Le groupe est également soupçonné d’avoir enlevé, détenu, et torturé l’avocate des droits humains Razan Zaitouneh, Wael Hamada, co-fondateur des comités locaux de coordination – LCC, et leurs collègues Samira Al-Khalil, activiste politique, Nazem Al Hammadi, avocat des droits humains. Ils ont été kidnappés en décembre 2013 alors qu’il se trouvaient dans les bureaux conjoints de VDC et LDSPS à Douma.
Le 26 juin 2019, nos organisations déposaient une plainte visant Jaysh Al Islam, pour les crimes commis par le groupe. Nos organisations accompagnent les familles de Razan, Wael, Samira et Nazem, mais aussi une vingtaine d’autres victimes et leurs familles dans leur quête de justice.
Suite à cette plainte, l’arrestation le 29 janvier puis la mise en examen aujourd’hui de Islam Alloush ouvrent la voie à la première enquête judiciaire portant sur les crimes commis par le groupe armé. Islam Alloush, de son véritable nom Majdi Mustafa Nameh, a occupé la fonction de porte parole et figure parmi les hauts responsables de Jaysh Al Islam. Le groupe compta jusqu’à plus de 20 000 combattants et fit régner la terreur dans les zones rebelles qu’elle contrôlait, principalement dans la Ghouta orientale, dont elle perdit le contrôle en avril 2018.
« En neuf ans, le conflit a fait près de 400 000 morts et des millions de victimes. Pour toutes ces personnes, il ne saurait y avoir de justice fragmentée, à plusieurs vitesses, sur des motifs politiques, ou en fonction de l’appartenance des auteurs de crimes internationaux à tel ou tel groupe. Dans un conflit où les crimes ont été – et continuent d’être - extrêmement documentés, la lutte contre l’impunité doit concerner toutes les parties coupables de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité »
Selon les informations recueillies par SCM et la FIDH, Islam Alloush, ancien capitaine des Forces armées syriennes, est devenu un haut responsable du groupe et porte parole, proche de son chef, Zahran Alloush, fondateur du groupe à partir de 2011, jusqu’à sa mort dans un bombardement en 2015. Au sein du groupe, Islam Alloush aurait été à la tête d’une brigade qui fut régulièrement accusée d’enrôler des enfants. Plusieurs victimes le mettent également directement en cause pour des faits d’enlèvements et de torture.
La plainte déposée en juin 2019 fait suite à un travail de documentation réalisé par SCM et la FIDH au cours des trois dernières années sur les graves exactions commises par Jaysh al Islam : exécutions sommaires, enlèvements, séquestrations, et recours à la torture de manière systématique contre des femmes, des enfants et des hommes. Le groupe a visé des personnes soupçonnées de complicité avec le régime, mais également des civils, accusés de ne pas avoir une application suffisamment rigoriste de la Charia imposée par le groupe, ou en raison de leur appartenance à des minorités religieuses.
« Il convient de rappeler que le travail conjoint de SCM, la FIDH et la LDH, aux côtés d’Obeida Dabbagh, a abouti à l’émission par des juges d’instruction français de mandats d’arrêts internationaux, en octobre 2018, contre trois hauts responsables du régime syrien : Ali Mamlouk, Jamil Hassan et Abdel Salam Mahmoud. Ils sont accusés de complicité de crimes contre l’humanité, liés à la disparition, à la torture et à la mort de deux ressortissants franco-syriens : Mazen et Patrick Dabbagh, et de crimes de guerre concernant Abdel Salam Mahmoud. Père et fils, ils avaient été arrêtés puis détenus à Mezzeh par des agents du renseignement de l’armée de l’air syrienne en novembre 2013 » a souligné Patrick Baudouin, avocat et Président d’honneur de la FIDH.
« L’inculpation d’un ancien haut responsable de Jaysh Al Islam, après l’ouverture d’informations judiciaires ou de procès visant des membres du régime de Bashar Al Assad et de l’État Islamique, ouvre une nouvelle page dans le jugement des crimes internationaux commis en Syrie depuis 2011 »
« Nous ne doutons pas que cette information judiciaire permettra de contribuer à faire la lumière sur les graves crimes commis par Jaysh al Islam, ainsi que sur la disparition de la célèbre avocate et activiste des droits humains Razan Zaitouneh, son mari Waël, et leurs deux collègues. L’engagement pacifique de Razan, sa droiture, ses valeurs, sont restés emblématiques des espoirs portés à ses débuts par le soulèvement démocratique syrien. Il est temps que les syriens sachent enfin ce qui lui est arrivé » note enfin Clémence Bectarte, avocate et coordinatrice du Groupe d’action judiciaire de la FIDH.