Syrie : le français Sabri Essid renvoyé en procès pour génocide et crimes contre l’humanité

Safin HAMID / AFP

Un espoir de justice pour les victimes yézidies

  • Les juges d’instruction du Pôle crimes contre l’humanité du Tribunal judiciaire de Paris ont ordonné, le 8 octobre 2024, la mise en accusation devant la Cour d’assises de Sabri Essid, alias Abou Dojanah al-Faransi.
  • Ce jihadiste français, présumé mort en Syrie, est accusé de génocide, de crimes contre l’humanité et de complicité de ces crimes, commis à l’encontre de femmes et d’enfants yézidi·es.
  • La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et Kinyat saluent cette décision et espèrent que le procès de Sabri Essid permettra de rendre justice à ces victimes et de mettre en lumière les crimes commis par l’État islamique à l’encontre de la population yézidie en Syrie et en Irak.

Paris, le 9 octobre 2024. La mise en accusation de Sabri Essid, alias Abou Dojanah al-Faransi, devant la Cour d’assises de Paris ouvre la voie à un procès relatif aux crimes de génocide et crimes contre l’humanité commis par des ressortissants français de l’État islamique à l’encontre de la population yézidie en Syrie et en Irak.

« En l’absence d’enquête devant la Cour pénale internationale, les justices nationales, dont la justice française, sont aujourd’hui le seul espace de justice disponible pour les victimes yezidies qui ont subi l’horreur aux mains de djihadistes de Daesh, dont des ressortissants français, » a déclaré Bahzad Fahran, fondateur de l’ONG Kinyat qui a recueilli des milliers de témoignages de victimes yezidies rescapées.

« Cette décision marque l’aboutissement d’un travail judiciaire entamé en 2016 par la FIDH et Kinyat, pour que les crimes commis par les membres de l’État islamique à l’encontre de la population yézidie soient qualifiés de crimes internationaux et non uniquement de terrorisme », indique Clémence Bectarte, avocate des parties civiles et responsable du groupe d’action judiciaire de la FIDH.

Sabri Essid est accusé d’avoir commis à l’encontre de femmes et d’enfants yézidi·es, entre août 2014 et jusqu’à courant 2016 des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique constitutives de génocide, des actes de réduction en esclavage, d’emprisonnement, de torture, de viol, de persécution et d’autres actes inhumains constitutifs de crimes contre l’humanité. Il est également accusé de complicité de ces crimes commis courant 2015. Un mandat d’arrêt avait été émis par les juridictions françaises à son encontre le 11 février 2020.

Le courage des femmes yézidies

Après avoir publié un rapport en 2018, et mené un intense plaidoyer auprès des autorités françaises, la FIDH, son organisation membre en France la LDH et son partenaire, Kinyat, ont transmis aux autorités françaises des informations mettant directement en cause Sabri Essid. Une information judiciaire a alors été ouverte le 25 octobre 2019 sur la base de ces éléments. La FIDH, la LDH et Kinyat ont contribué activement à cette enquête et accompagnent plusieurs victimes yezidies dans cette procédure. Ces femmes ont accepté, avec un grand courage, de témoigner devant la justice française. Elles dénoncent le rôle de Sabri Essid dans les crimes sexuels constitutifs de crimes contre l’humanité et de génocide commis à leur encontre.

« Ce pourrait être le premier procès de ce type devant les juridictions françaises et une nouvelle avancée importante dans la lutte contre l’impunité pour les crimes internationaux les plus graves », explique Patrick Baudouin, avocat de la LDH.

Sabri Essid est présumé mort en Syrie. Toutefois, en l’absence d’éléments certifiant son décès, la justice française reste compétente pour le juger, par défaut, comme cela est déjà le cas dans de nombreux procès antiterroristes.

En décembre 2016, le parquet de Paris avait ouvert une enquête préliminaire « structurelle » visant à documenter les crimes commis à l’encontre de la communauté yézidie et d’autres minorités ethniques ou religieuses par l’État islamique.

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