Obstacles à la liberté de mouvement et harcèlement à l’encontre de plusieurs défenseurs - MAR 002 / 1009 / OBS 151

19/10/2009
Appel urgent

L’Observatoire a été informé de sources fiables des mesures d’interdiction de sortie du territoire en vigueur contre Melles Ibtissame (Betty) Lachgar et Zeineb El-Rhazoui, respectivement co-fondatrices et membres du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI), créé fin aout 2009, qui plaide pour le respect des libertés individuelles et des droits humains.

Description des faits :

Selon les informations reçues, le 15 octobre 2009, vers 6h, Melle Ibtissame Betty Lachgar a été arrêtée par la police des frontières de l’aéroport Mohammed-V, à Casablanca. Elle a été empêchée de quitter le territoire alors qu’elle s’apprêtait à prendre l’avion en direction de Paris, où elle devait assister à une rencontre-débat sur la liberté de conscience et de culte, organisée le 19 octobre par l’Association du manifeste des libertés, une association française qui promeut le respect des droits humains dans le monde musulman. Elle a ensuite été conduite à la préfecture de police de Casablanca, où la police judiciaire de Mohammedia est venue la chercher. Vers 11h30, suite à un coup de fil, elle a été débarquée de la fourgonnette de police, et relâchée sur le chemin de Mohammedia.

Entre-temps, l’avocat du MALI, Me Abderrahim Jamaï, avait contacté le procureur du Roi, qui lui a confirmé qu’il y avait une interdiction de sortie du territoire pesant contre Melles Ibtissame Lachgar et Zeineb El-Rhazoui, qui devaient également se rendre à Paris afin d’assister à la même rencontre-débat. Melle Ibtissame Lachgar devait également se rendre en France afin d’y poursuivre son doctorat.

Ces interdictions font suite à la tentative en septembre dernier du MALI d’organiser une action de protestation en faveur de la liberté de conscience et de culte.

En effet, par l’intermédiaire du réseau social « Facebook », le MALI avait tenté d’organiser le 13 septembre 2009 un pique-nique dans une forêt proche de Mohammedia en signe de protestation contre une loi interdisant aux musulmans de manger en public pendant les heures de jeûne du Ramadan. Le choix s’était porté sur cet endroit plutôt isolé pour éviter d’offenser les musulmans pratiquant le jeûne. Alors que les membres du groupe arrivaient à la gare de Mohammedia par le train, un fort contingent de policiers avait intercepté, fouillé, molesté, insulté et relevé les noms de six d’entre eux, à savoir Melles Ibtissame (Betty) Lachgar et Zeineb El-Rhazoui, les étudiants Abderrahim Mouktafi, Ghassan Bouyaghrouni et Nizar Benzimate et le journaliste Aziz el-Yaakoubia avant de les obliger à remonter dans des trains.

Le 14 septembre, l’agence officielle de presse marocaine Maghreb Arabe Presse (MAP) a annoncé que les autorités locales et les services de sécurité avaient empêché l’événement et que six « organisateurs », dont Melle Zeineb El-Rhazoui, seraient poursuivis. Après le compte-rendu de la MAP, tous les membres ont reçu des menaces de mort à travers leur page « Facebook » et leurs comptes e-mail et « facebook » ont été piratés.

Le 15 septembre, à Casablanca, la police s’est rendue au domicile de Melle Zeineb El-Rhazoui en son absence. Le jour même, la police a commencé à procéder à des arrestations et à des interrogatoires portant sur le pique-nique du 13 septembre.

Ainsi, le 15 septembre, MM. Abderrahim Mouktafi, Ghassan Bouyaghrouni et Aziz el-Yaakoubia ont été arrêtés par la police de Mohammedia, et n’ont été relâchés qu’à 3 heures du matin le lendemain avec l’ordre de se présenter à nouveau à 10 heures. Les 16 et 17 septembre, ils ont de nouveau été retenus au commissariat entre 10h du matin et minuit.

Le 17 septembre à Marrakech, un autre étudiant membre du groupe, M. Nizar Benzimate, a été arrêté et transféré au commissariat de Mohammedia où il a été détenu pour la nuit avant d’être relâché.

Entre le 15 et le 17 septembre, alors que Melle Ibtissame Lachgar était en déplacement, la police est venue chercher Melle Ibtissame Lachgar et, en son absence, a interrogé à plusieurs reprises ses voisins et les commerçants du quartier.

Le 18 septembre, informée de l’arrestation d’autres membres du MALI, Melle Ibtissame Lachgar s’est rendue au commissariat de police de Mohammedia et y a rejoint MM. Abderrahim Mouktafi, Ghassan Bouyaghrouni et Aziz el-Yaakoubi. Tous ont été relâchés à 17h. Le 23 septembre, Melle Zeineb El-Rhazoui s’est rendue au commissariat de police et n’a été relâchée qu’à une heure du matin. Les 24-25 septembre, Melles Ibtissame Lachgar et Zineb el-Rhazoui, en tant que co-fondatrices de MALI ont été convoquées entre 14h et 18h30 pour un complément d’information portant sur l’absence d’autorisation pour organiser un pic-nic le 13 septembre et les contacts des fondatrices de MALI avec les journalistes étrangers.

Par la suite, plusieurs titres de la presse marocaine ont publié des articles et des commentaires condamnant le groupe. Certains articles particulièrement virulents, ainsi que des menaces de mort envoyées par Internet à divers membres du groupe organisateur, soulèvent des inquiétudes quant aux risques pour leur sécurité. Le 15 septembre, l’agence officielle de presse a publié une déclaration du Conseil provincial des Oulémas de Mohammedia (docteurs de la loi islamique) dénonçant le projet de pique-nique comme un acte « odieux » de la part d’ « agitateurs », et le décrivant comme un acte qui « défie les enseignements de Dieu et du Prophète avec tout ce qu’il engendre comme sanction sévère ». La Une de l’édition du 16 septembre du quotidien Al-Alam, l’organe de presse en langue arabe du parti Istiqlal (le parti du Premier ministre marocain), a publié un éditorial sur les contestataires intitulé « Ils ne sont pas des nôtres ».

A la date de publication de cet appel, aucun des membres de MALI n’avait été inculpé et les autorités n’avaient pris aucune mesure pour assurer le respect de l’intégrité physique et morale des membres de MALI.

L’Observatoire craint que les mesures d’interdiction de territoire et les convocations multiples de la police ne visent qu’à sanctionner les activités de défense des droits de l’Homme de Melles Ibtissame Lachgar et Zineb el-Rhazoui, et de MM. Abderrahim Mouktafi, Ghassan Bouyaghrouni, Aziz el-Yaakoubi et Nizar Benzimate.

L’Observatoire dénonce également l’absence de réaction des autorités marocaines suite aux menaces et à la campagne de diffamation lancée contre les membres de MALI.

Actions requises

Merci d’écrire aux autorités marocaines afin de leur demander de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de Melles Ibtissame Lachgar et Zineb el-Rhazoui, MM. Abderrahim Mouktafi, Ghassan Bouyaghrouni, Aziz el-Yaakoubi et Nizar Benzimate ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme au Maroc ;

ii. Annuler immédiatement les interdictions de sortie du territoire pesant contre Melles Ibtissame Lachgar et Zineb el-Rhazoui, MM. Abderrahim Mouktafi, Ghassan Bouyaghrouni, Aziz el-Yaakoubi et Nizar Benzimate ;

iii. Mener sans délai une enquête indépendante, et impartiale, sur les actes de menace et la campagne de diffamation mentionnés ci-dessus, et en rendre les résultats publics, afin d’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal garantissant un procès équitable conformément aux principes de droit international ;

iv. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris policier et judiciaire, à l’encontre de Melles Ibtissame Lachgar et Zineb el-Rhazoui, MM. Abderrahim Mouktafi, Ghassan Bouyaghrouni, Aziz el-Yaakoubi et Nizar Benzimate ainsi que de tous les défenseurs des droits de l’Homme au Maroc, afin qu’ils puissent exercer leur profession et mener leur activité de défense des droits de l’Homme librement et sans entrave ;

v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998 et plus particulièrement à son article 6.b. et c. qui dispose que « (b.) Chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres : Conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales ; et, (c)D’étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu’en pratique, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales et, par ces moyens et autres moyens appropriés, d’appeler l’attention du public sur la question ;

vi. Se conformer en toutes circonstances aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et des instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme liant le Royaume du Maroc.

Adresses

· Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Ibn Al Hassan, Roi du Maroc, Palais Royal, Rabat, Maroc, Fax : + 212 37 73 07 72

· M. Abbas El Fassi, Premier Ministre, Bureau du Premier Ministre et Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération, Palais Royal, Rabat, Maroc, + Fax : 212 37 76 99 95 / 91 95 / 77 68 37

· M. Abdelwahed Radi, Ministre de Justice, Ministère de la Justice, Place Mamounia, Rabat, Maroc, Fax : +212 37 73 07 72/ +212 37 72 37 10

· M. Chakib Benmoussa, Ministre de l’Intérieur, Quartier Administratif, Rabat, Maroc, Fax : 212 37 76 20 56

· M. Taieb Fassi Fihri, Ministre des Affaires étrangères et de la coopération, Ministère des Affaires étrangères et de la cooperation, avenue Franklin Roosevelt, Rabat, Maroc. Fax : +212 37 76 46 79/ +212 37 76 55 08, Email : mail@maec.gov.ma

· M. Ahmed Herzenni, Président, Conseil Consultatif des Droits de l’Homme (CCDH), Place des Chouhada, B.P. 1341, Rabat, Maroc. Fax : + 212 37.72.68.56. E-mail : ccdh@ccdh.org.ma

· Mission permanente du Royaume du Maroc auprès des Nations unies à Genève, Chemin François-Lehmann 18a, Case postale 244, 1218 Grand-Saconnex, Suisse, E-mail : mission.maroc@ties.itu.int, fax : +41 22 791 81 80

· Mission diplomatique du Royaume du Maroc à Bruxelles, 2 avenue F.D. Roosevelt, 1050 Bruxelles, Belgique, Fax : + 32 2 626 34 34.

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Maroc dans vos pays respectifs.

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