100 jours... le dossier du bassin minier toujours pas clos !

Trois années après le début des mouvements de protestation pacifique du bassin minier de Gafsa-Redeyef et la vague de répression qui l’a suivi, le REMDH et l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (un programme conjoint de la FIDH et de l’OMCT) constatent que la répression et le harcèlement des défenseurs des droits de l’Homme se poursuit dans cette région.

Le journaliste Fahem Boukaddous purge aujourd’hui son centième jour de prison pour « diffusion d’information susceptible de porter atteinte aux personnes et à leurs biens » pour avoir couvert ces mouvements sociaux pour le compte de plusieurs médias. Le militant syndical Hassan Ben Abdallah est pour sa part détenu depuis le 24 février 2010 pour « rébellion » et « association de malfaiteurs ».

Les observateurs mandatés par nos organisations pour observer le déroulement des procès de Fahem Boukaddous et de Hassan Ben Abdallah ont fait état d’une série d’atteintes aux droits de la défense, à la publicité des débats, au principe du contradictoire et des comportements attentatoires à la dignité humaine des deux défenseurs imputables aux autorités judiciaires tunisiennes. Aucun observateur des états membres de l’UE n’a assisté à ces procès.

Nos organisations s’alarment des conditions de détention de MM. Boukaddous et Ben Abdallah. Hospitalisé à plusieurs reprises ces dernières semaines du fait de crises d’asthme à répétition, Fahem Boukaddous poursuit depuis le 8 octobre une grève de la faim illimitée pour dénoncer ses conditions de détention. Les informations relatives aux conditions de détention de Hassan Ben Abdallah sont également très inquiétantes. Contraint de dormir à même le sol pendant des mois, il se trouve actuellement dans une cellule surpeuplée hébergeant 100 détenus, ce qui ne fait qu’aggraver ses problèmes respiratoires.

Nos associations considèrent que ces procès ne sont que la partie visible d’une campagne de harcèlement policier et judiciaire ininterrompu à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme, des syndicalistes du bassin minier, des anciens détenus et de leurs familles. M. Maher Fajraoui demeure sous le coup d’une condamnation à dix ans de prison, alors que M. Mohieddine Cherbib a été condamné par contumace à respectivement deux ans et trois mois de prison pour avoir animé le mouvement de solidarité avec la population du bassin minier depuis la France. Encore aujourd’hui dans la région du bassin minier, de nombreuses personnes continuent de se battre pour retrouver leurs droits et leur dignité, à l’image de Mme Ghezala Mohammedi, en grève de la faim depuis le 14 octobre pour réintégrer le poste de travail dont elle a été abusivement renvoyée en octobre 2008.

Nos organisations demandent aux autorités tunisiennes de :
 Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. Fahem Boukaddous et M. Ben Abdallah ainsi que de l’ensemble des journalistes et défenseurs des droits de l’Homme tunisiens ;
 Libérer immédiatement et inconditionnellement Fahem Boukaddous et Hassan Ben Abdallah et arbitrairement détenus et abandonner les charges retenues contre eux garantir en toutes circonstances leurs intégrité physique et psychologique ;
 Mettre un terme à toute forme de menaces et de harcèlement à l’encontre des membres du mouvement de protestation pacifique du bassin minier et leurs familles ainsi qu’à l’ensemble des journalistes et défenseurs des droits de l’Homme tunisiens ;
 Abandonner les poursuites judiciaires à l’encontre de Maher Fajraoui, condamné à dix ans de prison, et Mouhieddine Cherbib, ex-président de la FTCR, condamné par contumace à deux ans et trois mois de prison, pour avoir animé le mouvement de solidarité avec la population du bassin minier depuis la France ;
 Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement :

  • à son article 1 qui stipule que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international » ;
  • à son article 5 b) et c) qui prévoit qu’« afin de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, aux niveaux national et international, de se réunir et de se rassembler pacifiquement et de former des organisations, associations ou groupes non gouvernementaux, de s’y affilier et d’y participer ;
  • à son article 6.b, qui stipule que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres [...] conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement les idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales » ;
  • à son article 12.2 qui prévoit que « l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration » ;
     Se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et des instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la Tunisie.

Nos organisations demandent également à l’UE de mettre en œuvre pleinement et de façon visible ses lignes directrices relatives aux défenseurs des droits de l’Homme et de conditionner tout renforcement des relations entre l’Union et la Tunisie à un progrès notable en matière de respect des normes internationales des droits de l’Homme.

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