Paris, le 13 juin 2025. C’est la première fois que les juridictions françaises rendent une décision sur le fondement de la compétence universelle pour des crimes commis en Syrie, et la première condamnation, en France, sur la base de ces infractions. Majdi Nema, ancien porte-parole et haut responsable du groupe armé syrien Jaysh al-Islam (« Armée de l’Islam »), a été reconnu coupable du crime de guerre de conscription de mineurs âgés de 15 à 18 ans, ainsi que du délit de participation à un groupement formé en vue de la préparation de crimes de guerre en Syrie, entre 2013 et 2016. La Cour l’a condamné à dix ans de réclusion criminelle. Ce verdict est le résultat des efforts des victimes et des parties civiles dans leur quête de justice.
« Après cinq années d’instruction, la décision de la Cour d’assises de Paris constitue une reconnaissance claire des crimes commis par Jaysh al-Islam dans la Ghouta orientale (Syrie), notamment les actes de torture, les atteintes volontaires à la vie, le recrutement de mineurs, ainsi que la disparition forcée des quatre militants des droits humains Razan Zaitouneh, Wael Hamada, Samira Al-Khalil et Nazem Al Hammadi, et de l’implication de Majdi Nema dans ces crimes », explique Clémence Bectarte, avocate des parties civiles et coordinatrice du Groupe d’action judiciaire de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH).
« Sur le plan juridique, cette décision a deux apports majeurs », précise Marc Bailly, avocat des parties civiles. « D’une part, elle reconnaît que, compte tenu de la situation économique dans laquelle se trouvaient de nombreux jeunes de la Ghouta orientale à l’époque, ceux-ci n’avaient pas d’autre choix que de rejoindre le groupe, ce qui signifie que leur enrôlement au sein de Jaysh al-Islam ne peut être considéré comme volontaire. D’autre part, elle reconnaît que Majdi Nema, en tant que haut responsable impliqué dans les activités de propagande de Jaysh al-Islam, s’est rendu complice, par aide ou assistance, du recrutement de mineurs dans le groupe. »
« Si les procédures initiées sur le fondement de la compétence universelle et extraterritoriale sont essentielles, il est également crucial que la question de la lutte contre l’impunité des crimes commis par toutes les parties au conflit en Syrie soit investie par les autorités syriennes elles-mêmes, afin de bâtir l’espoir d’une paix durable », déclare Mazen Darwish, Directeur général du Syrian Center for Media and Freedom of Expression (SCM). « L’avenir de la Syrie ne peut se construire sur la base du silence ou d’une mémoire sélective ».
En janvier 2020, Majdi Nema a été arrêté à Marseille (France) et placé en détention provisoire, à la suite d’une plainte déposée en juin 2019, en France, contre Jaysh al-Islam. Trois victimes syriennes se sont ensuite constituées parties civiles et, aux côtés de plusieurs témoins syriens, ont témoigné avec courage lors de ce procès.
« La décision de la Cour d’assises de Paris marque une étape importante dans la lutte contre l’impunité des crimes commis par toutes les parties au conflit syrien, quelle que soit l’identité de la victime ou de l’auteur », a déclaré Patrick Baudouin, avocat pour la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et la FIDH.
Majdi Nema a fait appel de cette décision. La date du procès en appel n’a pas encore été fixée.
Consultez notre questions-réponses pour plus d’information sur ce verdict.