Lettre ouverte au ministre de la Justice du Royaume du Maroc, M. Mohamed Bouzoubâa

04/12/2003
Lettre ouverte

Monsieur le Ministre,

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de
l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des
ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale
contre la torture (OMCT), souhaite attirer votre attention sur la
situation de Mohammed Rachid Chrii, vice secrétaire-général de la
section de l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH) à
Safi.

Mohammed Rachid Chrii a été interpellé le 22 avril 2003 à la suite
d’une altercation qu’il avait eue dans la rue avec un policier alors
que ce dernier brutalisait un homme en état d’arrestation dans un
quartier de Safi. Peu après cette altercation, il a été suivi et
enlevé par ce même policier et ses collègues et emmené dans un centre
de détention non officiel où il a subi diverses tortures et mauvais
traitements (coups, électricité, introduction d’objet dans l’anus,
etc.). Il a ensuite été conduit au commissariat de police où il a de
nouveau subi des tortures. Alors que des certificats médicaux
apportent la preuve des sévices et traumatismes subis par M. Chrii,
aucune enquête n’a été ouverte à ce jour sur ces faits.

M. Chrii a été condamné pour outrage à des fonctionnaires publics
dans l’exercice de leurs fonctions, par le Tribunal de première
instance de Safi, à 18 mois de prison ferme et 4.000 dirhams
d’amende, par jugement du 9 mai 2003. Ce verdict a été confirmé par
la Cour d’appel de Safi le 10 juin 2003. Une procédure d’appel de
cette décision est en cours mais jusqu’à présent, aucune date
d’audience n’a été fixée. Les avocats de M. Chrii ont dénoncé avec
force les conditions dans lequel se sont déroulés l’enquête et le
procès, et notamment la falsification du procès verbal de la police
judiciaire et l’absence de preuve matérielle.

Incarcéré dans un premier temps à la prison de Safi, M. Chrii a été
transféré à deux reprises, tout d’abord à la prison de Benhamed puis
à la prison d’Aladir à la périphérie d’El Jadida où il se trouve
actuellement détenu. Cette prison étant
particulièrement éloignée de son domicile et de sa famille, M. Chrii,
soutenu par l’AMDH, a demandé à
être retransféré à la prison de Safi. Bien qu’il ait reçu
l’assurance, par le ministère de la Justice, que des dispositions
seraient prises en ce sens, ces promesses sont
jusqu’à présent restées sans effet. M. Chrii a poursuivi une grève de
la faim à deux reprises pour protester contre sa détention et a
annoncé récemment son intention de
réentamer une nouvelle grève d’une durée de trois jours, du 9 au 11
décembre prochain.

L’Observatoire considère la détention de Mohamed Rachid Chrii
arbitraire et appelle à sa libération immédiate et inconditionnelle.
Dans l’attente de celle-ci, des mesures devraient être prises en vue
de permettre le transfert de M. Chrii vers la prison de Safi et de
lui garantir l’accès à un médecin spécialiste en neurologie et en
médecine générale. Enfin, l’Observatoire vous prie de veiller à ce
qu’une enquête indépendante et impartiale soit menée afin que les
auteurs des tortures infligées à M. Chrii soient jugés et dûment
sanctionnés.

Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à la présente
et vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre
haute considération,

Sidiki KABA Président de la FIDH

Eric SOTTAS Directeur de l’OMCT

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