La Convention CEDAW à l’ère des transitions politiques dans les pays arabes

17/03/2014
Communiqué
ar fr

L’histoire de la CEDAW dans les pays arabes est une histoire faite de mobilisations, de contre mobilisations et de diabolisation. A ce titre, elle raconte les combats et les sacrifices des femmes et des démocrates de la région en faveur du progrès et contre la régression de l’ensemble des sociétés arabes. Car comment envisager le progrès sans ces femmes que les révolutions et les soulèvements populaires des dernières années ont montré au monde : des femmes de tous les âges, de toutes les conditions sociales déterminées, bravant les dangers et résolues à peser sur le cours de l’histoire.

Cette histoire, et ses développements récents suite aux révolutions et soulèvements dans la région, reflète et traduit les difficultés des périodes de transition, à degrés divers, pour ces pays de construire un projet politique démocratique en rupture avec la dictature et avec les idéologies identitaires de masse. En effet, si la diabolisation de la Convention CEDAW a constitué une constante dans les pays arabes, toutefois, les controverses autour de cette Convention se sont amplifiées dés le début des périodes de transition politique dans plusieurs pays de la région y compris dans ceux qui n’ont pas connu de révolution.

Alors que les principes et normes universelles relatifs à la démocratie, à la citoyenneté, à la place de la religion dans le champ politique, sont en train de faire leur chemin dans les débats politiques et sociaux dans de nombreux pays arabes, plusieurs courants politiques conservateurs se sont saisis de la CEDAW pour dévoiler leur projet politique totalitaire, violent et passéiste. A l’exception de tout autre traité international des droits de l’homme, la Convention CEDAW a cristallisé les polarisations et les haines ayant abouti durant les dernières années à des demandes visant le désengagement des pays arabes des obligations découlant de leur ratification de la CEDAW. N’osant pas s’attaquer de front aux autres valeurs universelles telles que la démocratie, les droits de l’homme, etc., les courants conservateurs prétendent réserver un traitement particulier, encore une fois, au statut des femmes dans la sphère privée et publique. Les violences inouïes, dont avaient été victimes les femmes en Egypte, en Libye et en Syrie, ne montrent qu’une partie du projet préconisé par ces courants.

Durant les trois dernières années, à la faveur de la montée de l’aspiration à la citoyenneté effective, des progrès ont été enregistrés notamment dans les nouvelles constitutions de certains pays par la reconnaissance de l’égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines et par la levée des réserves sur l’article 16 - article le plus diabolisé par les mouvements conservateurs - comme c’est le cas de la Tunisie et du Maroc. Toutefois, les passions, les mobilisations et les contre mobilisations, dont a fait l’objet la CEDAW durant la période de transitions dans la quasi majorité des pays arabes, incitent à remettre en cause les finalités de ce qui est appelé le Printemps arabe et de ce pourquoi des millions d’hommes et de femmes sont sortis dans les rues.

Le projet des opposants aux droits des femmes et à la CEDAW, porteur d’oppression, de discrimination et de violences à l’encontre de la moitié des sociétés arabes ne peut coexister avec les aspirations à la démocratie, à la liberté et à l’égale dignité des citoyens et citoyennes des pays arabes. C’est rater le rendez-vous avec l’histoire que de penser que le changement peut intervenir sans les femmes surtout dans la région arabe.

Soutenue par le rôle joué par les femmes durant les révolutions et soulèvements récents, la Coalition Egalité sans réserve, groupement d’organisations nationales et internationales des droits des femmes et des droits de l’homme en faveur de la levée des réserves et de la ratification par les pays de la région de son protocole optionnel, appelle les gouvernements, l’ensemble des décideurs ainsi que les forces vives de la région à prendre leur responsabilité dans une période historique qui déterminera l’avenir des générations futures afin de :

  • Lever toutes les réserves sur la Convention CEDAW ;
  • Ratifier la Convention CEDAW, pour les Etats qui n’y sont pas encore partie ;
  • Ratifier son protocole optionnel ;
  • Inscrire le principe de la primauté des conventions ratifiées par les pays sur les lois internes dans les constitutions en cours d’élaboration ;
  • Inscrire la prohibition de la discrimination en raison du sexe et l’égalité et la parité entre les hommes et les femmes dans les constitutions de leurs pays respectifs, dans les législations nationales et dans l’ensemble des politiques publiques ;
  • Mettre en place des mécanismes de contrôle, de redevabilité et de suivi visant à garantir l’effectivité des droits humains fondamentaux des femmes tels que consacrés par la Convention CEDAW et à lutter contre les discriminations et les violences à l’encontre des femmes et des filles.

Rabat, le 13 mars 2014

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