Tunisie : Répression violente d’une manifestation pacifique en soutien aux grévistes de la faim

10/11/2005
Communiqué

Communiqué

Paris -Genève, le 9 Novembre 2005. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), exprime sa plus vive préoccupation à l’égard de la répression violente, le 8 novembre 2005, d’un rassemblement pacifique en soutien à l’action des grévistes de la faim dits « du 18 octobre 2005 ».

Le 8 novembre 2005, à l’appel du Comité national de soutien de la grève de la faim du 18 octobre 2005, une centaine de défenseurs des droits de l’Homme, de militants associatifs et politiques et de syndicalistes, se sont réunis devant la Maison de la Culture Ibn Khaldoun à Tunis.

Dès le début de la manifestation, un grand nombre de policiers en civil et en uniforme ont violemment pris à partie les militants, parmi lesquels Me Mokhtar Trifi, président de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), Me Mohamed Jmour, membre du Conseil national de l’Ordre des avocats, et Me Khémaïs Chammari, ancien vice-président de la FIDH.

Selon les informations reçues, Me Mokhtar Trifi a notamment été traîné sur le sol par ses agresseurs qui l’ont frappé au niveau des yeux, devant sa femme et sa fille. Me Mohamed Jmour, qui tentait de venir en aide à son confrère, a également été agressé. Une journaliste française, présente sur les lieux et qui filmait les actes des policiers, s’est vue arracher son sac et sa caméra. Trois militants de l’Union générale des étudiants de Tunisie (UGET), MM. Mounir Fallah, Chawki Laarif et Salah Belhouichet, ont été agressés, arrêtés et brièvement détenus.

Par ailleurs, vers 11h00, M. Abderahmane Bouzayyane, huissier de justice, s’est présenté à l’étude de Me Ayachi Hammami, président du Comité de soutien à Me Mohamed Abbou et secrétaire général de la section de Tunis de la LTDH, afin de lui notifier l’ordre émanant de la propriétaire de quitter les locaux dans les 24 heures, au motif que l’usage actuel qui en est fait ne correspond pas à celui inscrit dans son bail. Cette notification exigeait également la « cessation immédiate de toute activité non conforme à la nature du bail, sous 24 heures ».

En effet, le bureau de Me Hammami tient lieu de siège aux huit personnalités politiques et associatives qui font grève de la faim depuis le 18 octobre 2005. Ces huit personnalités sont : Me Ayachi Hammami lui-même, MM. Ahmed Néjib Chabbi, secrétaire général du Parti démocratique progressiste (PDP), Abderraouf Ayadi, secrétaire général du parti du Congrès pour la République (CPR), Hamma Hammami, porte-parole du Parti communiste ouvrier tunisien (PCOT), Mohamed Nouri, président de l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques (AISPP), Samir Dilou, membre du bureau de l’AISPP et du Comité de défense de Me Abbou, Mokhtar Yahyaoui, magistrat et président du Centre pour l’indépendance de la justice (CIJ) et Lofti Hajji, président du Syndicat des journalistes tunisiens (SJT).

Après concertation, les quatre avocats et le magistrat faisant partie des grévistes ont conclu que cet ordre d’expulsion ne pouvait être tenu pour légal, puisqu’il ne découle pas d’une décision judiciaire et, qu’en outre, le motif invoqué par la propriétaire n’est pas prévu par la loi dans le cadre d’une expulsion en référé.

L’Observatoire rappelle que les huit grévistes de la faim souhaitent, par leur action, dénoncer la détérioration de l’état des libertés en Tunisie, et revendiquent, entre autres, le respect du droit de réunion et d’association, la reconnaissance de tous les partis politiques, le respect des droits d’opinion, d’information, de communication, ainsi que la libération de l’ensemble des prisonniers politiques (Cf. communiqués de presse de la FIDH et de l’OMCT des 21 octobre et 2 novembre 2005).

L’Observatoire exprime sa plus vive préoccupation à l’égard de ces faits qui s’inscrivent en violation de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, en particulier son article 5a) qui stipule qu’ « afin de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, aux niveaux national et international, de se réunir et se rassembler pacifiquement » et son article 6c) qui dispose que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, d’étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu’en pratique, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales et, par ces moyens et autres moyens appropriés, d’appeler l’attention du public sur la question ».

L’Observatoire demande par ailleurs aux autorités tunisiennes de :

 garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Mokhtar Trifi, Mohamed Jmour, Khémaïs Chammari, Mounir Fallah, Chawki Laarif, Salah Belhouichet, Ayachi Hammami, Mohamed Abbou, Ahmed Néjib Chabbi, Abderraouf Ayadi, Hamma Hammami, Mohamed Nouri, Samir Dilou, Mokhtar Yahyaoui, et Lofti Hajji ;

 mettre un terme à toute forme de répression ou de harcèlement à l’encontre de tous ceux qui luttent pour la reconnaissance et le respect des droits de l’Homme et de libertés fondamentales en Tunisie ;

 se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations-unies le 9 décembre 1998, en particulier ses articles 5a) et 6c) précédemment cités ;

 plus généralement, se conformer aux engagements relatifs aux libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression et d’associations, garanties par les instruments internationaux ratifiés par la Tunisie, et ce d’autant plus que ce pays accueille le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) du 16 au 18 novembre 2005.

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