Maroc : l’Autorité pour la Parité et la Lutte contre toutes formes de Discrimination - Un projet de loi vidé de substance

10/03/2015
Communiqué

L’Association Démocratique des Femmes du Maroc (ADFM) a pris connaissance du projet de loi 79.14, relatif à l’Autorité pour la Parité et la Lutte contre toutes formes de Discrimination (APALD), élaboré par le gouvernement et considère que ledit projet ne correspond pas aux attentes de la société civile.

En effet, ce projet de loi fait abstraction des propositions et recommandations, émises ces trois dernières années par les différents intervenants, notamment, l’avis du Conseil National des Droits de l’Homme, les mémorandums présentés par les associations de la société civile et les propositions de loi des partis politiques, lesquels présentent dans leur ensemble une plate-forme de réflexion.

A la veille du 8 mars et du vingtième anniversaire de l’adoption de la plate-forme de Beijing, les attentes de la société civile étaient orientées vers une loi qui tienne compte des acquis, décline les dispositions constitutionnelles et s’appuie sur les expériences et les normes internationales. Malheureusement ces attentes ont été ignorées par un projet de loi vidé de toute substance.

Aussi, l’ADFM, considère-t-elle que ce projet de loi n’est pas recevable pour les raisons suivantes :

1- Au niveau de la mission attribuée à l’APALD : Ce projet de loi ne répond pas à l’esprit ni à la lettre de la Constitution. Notamment : l’article 19, qui reconnaît l’égalité entre les hommes et les femmes dans les droits et libertés fondamentales et s’appuie sur les conventions internationale, ainsi que le Préambule qui rappelle l’attachement du Maroc aux droits humains tels qu’universellement reconnus dans leur globalité et indivisibilité et qui prohibe toutes les formes de discrimination principalement celle basée sur le sexe ;

2- Au niveau de ses attributions : Ce projet de loi ne répond ni aux exigences de l’article 164 de la Constitution, qui a placé cette autorité avec les « Instances de Protection et de Promotion des Droits de l’Homme », ni aux Principes de Paris. L’APALD, telle que prévue dans ce projet de loi ne pourra aucunement influer sur les politiques publiques relatives à l’instauration de l’égalité, de la parité et de la lutte contre les discriminations à l’égard des femmes. En effet, ledit projet restreint les attributions de l’APALD et ne l’autorise qu’à « présenter un avis », « présenter des propositions », « présenter des recommandations », « organiser des formations », « sensibiliser » « élaborer des études » ;

3- Au niveau de sa composition : Le projet de loi ne prévoit pas de faire appel à des expert-e-s en matière d’égalité des sexes. La composition prévue s’est limitée à des « représentations » d’entités, comme les représentants d’administrations, des parlementaires, des juges, du Conseil Supérieur des oulémas, du Conseil National des Droits de l’Homme. Par ailleurs, le projet prévoit que plus de la moitié des membres, dont les représentant-e-s de la société civile, seront désigné-e-s par le chef du gouvernement, ce qui va à l’encontre du principe de l’impartialité et d’indépendance de cette autorité par rapport à l’exécutif ;

4- Au niveau de sa structure : Dans un contexte, marqué par le processus de régionalisation avancée, ce projet de loi ne prévoit pour l’APALD, ni organe consultatif ni commissions régionales, réduisant ainsi cette autorité à un « conseil » et un « observatoire » inefficaces.

De même, l’ADFM considère que le projet de loi 79.14, relatif à l’APALD constitue une réelle régression par rapport à celui présenté par la commission scientifique mise en place par le Ministère de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement Social. Ainsi, afin de disposer d’une loi qui permette l’atteinte de l’objectif attendu par la mise en place d’une telle instance, l’ADFM :

  • Rejette totalement cette version qui ne répond ni aux exigences constitutionnelles ni à celles des conventions internationales relatives aux droits humains en général et à celles des droits des femmes en particulier ;
  • Appelle le gouvernement à réviser ce projet en l’harmonisant avec les dispositions constitutionnelles et avec les avis et propositions exprimés depuis l’adoption de la Constitution, par la société civile, les institutions nationales et les partis politiques.
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