Procès injuste contre un défenseur des droits de l’Homme syrien

27/04/2005
Communiqué
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Le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH), la Commission internationale de juristes (CIJ) et l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), expriment leur vives inquiétudes sur la situation des droits de l’Homme et des défenseurs des droits de l’Homme en Syrie.

Dimanche 24 avril 2005, le procès contre M. Aktham Naisse, Président du Comité pour la défense des libertés démocratiques et des droits de l’Homme en Syrie (CDF), membre du REMDH, de la FIDH et de l’OMCT et lauréat du Prix Martin Ennals cette année, devait reprendre devant la Cour Suprême syrienne de sûreté de l’Etat (SSSC). D’autres audiences étaient également programmées/prévues devant cette Cour ce même jour.

La défense de M. Naisse a argué que sa citation à comparaître était inconstitutionnelle et que M. Naisse était jugé du seul fait de ses opinions et son travail en faveur des droits de l’Homme. L’audience a été ajournée et le prononcé du délibéré renvoyé au 26 juin 2005, peu après la tenue du congrès du Parti Baath.

M. Naisse a été arrêté le 13 avril 2004 et libéré sous caution le 17 août 2004, suite à une décision de la Cour suprême syrienne de sûreté de l’Etat. Suite à l’audience du 24 avril dernier, M. Naisse demeure inculpé des chefs d’"opposition aux objectifs de la révolution" et de "dissémination de fausses informations dans le but d’affaiblir l’Etat", risquant une peine d’emprisonnement de 15 ans.

Le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH), la Commission internationale de juristes (CIJ) et l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme rappellent que l’état d’urgence en vigueur en depuis 1963 n’est pas conforme aux standards internationaux en matière d’état d’urgence, en particulier à l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

A cet égard, la Cour suprême de sûreté de l’Etat établie comme une cour d’exception par le décret 47 de 1968 sur la base de l’état d’urgence n’a, d’une part, pas compétence dans les affaires pénales ordinaires et, d’autre part, ses règles de procédures ne sont pas conformes aux standards internationalement reconnus en matière de droit à un procès équitable par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi. Il faut par ailleurs noter que parmi ses membres siègent des officiers militaires, que ses décisions ne sont pas susceptibles d’appel et qu’elle est soumise à l’autorité du parti Baath au pouvoir.

Plusieurs observateurs internationaux étaient présents, dont deux avocats mandatés par la CIJ et l’Observatoire et des représentants de la délégation de la Commission européenne en Syrie.

S’étaient réunis devant la Cour suprême de sûreté de l’Etat quelque deux cents manifestants syriens, parmi lesquels des manifestants d’origine kurde, portant des bannières protestant contre les lois d’urgence syriennes de 1963 et contre le recours aux cours d’exception. Les manifestants ont aussi réclamé la libération des personnes condamnées par ces cours. La manifestation a été encerclée par environ 50 policiers anti-émeutes.

Le REMDH, la CIJ et l’Observatoire sont vivement préoccupés par le harcèlement continu des défenseurs des droits de l’Homme syriens, particulièrement dans le contexte de l’Accord d’Association entre l’Union européenne et la Syrie initié fin 2004, dont l’article 2 énonce clairement l’engagement des Parties de respecter les droits de l’Homme.

Le REMDH, la CIJ et l’Observatoire invitent les autorités syriennes :

 à s’assurer que M. Aktham Naisse soit présenté devant un tribunal civil, compétent et impartial, et que ses droits procéduraux soient garantis en tout temps, y compris son droit à interjeter appel ;
 à reconnaître le Comité pour la défense des libertés démocratiques et des droits de l’Homme en Syrie (CDF) et les autres associations des droits de l’Homme et de la société civile ;
 à mettre fin aux harcèlements, intimidations, menaces, et attaques délibérées sur les défenseurs des droits de l’Homme, et à respecter leurs engagements en matière de droits de l’Homme conformément aux standards internationaux et comme énoncé dans la Déclaration de Barcelone acceptée par la Syrie ainsi que la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’Homme.

Le REMDH, la CIJ et l’Observatoire invitent l’Union européenne et ses Etats membres :

 à demander que la Syrie respecte le droit international des droits de l’homme et le droit international, en particulier à la lumière de l’Accord d’Association avec la Syrie signera prochainement avec l’Union européenne.

Le REMDH, la CIJ et l’Observatoire invitent la communauté internationale :

 à continuer d’exprimer leurs inquiétudes sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme et des associations de droits de l’Homme en Syrie, et à continuer de les soutenir.

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