme conjoint de la FIDH et de l’OMCT), l’ampleur, la sophistication et le caractère pernicieux.

Alors que la communauté internationale s’apprête à célébrer le cinquantième anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, la FIDH appelle les instances internationales compétentes à agir effectivement afin que les défenseurs des droits de l’Homme ne soient plus réprimés et que leur liberté d’action soit au contraire respectée. Car, en Tunisie comme ailleurs, les défenseurs incarnent l’universalité des droits de l’Homme.

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