Résolution sur les violations graves et systématiques des droits de l’Homme en Syrie, adoptée par le Congrès de la FIDH réuni à Erevan

11/04/2010
Communiqué
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Résolution sur les violations graves et systématiques des droits de l’Homme en Syrie

Présentée par le Damascus Center for Human Rights Studies (DCHRS)

La situation des droits de l’Homme dans la République arabe syrienne s’est considérablement détériorée en 2009. Au cours de l’année, les autorités syriennes et en particulier, les membres des forces de sécurité ont commis de nombreuses violations des droits humains. Dans un climat d’impunité, il y a eu des cas d’exécutions extra judiciaires, sommaires ou arbitraires. Le 21 mars 2010, les forces de sécurité syriennes ont fait au moins un mort et plusieurs blessés lors d’une célébration du Nouvel an kurde dans le nord de la Syrie. La violence contre les manifestations kurdes, les rassemblements ou même les célébrations est récurrente. Les forces de sécurité ont arrêté et détenu des individus - y compris des activistes et des opposants au régime - sans recourir à une procédure régulière. Les détenus sont régulièrement torturés et maltraités physiquement dans les centres de détention. Les détentions prolongée avant procès et les détentions au secret demeurent un problème grave. Au cours de l’année, le gouvernement a condamné à la prison plusieurs défenseurs des droits de l’Homme connus. Le gouvernement a imposé d’importantes restrictions aux libertés d’expression, de presse, de réunion, d’association et de mouvement.

Des défenseurs des droits humains et militants d’opposition, quelle que soit leur affiliation politique, font face à la répression du régime syrien. Les défenseurs sont généralement poursuivis et souvent condamnés pour avoir exercé pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et la liberté d’association. Les violations du droit à un procès équitable sont régulièrement observées à tous les stades de la procédure judiciaire et les mauvais traitements et la torture ont également été très régulièrement dénoncés au cours d’arrestations par les services de sécurité de l’État ou pendant la détention.

Les récentes arrestations et détentions d’avocats et de défenseurs des droits humains tels Muhannad Al Hassani et Haitham Al Maleh, la fermeture de la Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression sont des illustrations concrètes et récentes des violations systématiques de la liberté d’association et d’expression et la répression des défenseurs des droits de l’Homme indépendants. Certains ont été condamnés ces dernières années à de lourdes peines de prison. Kamel Al Labwani a été condamné à 12 ans de prison en mai 2007, pour « avoir communiqué avec un pays étranger et incitation à engager une agression contre la Syrie. »

Le régime syrien continue d’étouffer toutes les percées démocratiques. Le calme relatif qui a suivi la vague de répression contre les membres du Printemps de Damas en 2001 a pris fin en particulier avec la publication de nouveaux textes appelant à des réformes démocratiques. Aujourd’hui, plusieurs militants de l’opposition et défenseurs des droits humains sont toujours détenus pour avoir signé la Déclaration de Damas en 2006 et avoir organisé la mise en application de la Déclaration de Damas pour le changement national démocratique.

Des dispositions légales vagues, tels les articles 285 et 286 du Code pénal, facilitent le recours à la justice pour des motifs politiques. Le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire et les procédures arbitraires conduisent également à des violations du droit à un procès équitable. Les tribunaux militaires et les cours de sûreté de l’Etat sont souvent utilisés pour condamner les prisonniers d’opinion.

Le caractère arbitraire de ces arrestations et condamnations a été largement reconnu, que ce soit par l’Union européenne ou par le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire.

Les allégations de torture et de mauvais traitements, notamment à l’encontre des prisonniers d’opinion, sont récurrents en Syrie. Les détenus souffrent aussi régulièrement du manque de soins appropriés. L’emprisonnement des prisonniers de conscience et de défenseurs des droits de l’Homme avec les prisonniers de droit commun, encouragés à surveiller, menacer voir attaquer leurs co-détenus, est une pratique régulièrement utilisée.

Le régime syrien ne tolère aucun autre parti politique que le parti Baath au pouvoir. Tous les autres partis et mouvements politiques sont traités comme des organisations illégales et leurs membres sont donc passibles de poursuites en vertu de l’article 288 du Code pénal.

Beaucoup de gens qui sont considérés comme susceptibles de nuire à l’image de la Syrie à l’étranger sont régulièrement empêchés de quitter le pays. Un moyen de pression et de répression contre ceux qui osent critiquer le régime, cette pratique a ces dernières années pour cible un nombre croissant de politiques et de militants des droits humains. Cette mesure répressive tend à se propager à leurs parents et d’autres secteurs de la société civile syrienne. Les représentants des communautés culturelles et universitaires ont été touchés par l’interdiction de ces dernières années.

Les militants de l’opposition et défenseurs des droits de l’Homme kurdes sont généralement encore plus sévèrement touchés par répression. Les arrestations, les détentions secrètes, les procès inéquitables, la torture et/ ou mauvais traitements sont régulièrement signalés. Les discriminations quotidiennes contre la minorité Kurde ont été constamment critiquées par les agences de l’ONU ces dernières années

De nombreux membres de la communauté kurde ne sont pas reconnus comme syriens. Sans carte d’identité, documents de voyage, ou certificats de naissance, ceux-ci ne peuvent pas accéder aux hôpitaux publics, à des emplois publics ou à toute profession qui exige l’appartenance à une organisation professionnelle (avocats, journalistes, ingénieurs, médecins, etc.) Ils ne peuvent plus faire valoir le droit à la propriété ou de vote et sont empêchés de quitter le pays. L’usage de la langue kurde est strictement limité, elle est interdite dans les écoles et les lieux de travail.

Au cours des deux dernières années, 26 soldats kurdes sont décédés dans des circonstances troubles alors qu’ils effectuaient leur service militaire et aucune enquête sur les circonstances de leur décès n’a été diligentée.

Enfin, la République arabe syrienne est reconnue comme l’un des pires censeurs du web et de la presse dans le monde.

A la veille de la Fête nationale syrienne, le 17 avril et du 10e anniversaire de l’accession au pouvoir de Bachar el-Assad le 17 juillet 2010, le Congrès de la FIDH :

Demande instamment le gouvernement de la République arabe syrienne de :

Respecter ses obligations en vertu des normes internationales relatives aux droits de l’Homme, y compris tous les traités auxquels il est partie, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention contre la torture ;

Lever l’État d’urgence en vigueur depuis 47 ans ;

Libérer tous les défenseurs des droits de l’Homme et les militants emprisonnés pour avoir exercé pacifiquement leurs droits aux libertés d’expression, de réunion et d’association et de mettre fin à toutes les formes de harcèlement, y compris les actions en justice, contre les défenseurs des droits humains et les militants de l’opposition ;

Garantir aux prisonniers d’opinion l’application d’une procédure régulière, l’accès aux soins médicaux appropriés, à leur avocat et leur famille ;
Dissoudre les cours de sûreté de l’Etat et toutes les juridictions d’exception, assurer toutes les garanties du droit à un procès équitable et l’indépendance du pouvoir judiciaire ;

Mettre un terme immédiat à toutes les pratiques de torture et de mauvais traitements, enquêter immédiatement et systématiquement sur les cas de torture et poursuivre les auteurs et commanditaires de ces pratiques en conformité avec les dispositions de la CAT ;

Mettre fin à toutes les mesures de répression à l’encontre des militants de l’opposition, défenseurs des droits humains et leurs proches ;

Lever toutes les restrictions de voyage émises à l’encontre des militants syriens et abolir le système de "liste noire" ;

Mettre fin à la discrimination et au harcèlement à l’encontre de la minorité kurde en Syrie et se conformer strictement aux dispositions de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ;

Demande instamment à l’Organisation des Nations Unies, l’Union européenne et les gouvernements nationaux de :

Soutenir les défenseurs des droits de l’Homme en Syrie ;

Demander au gouvernement syrien de libérer tous les prisonniers d’opinion détenus pour avoir exercé pacifiquement leurs droits fondamentaux, ainsi que tous les prisonniers et détenus emprisonnés sur des accusations aussi vagues que « affaiblissement du sentiment national » (article 285 du Code pénal), « diffusion d’informations notoirement fausses ou affaiblir le sentiment national" (article 286), « appartenance à une association qui vise à changer la structure économique ou sociale de l’Etat » (article 306), etc ;

Appeler le gouvernement syrien à assurer un accès rapide pour les procédures spéciales des Nations Unies tels que le Rapporteur spécial sur la torture et le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, qui ont demandé à effectuer une visite en Syrie ;

Exhorter les autorités syriennes à se conformer pleinement à leurs obligations internationales en matière des droits de l’Homme et à conditionner leur coopération avec la République arabe syrienne au respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

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