Interpellation/ Poursuites judiciaires - LBN 001 / 0005 / OBS 033.2

02/03/2005
Appel urgent

L’Observatoire a été informé de nouveaux actes de persécution judiciaire à l’encontre de Maître Muhamad Mugraby, avocat inscrit au Barreau de Beyrouth et défenseur des droits de l’Homme, reconnu notamment pour son engagement contre la corruption dans le milieu judiciaire libanais et la défense de nombreux opposants politiques dans le pays.

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la FIDH et de l’OMCT, vous prie d’intervenir de toute urgence à propos de la situation suivante au Liban.

Nouvelles informations :

Selon les informations reçues, Me Mugraby a été interpellé le 26 février 2005 par les forces de Sûreté Générale à Beyrouth et n’a été libéré que dix heures plus tard. A cette occasion, il lui a été signifié qu’il était accusé de " porter atteinte à la réputation de l’Etat et à l’institution militaire ", incriminations qui ne figurent toutefois pas dans le code pénal libanais. Il a été interrogé sur son intervention devant le Comité Mashrek du Parlement européen le 4 novembre 2003, lors de laquelle il avait dénoncé la détention arbitraire dont il avait fait l’objet en août 2003 et les dysfonctionnements du système judiciaire libanais. Il a notamment été reproché à Me Mugraby de défendre la démocratisation des pays arabes. Les officiers de police lui ont également demandé des précisions sur sa position concernant la justice militaire au Liban, qu’il avait explicitée lors de son intervention devant le Parlement européen.

Selon les informations reçues, Me Mugraby avait déjà fait l’objet d’une arrestation sur mandat du Procureur Général suite à cette intervention en 2003, mais les charges à son encontre - les mêmes que celles actuellement invoquées - avaient alors été abandonnées suite aux pressions de la communauté internationale et en particulier des institutions européennes. Le cas a été réouvert le 24 février 2005, ce qui a conduit à son arrestation deux jours plus tard.

L’Observatoire, vivement préoccupé par ces faits, considère que la réactivation subite d’anciennes charges à l’encontre de Me Mugraby constitue une nouvelle forme de pression contre lui et souligne que cette mesure est contraire aux principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme liant le Liban, ainsi qu’aux principes de base relatifs au rôle du Barreau, dont l’article 23 garantit la liberté d’expression et d’association des avocats. Ces mesures sont arbitraires en ce qu’elles ne visent qu’à sanctionner l’activité de Me Mugraby en faveur de la défense des droits de l’Homme au Liban.

Rappel des faits :

En avril 2000, Me Mugraby avait été poursuivi pour "diffamation portée contre le pouvoir judiciaire", après avoir mis en cause nominativement l’intégrité d’un certain nombre de juges lors de conférences de presse le 14 octobre 1999 et le 19 avril 2000.

Le 8 août 2003, Me Mugraby avait été arrêté sur mandat du Procureur général, à la suite d’une plainte initiée par l’ordre des avocats de Beyrouth, l’accusant d’avoir fait un usage illégal de son titre d’avocat. L’ordre des avocats reprochait à Me Mugraby de continuer d’exercer son métier alors que deux commissions disciplinaires du Barreau lui ont retiré ce droit le 4 avril 2002 et le 17 janvier 2003, à la suite de poursuites à son encontre pour "diffamation contre le pouvoir judiciaire". Toutefois ces décisions n’étaient pas exécutoires, puisque Me Mugraby avait fait appel de celles-ci et que leur examen était toujours en cours. Il avait été libéré le 29 août 2003 mais restait poursuivi pour "diffamation contre le pouvoir judiciaire", en vertu de l’article 111 du code portant réglementation du la profession d’avocat et des articles 391 et 393 du code pénal. Me Mugraby, qui avait en outre été radié du Barreau, s’était pourvu en cassation. Le 10 mars 2004, la troisième chambre de la cour de cassation de Beyrouth a favorablement considéré ce pourvoi, et a par ailleurs cassé les deux décisions des commissions disciplinaires d’avril 2002 et janvier 2003, contestant le fondement de l’accusation au titre du code portant réglementation de la profession d’avocat. Toutefois, Me Mugraby est susceptible d’être accusé en vertu des articles 391 et 393 du code pénal.

Actions demandées :

Merci de bien vouloir écrire aux autorités libanaises en leur demandant de :

i. veiller à ce que les charges pesant contre Me Mugraby soient abandonnées en raison de leur caractère arbitraire, et mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris judiciaire, à son encontre et à celle de tous les défenseur des droits de l’Homme au Liban ;

ii. se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998 et plus particulièrement à son article premier, qui dispose que "chacun a le droit, tant individuellement qu’en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international" et à son article6.b qui dispose que " chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’Homme et toutes les libertés fondamentales " ;

iii. plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et aux instruments régionaux et internationaux ratifiés par le Liban.

Adresses :

 SE Général Emile Lahoud, Président de la République Libanaise, Palais Présidentiel, Beirut, Fax : + 961 1 425 391. E-mail : opendoor@presidency.gov.lb

 Mission permanente de la République Libanaise auprès des Nations unies à Genève. Parc de Mayens 28, 1218 Grand-Saconnex, GE, Suisse, Fax : + 41 22 791 85 80, E-mail : mission.lebanon@ties.itu.int.
Représentations diplomatiques de la République Libanaise dans vos pays respectifs.

Paris - Genève, 2 mars 2005

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.
L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. L’Observatoire a été lauréat 1998 du Prix des Droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
E-mail : observatoire@iprolink.ch Tel et fax FIDH : 33 (0) 1 43 55 20 11 / 01 43 55 18 80
Tel et fax OMCT : +4122 809 49 39 / 41 22 809 49 29

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