La société civile tunisienne sous état de siège : Interdiction du congrès de la LTDH par la violence

29/05/2006
Communiqué

Le 27 mai, la Tunisie était sous état de siège et toutes les forces de police placées en état d’alerte extrême ; L’événement terroriste que l’on cherchait à prévenir n’était rien moins que la tenue du sixième congrès de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme !

Dans la capitale ainsi que les principales villes de l’intérieur, les forces de police en civil et en uniforme étaient déployées en nombre impressionnant dans tous les lieux où se trouvent les militants de la LTDH, interdisant leurs mouvements et les terrorisant ; Des barrages ont été placés dans les principales artères des villes, bloquant leurs déplacements vers la capitale ; Il en fut ainsi à Bizerte, Gafsa, Tozeur, Mahdia, Monastir, Sousse, Jendouba...etc. Au Kef, maître Nejib Hosni, qui avait pris la route pour Tunis pour y subir une intervention chirurgicale, a été bloqué sur la route et ses documents administratifs confisqués ;

Un nombre important de militants de la Ligue ont été terrorisés et agressés physiquement ; Une violence particulière a ciblé les militantes qui ont été traitées de prostituées et frappées, ce fut le cas pour Khedija Cherif, Héla Abdeljaoued, Hafidha Chekir, Samia Abbou, Fatma Ksila ; Le siège de la Ligue était quadrillé par la police et nul n’avait eu le droit d’y accéder ; ceux parmi les militants de la Ligue qui avaient trouvé refuge dans les cafés environnants en ont été expulsés par la force et les cafés fermés ; Seuls les membres du Comité directeur ont été autorisés à entrer dans leur local ; mais lorsque certains d’entre eux ont voulu sortir devant la porte pour venir à la rencontre de leurs invités, ils ont été violemment agressés par les policiers massés devant la porte, comme ce fut le cas pour Souhayer Belhassen sur laquelle ils se sont acharnés à deux reprises, Belkis Mechri, Hatem Chaabouni et Abderrahmen Hdhili ;

Les diplomates représentants les ambassades en poste à Tunis ont également été empêchés d’accéder au siège de la LTDH ; nombre d’entre eux avaient reçu la veille un courrier du ministre de l’Intérieur les invitant à ne pas se rendre au congrès de la LTDH, affirmant que ce congrès était illégal.

Les invités représentant les ONG maghrébines ont de la même façon été empêchés de rencontrer leurs collègues de la Ligue ; Abdelhamid Amine, président de l’AMDH et président de la coordination maghrébine des droits de l’homme, a été violemment agressé par des policiers ainsi que d’autres représentants de la délégation marocaine, particulièrement le représentant de l’OMDH ;

Hélène Flautre, la présidente de la sous commission des droits de l’homme du Parlement européen, a également été empêchée d’accéder au siège de la Ligue ; La veille, le 26 mai, elle a été empêchée de tenir une conférence de presse par la police et subi une surveillance policière collante ;

Les invités représentant les ONG internationales ont également été empêchés d’entrer au siège de la LTDH, Michel Tubiana, vice président de la FIDH a été brutalisé ;
Au moment où les militants de la Ligue subissaient un état de siège, les marionnettes du RCD manipulés par le pouvoir avaient eux le droit de s’exprimer librement dans les journaux, menaçant les militants de la Ligue de l’usage de la force publique pour empêcher la tenue de ce congrès et participant à la campagne de désinformation et de basses calomnies orchestrée par le pouvoir contre la LTDH, visant à la discréditer et à cautionner les attaques qui la ciblent ;

Depuis le congrès de 2000 qui avait donné une direction indépendante et engagée dans la défense des droits humains en Tunisie, le pouvoir tunisien n’a cessé de harceler la Ligue, cherchant par tous les moyens à handicaper son travail ;

L’acharnement judiciaire a été la forme privilégiée de ces attaques ; En cinq ans, la Ligue a eu à faire face à plus d’une quarantaine de procès intentés par des agents du pouvoir ; Malgré l’inconsistance des charges et parfois l’absence de qualification pour agir de ses détracteurs, jamais la justice n’a tranché en faveur de la LTDH et la saga judiciaire contre la Ligue compte parmi les records les plus édifiants du régime de Ben Ali en termes de tentative de mise au pas d’une association qui échappe à son contrôle.

Le gel de ses avoirs, la persécution de ses militants, l’interdiction abusive de ses activités ordinaires ont été une constante de la politique de ce pouvoir ; Les militants des sections régionales avaient été particulièrement visés par des mesures de persécution d’une rare rigueur : agressions physiques, telles celles dont a fait l’objet Mohamed Salah Nahdi président de la section de Mateur, domiciles et locaux assiégés, déplacements interdits...etc.

Durant toute cette période, la matraque a constitué le seul outil de dialogue avec cette association que les Tunisiens considèrent comme leur acquis et qui est la plus ancienne d’Afrique et du monde arabe ;
Cette épreuve de force n’est ni la première ni la dernière qu’entreprend Ben Ali contre la LTDH depuis son arrivée au pouvoir ; Dès 1990, les tentatives de la mettre au pas ont été une constante ;

Le CNLT

 Dénonce avec la plus grande vigueur cet état de siège et l’usage de la violence contre les militants de la LTDH et ses invités ;
 Considère que cette politique d’asphyxie menée contre la Ligue est une forme de dissolution camouflée, comme cela a déjà été entrepris en 1992 ; et exige l’arrêt de ces persécutions ;
 Estime que l’usage de la violence contre les militants de la Ligue et ses invités montre si besoin est le degré d’intolérance de ce pouvoir à toute activité autonome de la société civile.
 Rappelle que la liberté de réunion est garantie par les dispositions de la constitution tunisienne et tous les instruments internationaux ratifiés par la Tunisie, elle constitue de ce fait un droit pour tous les citoyens et non une faveur.
 Salue le combat de tous les militants de la Ligue pour leur autonomie et les assure de leur entière solidarité ;
 Appelle le Conseil des droits de l’homme des NU à examiner à sa prochaine séance, comme point important à son ordre du jour, ces violations graves dont l’un de ses membres vient de se rendre coupable ;
 Appelle les instances régionales et internationales qui sont liés par des accords avec la Tunisie à tirer les conséquences de tels événements ;

Pour le Conseil

La porte-parole

Sihem Bensedrine

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