Un appel de la FIDH à l’union pour la paix et pour le droit à la justice des victimes du régime irakien

18/03/2003
Communiqué

A quelques heures du déclenchement de la guerre américaine en Irak - nonobstant le refus des Nations Unies, de la majorité des Etats et des opinions publiques -, la FIDH et l’ensemble de ses 116 organisations membres dans une centaine de pays, expriment leur plus vive condamnation du recours unilatéral à la force programmé par les Etats Unis d’Amérique.

L’aspiration des populations irakiennes à être libérées de la terreur et de la misère doit impérativement être soutenue et entendue. La FIDH n’a pas ménagé ses efforts pour dénoncer le caractère criminel du régime de Bagdad, et les effets contre-productifs de l’embargo international censé le contraindre, ni pour proposer à la communauté internationale des voies alternatives afin de répondre à cette situation.

Mais l’opération américaine programmée, avec le soutien de la Grande Bretagne et de l’Espagne, ne peut que susciter notre plus vive condamnation : illégale (la résolution 1441, qui vise le désarmement de l’Irak, n’autorise en rien une telle intervention, pas plus que des résolutions anciennes de dix ans), et illégitime (au regard en particulier de l’opposition politique quasi-unanime qu’elle rencontre), elle ajoutera encore à la souffrance de populations civiles déjà durement éprouvées.

En outre cette opération unilatérale, consacrant la « théorie de la guerre préventive », risque de sonner le glas des efforts entrepris depuis cinquante trois ans pour construire un monde plus juste, fondé sur le Droit et la sécurité collective. Les théories de l’administration américaine visent à y substituer la loi du plus fort au nom d’un impératif d’efficacité. Même si leur mise en œuvre conduit à la chute du régime de Saddam Hussein, elle ouvre une ère de dangereuses incertitudes, risquant en réalité d’aggraver les maux qu’elles prétendent combattre.

Elle fera au surplus peser sur la région un risque d’aggravation des conflits, et l’on peut notamment craindre que le peuple palestinien ne voit encore sa situation empirer.

Pour l’immédiat, si la FIDH prend acte avec satisfaction de la résistance du Conseil de sécurité aux propositions américaines, elle ne peut néanmoins se satisfaire de la situation en résultant. Les appels à la protection des populations civiles en période de conflit armé, au respect du droit des conflits armés, à l’accueil des réfugiés, à la liberté d’action des ONG humanitaires, des médias indépendants, sont nécessaires, et la FIDH s’y joint avec force. Mais ils ne suffisent pas.

L’exigence, pour la communauté internationale, de libérer les populations irakiennes de l’oppression dictatoriale qu’elles subissent et de les aider à reconstruire leur pays ; le refus de la loi du plus fort et de la sélectivité ; le principe impératif de légalité internationale ; et le nécessaire renforcement du système multilatéral de sécurité collective, commandent une réaction ferme face à la situation actuelle et exigent des actions concrètes.

La FIDH appelle en conséquence l’Assemblée Générale des Nations Unies, prenant acte du blocage prévisible du Conseil de sécurité tant que durera l’offensive américaine, à tenir une session d’urgence (sur le fondement de sa résolution 377 dite « Union pour le maintien de la paix » ) aux fins notamment :

 d’exprimer sa condamnation de l’opération armée américaine comme constituant une violation flagrante de la Charte des Nations Unies ;
 de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le respect des droits de l’Homme en Irak. La FIDH réitère à cet égard son appel en faveur de la création d’un tribunal pénal international ad hoc chargé de juger Saddam Hussein et les autres criminels contre l’humanité de son régime ; et en faveur, le cas échéant, de la levée de l’embargo, à l’exception de l’embargo sur les armes, ainsi que de l’instauration de sanctions ciblées visant ces derniers ;
 de décider, le cas échéant, du maintien du programme de désarmement de l’Irak ;
 d’instaurer, le cas échéant, un programme de reconstruction de l’Irak dont l’administration ne peut être assumée que par les Nations Unies ;
 d’instaurer un programme global pour le respect des droits de l’Homme et la protection des populations civiles dans la région ;
 de créer d’urgence une mission de protection des droits de l’Homme dans les Territoires palestiniens occupés.

La profonde crise internationale découlant de l’obstination guerrière de l’administration Bush peut être l’occasion d’une nouvelle mobilisation des Etats et des opinions publiques, plus seulement contre la guerre, mais pour la mise en œuvre du droit international, dans le seul cadre légal et légitime : l’Organisation des Nations Unies. La FIDH lance aujourd’hui un appel à l’union pour la paix et pour le droit à la justice des victimes du régime irakien.

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