Apartheid israélien – Les séquelles laissées par la Nakba toujours présentes 75 ans après

16/05/2023
Déclaration
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MERT ALPER DERVIS / ANADOLU AGENCY / ANADOLU AGENCY VIA AFP

15 mai 2023. La FIDH, Al-Haq et plusieurs organisations de défense des droits humains se réjouissent de la commémoration par l’Assemblée générale des Nations unies de la Nakba (ou « catastrophe ») pour la première fois en 75 ans. Si nous saluons cette reconnaissance symbolique, nous rappelons la nécessité d’adopter des mesures juridiques et politiques concrètes pour faire face à cette tragédie qui a entraîné le déplacement de 80 % du peuple palestinien. Il est temps de mettre fin à un système de colonisation et à un régime d’apartheid imposés au peuple palestinien – qui revendique leur droit à l’autodétermination et que les responsabilités soient établies – ainsi qu’au peuple israélien désireux d’une paix durable.

75 ans se sont écoulés depuis le nettoyage ethnique du peuple palestinien et l’expulsion forcée de ses membres de leurs foyers, leurs terrains et leurs biens installés sur leurs terres ancestrales durant la Nakba (« catastrophe » en arabe) de 1948. La société palestinienne a été décimée à cette occasion : 531 villages palestiniens ont été détruits et plus de 70 massacres ont été perpétrés à l’encontre de civil·es innocents, faisant plus de 15 000 victimes palestiniennes entre 1947 et 1949. Ces événements se sont soldés par un lourd bilan : près des deux tiers des Palestinien·nes se sont retrouvé·es réfugié·es en 1948 et les années juste après, et un quart de celles et ceux qui sont resté·es sur le territoire palestinien historique ont été déplacé·es à l’intérieur des frontières et se voient refuser le droit de retourner dans leurs villages ou leurs villes d’origine depuis lors.

Depuis 1948, Israël a établi un régime de domination raciale et d’oppression sur le peuple palestinien, principalement dans les domaines de la nationalité et du foncier. Au lendemain de la Nakba, Israël a adopté une série de lois, de mesures politiques et de pratiques, qui a scellé l’expropriation du peuple palestinien autochtone, en refusant systématiquement d’accorder le droit au retour aux personnes réfugiées palestiniennes et aux autres Palestinien·nes qui vivaient à l’étranger à l’époque de la guerre. Au même moment, Israël a imposé un système institutionnalisant la discrimination raciale à l’égard des Palestinien·nes qui restaient sur leurs terres, et qui pour la plupart ont été déplacé·es à l’intérieur des frontières. Ce sont ces lois israéliennes qui ont façonné l’architecture légale de l’apartheid israélien qui s’impose encore aujourd’hui au peuple palestinien.

La loi de 1950, dite « Propriété des absents », est devenue le principal instrument juridique permettant l’expropriation des Palestinien·nes. Israël y a eu recours pour confisquer les biens des personnes réfugiées et déplacées palestiniennes que l’on considérait comme étant « absentes », alors que l’État refusait leur retour. 75 ans plus tard, cette loi participe toujours à la judaïsation par Israël des différentes parties de la Cisjordanie, notamment de la ville de Jérusalem, et à la transformation de son caractère, de sa composition démographique et de son identité palestiniens.

Ainsi, la loi sur le retour de 1950 et la loi sur la citoyenneté de1952 ont constitué le fondement de la discrimination raciale institutionnalisée dans le droit par Israël. En établissant cette domination, à la fois dans le droit et dans la pratique, Israël a accordé à chaque personne juive le droit exclusif d’entrer dans le pays comme immigrant et d’obtenir la citoyenneté. Parallèlement, les personnes réfugiées palestiniennes se sont vues catégoriquement refuser leur droit au retour dans leurs foyers, leurs terres et leurs propriétés d’où elles avaient été illégalement expropriées.

De telles lois israéliennes constituent le fondement juridique de l’apartheid israélien, en perpétuant sa domination raciale et oppression systématiques sur l’ensemble des Palestinien·nes de part et d’autre de la ligne verte, ainsi que sur les personnes réfugiées et exilées palestiniennes. Depuis sept décennies et demie, Israël cherche à opérer une fragmentation stratégique du peuple palestinien au moins dans quatre domaines distincts : sur le plan géographique, juridique, politique et administratif, et se sert de ce levier pour imposer et maintenir l’apartheid. Cette stratégie déployée par Israël empêche le peuple palestinien de se réunir, de se rassembler, de vivre ensemble, ou d’exercer leurs droits collectivement, notamment leurs droits à l’autodétermination et à la souveraineté permanente sur leurs ressources naturelles. Ce phénomène est encore renforcé par la fermeture illégale et le blocus de la bande de Gaza, le mur d’annexion, et le régime d’autorisations mis en place par Israël qui via des points de contrôle ainsi que d’autres obstacles physiques entrave gravement la liberté de circulation du peuple palestinien.

Alors que nous célébrons le 75e anniversaire de la Nakba, le gouvernement israélien poursuit son annexion de facto et de jure de la Cisjordanie. Celle-ci se traduit par la confiscation et le saccage des terres, ainsi que le déplacement du peuple palestinien par Israël à travers le maintien du régime d’apartheid. Comme l’ont réaffirmé les différents Rapporteurs spéciaux des Nations unies sur la situation des droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé depuis 1967, les plans d’annexion continue d’Israël témoignent de l’apartheid que ce dernier a imposé au 21e siècle, entraînant dans son sillage la disparition du droit des Palestinien·nes à l’autodétermination.

Les crimes de la Nakba, notamment le nettoyage ethnique et l’expulsion des personnes réfugiées palestiniennes, la destruction massive de leurs biens, les exterminations de masse dont elles sont la cible et le refus prolongé de leur accorder le droit au retour n’ont jamais fait l’objet de poursuites et les victimes n’ont jamais obtenu réparation. Il y a à peine cinq ans, alors qu’elles mettaient en œuvre leur politique consistant à « tirer pour tuer », les forces d’occupation israéliennes ont tué en masse 60 personnes palestiniennes qui manifestaient sans arme dans la bande de Gaza à la veille de la commémoration du 70e anniversaire de la Nakba. Les injustices de la Nakba et le refus permanent d’Israël d’accorder au peuple palestinien le droit au retour ont engendré des manifestations de la société civile tous les vendredis à Gaza pendant deux ans dans le cadre de la Grande marche du retour. Israël a eu recours à des forces meurtrières pour les réprimer en toute impunité.

Cette année, alors que le peuple palestinien commémore le 75e anniversaire de la Nakba, le gouvernement israélien le plus raciste et le plus à droite de l’histoire d’Israël renforce sa politique d’oppression à son encontre, en pratiquant notamment des perquisitions quotidiennes et des exécutions extrajudiciaires en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est. Le 9 mai, Israël a lancé un assaut militaire injustifié d’une grande violence qui a duré cinq jours ciblant des immeubles d’habitation dans la bande de Gaza assiégée depuis 16 ans. L’attaque a causé la mort de 33 victimes civiles palestiniennes, dont six enfants et quatre femmes, certaines pendant leur sommeil et en a blessé 147, dont 48 enfants et 26 femmes.

En ce jour de commémoration de la Nakba, nous appelons les États, les Nations unies, les organisations internationales et les organisations de la société civile du monde entier à prendre des mesures juridiques et politiques efficaces afin de traduire en justice les responsables suspectés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité devant la Cour pénale internationale (CPI) dans le cadre de la situation en Palestine. Le Procureur de la CPI, M. Karim Khan doit accélérer l’enquête et commencer à délivrer des mandats d’arrêt afin de rendre justice aux victimes palestiniennes d’atrocités de masse.

À cette étape cruciale de la lutte du peuple palestinien pour l’autodétermination, il est également important de soutenir l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) jusqu’à ce qu’une solution impliquant la pleine jouissance des droits humains inaliénables du peuple palestinien soit durablement trouvée sur la question des réfugié·es.

Enfin, nous appelons l’ensemble des parties prenantes à reconnaître et à rejoindre le mouvement de défense des droits humains s’accordant sur la situation d’apartheid dont est victime le peuple palestinien sur le terrain. Nombreuses sont les voies possibles pour préparer un avenir juste, mais aucune ne peut s’appuyer sur une occupation permanente, sur un colonialisme d’occupation, ni sur la domination et l’oppression d’un groupe d’individus par un autre. L’apartheid n’a pas de place dans notre monde et celui qui a été imposé par Israël doit être démantelé dès aujourd’hui.

Vous pouvez observer la transformation de la Palestine après la Nakba de 1948 sur la carte en visualisant la Palestine à l’occasion des 75 ans de la Nakba : https://today.visualizingpalestine.org/?blm_aid=8507392

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  • Co-signataires

    1. Al-Haq, Law in the Service of Mankind (Al-Haq)
    2. Addameer Prisoner Support and Human Rights Association (Addameer)
    3. Al Dameer Association for Human Rights
    4. Al Mezan Center for Human Rights (Al Mezan)
    5. Applied Research Institute-Jerusalem (ARIJ)
    6. Arab Center for Agricultural Development
    7. Association France Palestine Solidarité (AFPS) - France
    8. Association of Women Committees for Social Work (AWCSW)
    9. Cairo Institute For Human Rights Studies (CIHRS)
    10. Centre de défense des libertés et des droits civils "Hurryyat"
    11. Civic Coalition for Palestinian Rights in Jerusalem (CCPRJ)
    12. Defender Center for Human Rights (Libye)
    13. Defense for Children International – Palestine (DCI-Palestine)
    14. Democracy for the Arab World Now (DAWN)
    15. Ligue Djiboutienne des droits humains (LDDH)
    16. European Legal Support Center (ELSC)
    17. European Saudi Organization for Human Rights (ESOHR)
    18. Forum Tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES)
    19. Groningen for Palestine (GfP)
    20. Human Rights & Democracy Media Center “SHAMS”
    21. Fédération internationale pour les droits humains (FIDH)
    22. International Institute for Nonviolent Action (NOVACT)
    23. Ligue de Défense des Droits de l’Homme en Iran (LDDHI)
    24. Ligue Algérienne pour La Défense des droits de l’homme
    25. Liga Mexicana por la Defensa de los Derechos Humanos, Limeddh - Mexique
    26. Mwatana for Human Rights (Yémen)
    27. OPEN ASIA|Armanshahr Foundation
    28. Palestine Solidarity Campaign – South Africa (Gauteng)
    29. Palestine Solidarity Campaign – South Africa (Le Cap)
    30. Palestine Solidarity Campaign – UK
    31. Palestinian Working Woman Society for Development (PWWSD)
    32. Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine
    33. Riposte Internationale
    34. South African BDS Coalition
    35. Southern Africa Litigation Centre (SALC)
    36. The Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy – MIFTAH
    37. Réseau des ONG palestiniennes (PNGO)
    38. The Rights Forum

  • Organisations membres - Israël & Palestine
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