La condamnation de Haytham al-Maleh, avocat et défenseur des droits de l’Homme de 79 ans, signe du harcèlement continu des avocats et défenseurs des droits de l’Homme en Syrie

06/07/2010
Communiqué
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La Commission internationale de juristes (CIJ), le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) et l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme - un programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) - condamnent fermement le verdict rendu par la seconde Cour criminelle de Damas à l’encontre de M. Haytham al-Maleh, un avocat syrien reconnu, âgé de 79 ans, le condamnant à trois ans de prison ferme. M. al-Maleh a été reconnu coupable de “diffusion de fausses nouvelles susceptibles de porter atteinte au moral de la nation”, en vertu des articles 285 et 286 du Code pénal, notamment pour avoir critiqué lors de plusieurs interviews le maintien de l’Etat d’urgence en Syrie ainsi que le contrôle permanent exercé par les autorités syriennes sur le pouvoir judiciaire.

La CIJ, le REMDH et l’Observatoire ont envoyé à Damas un total de sept missions de haut niveau pour assister aux audiences du procès mené contre M. al-Maleh devant la seconde Cour criminelle de Damas, qui se sont déroulées les 22 février, 8 avril, 22 avril, 3 juin, 20 juin et 4 juillet 2010. Au cours de ces missions, les organisations mentionnées ont rencontré le président de la seconde Cour criminelle de Damas, M. Khaled Hamoud, l’avocat général, Mme Amina Achamat, le président du Barreau de Syrie, M. Nizar Assakkef, ainsi que d’autres représentants des institutions judiciaires syriennes.

“En premier lieu, M. al-Maleh n’aurait pas dû être jugé par un tribunal militaire. La justice militaire est soumise au haut commandement militaire et ne peut pas être considérée comme indépendante. En vertu des normes internationales et de la jurisprudence existante, la juridiction militaire ne devrait pas avoir la compétence de juger des civils, notamment des avocats et des défenseurs des droits de l’Homme”, a affirmé Wilder Tayler, secrétaire général de la CIJ.

M. al-Maleh a été arrêté de manière arbitraire par des agents des services des renseignements généraux le 14 octobre 2009 et détenu au secret jusqu’à son interrogatoire mené par le Procureur militaire le 20 octobre 2009. M. al-Maleh a ensuite été incarcéré sans pouvoir voir ses avocats sans autorisation du Barreau de Syrie, institution non-indépendante et sous contrôle des autorités syriennes. M. al-Maleh s’est vu refuser cette autorisation un grand nombre de fois.

“Le droit international impose le respect des droits de la défense à tous les niveaux de la procédure judiciaire”, a rappelé Eric Sottas, secrétaire général de l’OMCT. “Le fait d’avoir nié le droit à la défense de M. al-Maleh, notamment le droit de communiquer avec ses avocats et de les consulter sans interférence ou censure et en toute confidentialité afin de préparer sa défense, a fait naître de sérieux doutes quant à l’équité des poursuites menées à l’encontre de M. al-Maleh”, a-t-il ajouté.

La condamnation de M. al-Maleh en raison de déclarations publiques portant sur les institutions judiciaires et politiques syriennes constitue une sanction de son exercice légitime du droit à la liberté d’expression, tel que garanti par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), que la Syrie a ratifié, ainsi que par la Constitution syrienne.

“Le procureur militaire n’a fourni aucune preuve tangible que M. al-Maleh aurait publié des informations fausses ou exagérées”, a précisé Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH. “Les seules preuves présentées par le procureur sont des articles de presse dans lesquels M. al-Maleh exprimait sa préoccupation légitime quant à l’état d’urgence en vigueur depuis 1963, devenu une norme plus qu’une exception, et quant au manque d’indépendance du pouvoir judiciaire en Syrie”.

Les avocats, au même titre que n’importe quel citoyen, ont le droit à la liberté d’expression. La condamnation de M. al-Maleh s’inscrit dans une tendance récente visant à réduire au silence les avocats défenseurs des droits de l’Homme, ce qui constitue une atteinte à l’exercice de cette profession.

“Condamner un avocat défenseur des droits de l’Homme âgé de 79 ans qui souffre de diabète et de problèmes de thyroïde vise à donner un exemple et à signifier à tout avocat qui souhaite promouvoir l’État de droit et remettre en question l’état d’urgence presque permanent en Syrie qu’il s’expose à des représailles”, a estimé Kamel Jendoubi, président du REMDH. “Cette condamnation survient deux semaines après la condamnation par la seconde Cour criminelle de Damas de M. Muhannad al-Hasani, avocat défenseur des droits de l’Homme syrien reconnu et lauréat 2010 du prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits de l’Homme, à trois ans d’emprisonnement sur la base d’accusations similaires”.

Nos organisations appellent les autorités syriennes à se conformer à leurs obligations internationales, à libérer M. Haytham al-Maleh de manière immédiate et inconditionnelle, à mettre un terme à tout acte de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme en Syrie, et à assurer que ceux-ci soient en mesure de mener à bien leurs activités librement, sans entrave ni intimidation.

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