La violence n’est pas une fatalité

30/12/2008
Communiqué

Tribune publiée dans le Monde édition du 31/12/08.

Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH.
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Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH.

Des morts qui se comptent par centaines, les blessés peuplent les hôpitaux
de Gaza et les mots encombrent les ondes et les images. Qu’elles maudissent,
s’indignent, justifient, condamnent, appellent à la vengeance ou à la raison,
ces pauvres paroles s’envolent au vent mauvais de l’inertie qui règne depuis
des décennies.

La trêve est rompue, dit-on. Interruption momentanée d’une guerre chaude,
voici ce que furent ces six mois où Gaza n’a cessé de survivre, l’existence de
ses habitants étant enfouie dans ces tunnels qui charroient les biens
nécessaires à la vie ou à la mort. Retour aux réalités les plus crues. On peut
détester le Hamas et son refus affiché de l’existence de l’Etat d’Israël, on
peut et on doit aussi rejeter cette violation assumée par tous de s’en prendre
aux civils. Bref, on peut dénoncer une nouvelle fois l’engrenage de la violence
et se livrer à la comptabilité minutieuse des responsabilités ou jeter
l’anathème sur l’interlocuteur de demain.

En attendant les violences se poursuivent, ouvertes comme ces derniers
jours, sournoises quand elles asphyxient tout un peuple déjà embastillé. Nous
sommes envahis par la honte car rien n’était imprévisible et nous connaissons
les remèdes à cette maladie qui ronge cette région du monde et déchaîne les
passions partout ailleurs. Sommes-nous si irrésolus, si dénués de sens commun
pour laisser faire ainsi ?

Ici et maintenant, au sein même de l’Union européenne, nous venons de
conforter les autorités israéliennes en leur accordant un statut encore plus
privilégié. La bonne conscience fera que l’on déversera quelques centaines de
millions d’euros au bénéfice des Palestiniens, qui serviront à reconstruire ce
que l’occupant aura détruit et que l’on recommencera encore et encore cet
investissement sans fin et, surtout, sans dividendes. Comme si la paix, ou la
guerre d’ailleurs, dépendait d’un argent qui dissimule l’impuissance. Pourtant
jamais conflit ne connut de solutions plus évidentes ; des négociations de
Taba, à l’initiative de Genève en passant par la proposition de paix de la
Ligue arabe, à quelques détails près, tout est déjà écrit et les cartes
n’attendent que d’être précisées. Mais pour faire vivre la paix autrement que
sur du papier, il faut en terminer avec les faux équilibres. La politique
israélienne n’a plus pour but d’assurer la sécurité de cet Etat.

Bien sûr, cette exigence est légitime et elle est toujours présente dans la
pensée de ce peuple et de ses dirigeants. Mais aucune "raison de sécurité" ne
peut justifier l’accaparement des terres palestiniennes, de l’eau et le refus
de laisser la Cisjordanie et Gaza se développer. Le Hamas n’est plus qu’un
alibi commode. Il y a longtemps que derrière le discours sécuritaire se cache,
à peine, une volonté d’agrandir le territoire et de convaincre les Palestiniens
de s’en aller. Au-delà de l’impératif éthique qui interdit de déposséder un
peuple de son existence, il en va de la pérennité d’Israël.

Soit Israël admet enfin l’existence d’un Etat palestinien pleinement
souverain et installé sur la totalité de la Cisjordanie et de Gaza, soit la
sécurité d’Israël ne durera pas plus longtemps que sa puissance militaire, dont
la guerre du Liban a commencé à montrer la relativité. Sont-ils bien conscients
de l’avenir ceux et celles qui font de cet Etat le poste avancé du monde
occidental ? Sont-ils bien conscients que chaque mort à Gaza, c’est un peu
plus de haine aveugle contre le reste d’un monde jaugé à la dimension de ses
mensonges et de son double discours ?

Sont-ils bien conscients que cette guerre permet aux régimes arabes de
maintenir leurs peuples sous l’emprise de la dictature et de refuser toute
évolution démocratique ? Il n’est plus utile de se lamenter, encore moins
de faire des belligérants des fanatiques irréductibles alors que nous avons les
moyens de mettre un terme à ce conflit.

Et l’Union européenne la première : qu’elle applique les accords
passés, qu’elle change de politique et cesse de faire d’Israël son allié
privilégié. C’est le seul moyen pour que le gouvernement israélien comprenne
qu’il est un Etat comme les autres, avec ses droits mais aussi avec ses
responsabilités. Alors, peut-être, la communauté internationale trouvera les
ressources politiques nécessaires pour faire appliquer ce qui n’est jamais que
le droit de chaque peuple à vivre en paix dans des frontières sûres et
reconnues. Pour les Palestiniens aussi.

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