Lettre ouverte à l’ambassadeur Fathallah Sijilmassi

03/06/2005
Communiqué

Accusé d’antipatriotisme, le journaliste Ali Lemrabet est condamné à une interdiction d’exercer son métier au Maroc pendant 10 ans. Si elle est maintenue, cette peine constituerait une violation de l’article 19 du Pacte international sur les droits civils et politques ratifiés par le Maroc.

Monsieur l’Ambassadeur,

Le procès intenté au journaliste Ali Lemrabet, inquiète vivement la Ligue française des droits de l’Homme et la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme.D’abord, en raison du chef d’inculpation : monsieur Lemrabet est accusé d’antipatriotisme, à la suite d’une plainte en diffamation déposée contre lui dans plusieurs villes du Maroc, parce qu’il aurait déclaré dans l’hebdomadaire Al-Moustakil que les Sahraouis de Tindouf n’y étaient pas « séquestrés » mais « réfugiés ». Ensuite, à cause des conditions mêmes du procès dont l’audience a été hâtivement fixée sans que la défense obtienne un report pour préparer sa plaidoirie et que monsieur Lemrabet puisse être présent. Enfin, par la lourdeur des condamnations prononcées à son encontre (en vertu d’une disposition du Code pénal et non du Code de la presse), et tout particulièrement l’interdiction d’exercer son métier au Maroc pendant 10 ans.

Comment ne pas s’étonner de la disproportion entre cette sentence et les propos retenus qui relèvent de la liberté d’opinion et d’expression. Si elle était maintenue en appel, une telle peine constituerait, à nos yeux, une violation de l’article 19 du Pacte international sur les droits civils et politiques ratifié par le Maroc.

Alors que le Maroc vient de lever les réserves sur plusieurs traités internationaux de protection des droits de l’Homme, que le Conseil des ministres vient d’adopter un projet de loi criminalisant la torture et que M. Bouzoubaa, ministre de la Justice vient d’annoncer à Genève l’intention de votre gouvernement d’œuvrer pour l’abolition de la peine de mort, votre pays s’honorerait de rendre à M. Lemrabet la liberté de s’exprimer sans laquelle il n’y a ni presse digne de ce nom, ni vie démocratique.

Vous comprendrez que nous rendions ce courrier public.
Nous vous prions de croire, Monsieur l’Ambassadeur, en l’assurance de notre haute considération.

Sidiki Kaba
Président de la FIDH

Michel Tubiana
Président de la LDH

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