Le Conseil de Sécurité doit envoyer une force internationale d’interposition pour la population palestinienne.

10/07/2006
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Attn. S.E Jean-Marc de la Sablière, Ambassadeur, Représentant permanent de la France auprès des Nations unies à New-York, Président du Conseil de sécurité des Nations unies
S.E. MM les Ambassadeurs, membres du Conseil de Sécurité des Nations unies
S.E. Kofi Annan, Secrétaire général des Nations unies

Re. Opération « Summer rains », le Conseil de sécurité doit envoyer une force internationale de protection pour la population civile palestinienne

Excellences,

Je vous saisis au nom du Bureau international de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), actuellement en réunion au siège international de la FIDH à Paris, et qui a examiné la situation extrêmement préoccupante dans les territoires palestiniens occupés.

Ainsi, la FIDH souhaite vous faire part de sa plus grande préoccupation face à l’escalade des violations du droit international humanitaire et des droits de l’Homme dans les territoires palestiniens occupés dans le cadre de l’Opération « Summer rains » menée par l’armée israélienne dans la bande de Gaza, et vous appelle a intervenir dans les plus brefs délais au sein du Conseil de Sécurité.

La FIDH condamne les tirs de roquettes par les groupes armés palestiniens en direction de populations civiles israéliennes.

Pour autant, la réaction du gouvernement israélien se situe en violation flagrante et grave du droit international humanitaire ; elle est constitutive, à tout le moins, de crimes de guerre, voire de crimes contre l’humanité, au regard du droit pénal international. Comme le reconnaît le Rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’Homme dans le Territoire palestinien occupé, ces interventions sont « disproportionnées » [1].

D’après les informations récoltées par son organisation membre à Gaza le Palestinian Centre for Human Rights, et à la suite de la mission d’enquête qu’elle a déployée dans le territoire palestinien occupé entre le 25 juin et le 2 juillet 2006, la FIDH est en mesure de dresser le constat suivant :

Parmi les attaques perpétrées par l’armée israélienne, la destruction délibérée de la centrale électrique de la bande de Gaza, de réseaux d’alimentation en eau, de ponts, de routes, des bureaux de l’Autorité palestinienne et d’autres infrastructures civiles sont une violation de l’article 147 de la Quatrième Convention de Genève. Elles constituent à tout le moins un crime de guerre en vertu de l’article 8(2)(a)(iv) du Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale, qui reprend la coutume internationale.
Un nombre important de civils palestiniens ont été tués du fait des bombardements ces dernières semaines et mois. 24 auraient été tués en 24 heures entre le 6 et le 7 juillet 2006. Ces exécutions constituent une violation grave du droit international humanitaire au regard de l’article 3 de la IVème Convention de Genève, et sont qualifiables à tout le moins de crimes de guerre en vertu de l’article 8(2)(a) du Statut de Rome.
Les arrestations arbitraires par Israël des membres du gouvernement, du Conseil législatif élu dans le cadre d’élections libres et transparentes comme l’ont confirmé les observateurs internationaux, et de responsables politiques palestiniens menacent directement l’existence même des institutions palestiniennes. Elles constituent, comme reconnu par le Rapporteur Spécial John Dugard, une « prise d’otages », interdite par l’article 34 de la Quatrième convention de Genève.2
Les bombardements de la bande de Gaza et son survol par des avions à des vitesses supersoniques constituent des actes d’intimidation, en violation de l’article 33 de la IVème Convention de Genève.
La centrale électrique détruite par les forces armées israéliennes le 28 juin assurait l’approvisionnement en électricité d’une zone représentant 43 pour cent de la population totale de la bande de Gaza. 700 000 personnes sont affectées par les coupures de courant. Le Système d’approvisionnement en eau potable est également fortement perturbé, certaines pompes ne fonctionnant plus. De plus, après la fermeture des points de passage de Karni et de Rafah, et par intermittence de celui d’Erez, les denrées alimentaires, le carburant et le combustible viennent à manquer, les personnes nécessitant des soins en Egypte ne peuvent y accéder. Cette situation est particulièrement inquiétante dans les hôpitaux et les centres de santé, dont l’approvisionnement en eau est devenu insuffisant et qui manquent également de combustibles pour alimenter leurs générateurs. En ce qu’elle visaient directement la population civile palestinienne, les mesures et les attaques à l’origine de cette crise humanitaire constituent une punition collective en violation de l’article 33 de la IV ème Convention de Genève. Elles placent également Israël, en tant que puissance occupante, en violation du Pacte des Nations unies sur les droits économiques, sociaux et culturels dont l’applicabilité dans le Territoire palestinien occupé a été réaffirmé par la Cour internationale de justice dans son avis consultatif du 9 juillet 2004.
Parallèlement à cette opération militaire, la situation humanitaire de la population palestinienne se dégrade de façon dramatique. Après les élections du Conseil législatif palestinien du 25 janvier 2006, le Gouvernement israélien a décidé de stopper la restitution des taxes collectées au nom de l’Autorité palestinienne et ce, en violation de ses obligations légales au regard du Protocole sur les relations économiques entre le gouvernement de l’Etat d’Israël et l’OLP, représentant le Peuple palestinien. Les gouvernements occidentaux, ainsi que le Conseil de l’Union européenne ont pris la décision de suspendre l’aide qu’il accordait à l’Autorité palestinienne. Ces décisions ont entraîné une crise humanitaire dramatique. En particulier, près de 41% de la population palestinienne se voit privée de ressources depuis janvier, du fait de non paiement des salaires de fonctionnaires. De nombreuses banques, par mesure de précaution et par peur d’être sanctionnées pour avoir des contacts avec des organisations terroristes désignées, ont fermé des comptes avec des organisations ou individus palestiniens. Certaines ONG ont cessé leur activité. Les banques opérant dans les Territoires palestiniens occupés risquent de se voir prochainement dans l’impossibilité de continuer à fonctionner, qu’elles hébergent ou non les comptes de l’Autorité palestinienne. Le secteur privé est par conséquent profondément affecté par les sanctions économiques infligées à l’Autorité palestinienne. Certaines organisations non-gouvernementales ont stoppé leurs activités.
Le plan de financement proposé par l’Union européenne et adopté par le Quartet est un pas en faveur d’un soutien humanitaire à la population palestinienne. Il ne garantit malheureusement pas le paiement des salaires des fonctionnaires palestiniens, notamment dans les secteurs de l’éducation et de la santé. Les propositions de financement encadré proposées par la Banque mondiale le 7 mai 2006 auraient permis le paiement des salaires. Elles n’ont malheureusement pas été retenues par le Quartet.

Face à cette situation, la FIDH estime que le Conseil de sécurité des Nations unies est dans l’obligation d’intervenir.

En vertu de la résolution 1674/2006 relative à la protection des civils en période de conflit armé, adoptée le 28 avril 2006, le Conseil de sécurité reconnaît que « le fait de prendre délibérément pour cible des civils et d’autres personnes protégées et de commettre des violations systématiques, flagrantes et généralisées du droit international humanitaire et des droits de l’Homme en période de conflit armé peut constituer une menace contre la paix et la sécurité internationales » et se dit disposé « à examiner ces situations et à prendre, le cas échéant des mesures appropriées ».

La FIDH appelle donc la Présidence française du Conseil de sécurité à mettre de manière urgente cette situation à l’agenda du Conseil, et les membres du Conseil de Sécurité d’adopter une résolution prévoyant notamment :

l’envoi d’une force internationale d’interposition, avec pour mandat de mettre un terme à l’aggravation de la crise humanitaire en assurant la délivrance d’alimentation, d’eau, de médicaments, de carburant et d’électricité à la population palestinienne, et d’assurer la protection de la population civile palestinienne,,
enjoignant les groupes armés palestiniens à cesser les tirs de roquettes en direction des populations civiles israéliennes ;
enjoignant le gouvernement d’Israël, puissance occupante, de respecter le droit international humanitaire et les droits de l’Homme,
enjoignant le gouvernement d’Israël de libérer les membres du gouvernement, du conseil législatif et les responsables politiques palestiniens,
enjoignant les autorités israéliennes de réparer l’ensemble des dommages subis du fait de la politique mise en oeuvre,
enjoignant le Quartet à revoir le mécanisme d’aide humanitaire à la population palestinienne, en suivant les propositions de la Banque mondiale, l’Union européenne à mettre fin à la suspension de son aide et le Gouvernement israélien à libérer les taxes retenues dans le cadre d’un tel mécanisme.
enjoignant Israël d’allouer des compensations à l’Autorité palestinienne pour la totalité des dommages subis dans le cadre des opérations militaires.

En vous remerciant pour votre attention et votre réaction, je vous prie d’agréer, Excellences, l’expression de mes sentiments les plus respectueux.

Sidiki Kaba
Président

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