Agression de Me Abderraouf Ayadi / Multiplication des obstacles à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme

04/08/2008
Appel urgent

L’Observatoire a été informé par le Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) de l’agression de Me Abderraouf Ayadi, avocat, ancien membre du Conseil de l’Ordre des avocats et ancien secrétaire général du CNLT.

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en Tunisie.

Nouvelles informations :

Selon les informations reçues, le 2 août 2008, Me Abderrouf Ayadi a été violemment agressé par le directeur de la prison de Mornagia, M. Ibrahim Mansour, alors qu’il terminait une visite de son client, M. Mohamed Hédi Ben Said, membre de la section de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH) de Bizerte [1]. Le directeur de la prison avait exigé de passer à la fouille sa serviette, ce que Me Ayadi a refusé. Il s’est alors jeté sur lui en le violentant avec l’aide de trois de ses agents, lui a arraché de force sa serviette et confisqué son téléphone portable, qui était éteint. Suite à ces violences, Me Ayadi souffre d’une entorse au poignet droit ainsi que d’hématomes sur le corps constatés par un médecin. Il a porté plainte et le barreau a publiquement dénoncé cette agression.

Cette agression s’inscrit dans le cadre de la multiplication d’obstacles qui ont ciblé ces derniers jours les avocats défenseurs de droits de l’Homme. En particulier, plusieurs avocats, dont Me Radhia Nasraoui, Me Ridha Reddaoui, Me Zouari, Me Mohamed Abbou, Me Saida Garrach, Me Mondher Cherni, Me Ayachi Hammami, Me Khaled Krichi et Me Chokri Belaid, se sont vus opposer un refus par l’administration pénitentiaire de leur permettre de rendre visite à leurs clients et notamment ceux impliqués dans les affaires liées aux protestations populaires du bassin minier de Gafsa, malgré les autorisations dûment signées par le parquet.

L’Observatoire déplore avec la plus grande vigueur les méthodes utilisées par les autorités tunisiennes à l’encontre de Me Ayadi, qui témoignent d’une volonté de la part des autorités de l’entraver dans ses activités de défense des droits de l’Homme, et rappelle que Me Ayadi fait régulièrement l’objet d’actes de harcèlement et de mauvais traitements (cf. rappel des faits). L’Observatoire dénonce plus généralement la détermination constante avec laquelle les autorités tunisiennes répriment toute activité de défense des droits de l’Homme.

Rappel des faits :

Le 14 mai 2008, une saisie arrêt sur les biens et les comptes bancaires (privé et professionnel) de Me Ayadi a été effectuée, sans qu’aucune notification préalable ne lui ait été signifiée, comme l’exige la procédure. Cette saisie a été effectuée sur la base d’une décision de taxation d’office émise en janvier 2008 par la direction des impôts dans le cadre d’un redressement, pour un montant de 33 580 dinars tunisiens (28 121 dollars américains) et contre laquelle il avait fait appel.

En réalité, une procédure d’expulsion est engagée depuis février 2006 à l’instigation du ministère de la Justice. La taxation d’office a débuté en août 2006, après que Me Ayadi ait reçu la notification de la procédure d’expulsion de son ancien cabinet, sur la base d’un jugement rendu le 8 août 2006 par le Tribunal de première instance de Tunis au terme d’un procès entaché d’irrégularités.

Les inspecteurs des impôts ont depuis lors procédé à ce redressement, alors même que Me Ayadi s’est toujours acquitté régulièrement de ses redevances fiscales. Ce redressement a été basé sur une évaluation erronée des dépenses de son ancien cabinet : les inspecteurs avaient surévalué les loyers alors même qu’ils disposaient des quittances réelles et refusé de prendre en considération le fait qu’il partageait le cabinet avec Me Abbou, lui faisant ainsi assumer toutes les charges. Ils avaient en outre considéré que ses dépenses représentaient 30% de ses recettes et donc estimé ses ressources à hauteur des 70% restant en y ajoutant les pénalités de retard correspondant à ces montants « non déclarés ».

Les avocats de Me Ayadi ont fait appel de cette décision.

Actions demandées :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités tunisiennes en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de Me Abderraouf Ayadi, Me Radhia Nasraoui, Me Ridha Reddaoui, Me Zouari, Me Mohamed Abbou, Me Saida Garrach, Me Mondher Cherni, Me Ayachi Hammami, Me Khaled Krichi et Me Chokri Belaid ;

ii. Veiller à ce qu’un terme soit mis à toute forme de menaces et de harcèlement, y compris judiciaire et fiscal, à l’encontre de Me Abderraouf Ayadi, Me Radhia Nasraoui, Me Ridha Reddaoui, Me Zouari, Me Mohamed Abbou, Me Saida Garrach, Me Mondher Cherni, Me Ayachi Hammami, Me Khaled Krichi et Me Chokri Belaid, et de tous les défenseurs des droits de l’Homme tunisiens ;

iii. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à son article 1 qui prévoit que "chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international", son article 6(b), selon lequel "chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’Homme et toutes les libertés fondamentales", et son article 12.2 qui dispose que "l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration" ;

iv. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la Tunisie.

Adresses :

* M. Zine el-Abidine Ben Ali, Président de la République, Palais de Carthage, 2016 Carthage, Tunisie, Fax : +216 71 744 721 ou +216 71 731 009
* M. Mohamed Ghannouchi, Premier Ministre, Secrétariat Général du Gouvernement, Rue de la Kasbah, 1008 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 562 378
* M. Rafik Belhaj Kacem, Ministère de l’Intérieur et du Développement local, Avenue Habib Bourguiba, 1001 Tunis, Tunisie, Fax : ++ 216 71 340 888 ; Email : mint@ministeres.tn
* M. Kamel Morjane, Ministère de la Défense Nationale, Avenue Bab Mnara, La Kasbah, 1008 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 561 804
* M. Bechir Tekkari, Ministère de la Justice et des Droits de l’homme, 57, Boulevard Bab Benat, 1006 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 568 106 ; Email : mju@ministeres.tn
* Ambassadeur, S.E M. Samir Labidi, Mission permanente de la Tunisie auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, 58 Rue Moillebeau, Case postale 272, 1211 Genève 19, Suisse, Fax : +41 22 734 06 63 ; Email : mission.tunisia@ties.itu.int
* Ambassade de la Tunisie à Bruxelles, 278 avenue de Tervueren, 1150 Woluwe-Saint-Pierre, Belgique, Fax : + 32 2 771 94 33 ; Email : amb.detenusie@brutele.be

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de Tunisie dans vos pays respectifs.

***

Genève - Paris, le 4 août 2008

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

L’Observatoire a été lauréat 1998 du prix des droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :

E-mail : Appeals@fidh-omct.org

Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80

Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

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