Me. Aissa Rahmoune, vice-président de la FIDH: "Notre mandat est de rappeler aux autorités leurs engagements internationaux" - Radio M

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Me. Aissa Rahmoune, vice-président de la FIDH: “Notre mandat est de rappeler aux autorités leurs engagements internationaux”

Interviewé par Mohamed I | 28/10/22 22:10

Me. Aissa Rahmoune, vice-président de la FIDH: “Notre mandat est de rappeler aux autorités leurs engagements internationaux”

Dans cet entretien accordé à Radio M, l’avocat et défenseur des droits de l’homme, Me. Aissa Rahmoune, revient sur sa récente élection comme vice-président de la Fédération internationale pour les droits humains et les défis qu’ils l’attendent dans sa nouvelle mission.

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Radio M : Quelles sont vos impressions après votre élection à la vice-présidence de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) ?

Me. Aissa Rahmoune : Le 41e congrès de la FIDH acte, cette année, le centenaire de cette ONG internationale, créée en France par deux ONG européennes. Une ONG allemande et la ligue des droits humains française. Pour un événement de cette envergure, il y a des sentiments et des sensations qui nous comblent de joies, mais aussi de douleurs. La joie est de voir le combat de la Ligue algérienne des droits de l’Homme (LADDH) et de ses militants reconnus par des ONGs de 104 pays.

La douleur, c’est que le chemin reste long devant l’humanité pour que les droits soient unis et indivisibles. Mes pensées vont aux valeureux militants de la première ligne qui ont donné vie à la LADDH, pour ceux qui sont de ce monde, mais aussi pour ceux qui nous ont quittés. Mes pensées vont particulièrement à feu Me Ali Yahia Abdennour.

Mais il y’a aussi l’envie de redoubler d’engagement en faveur de tous ceux qui sont privés de voix, de libertés et de droits à travers le monde et dans mon pays. La cause des détenus d’opinion demeure une priorité pour nous les défenseurs des droits de l’Homme.

La ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme est née dans la clandestinité. Ensuite, elle a été agréée comme association par les autorités algériennes. Mais aujourd’hui, elle vit une situation de semi-clandestinité. Votre élection peut-elle changer la situation de la LADDH ?

La société civile et les droits humains en Algérie passe par un sale temps. Mais aussi, dans toute la région du Maghreb et Moyen-Orient. Le glissement grave d’un État autoritaire à un État dictatorial est porteur de fermeture des espaces de participation citoyenne.

Le cas de l’association Rassemblement-Action-Jeunesse (RAJ) et SOS Bab El Oued est une preuve que la volonté des autorités est porteuses de danger réel.

Ce n’est pas seulement la LADDH qui est en situation de semi-clandestinité, mais aussi toutes ses associations nées au lendemain de l’ouverture démocratique de 1989. Cette remise en cause de la construction politique et sociale entraînera sans doute la disparition de la médiation sociale. Le cas de l’Iran est un exemple concret où tout ce qui peut représenter un avis contraire est dissous, emprisonné, assassiné, et pousser à l’exil pour ne laisser aucune voie de négociation et de transformation possible. Le cas de l’association Rassemblement-Action-Jeunesse (RAJ) et SOS Bab El Oued est une preuve que la volonté des autorités est porteuse de danger réel.

La Tunisie est aussi une illustration parfaite de la remise en cause d’acquis démocratiques, tant aux normes institutionnelles et structurelles, apportées par la constitution et les lois régissant la vie associative. Notre mandat sera justement de rappeler les autorités à leurs engagements internationaux et de militer pour que les espaces de la société civile soient restitués.

Quelle est l’importance de votre élection au poste de vice-président de la fédération internationale des droits de l’Homme ?

Mon mandat n’est pas circonscrit; c’est un mandat international, régional et national. ce sont les textes et l’esprit de la FIDH. Les statuts et mœurs de la FIDH veulent que je sois dans la globalité des déclarations.

Toutes les ONG en Algérie sont sujettes à d’arrières pensés politiques, y compris la FIDH. Comment comptez-vous gérer cela, surtout au plan personnel ?

Effectivement, l’engagement en faveur des droits humains dans le monde est porteurs de risque, d’angoisse et de stress. En Guinée, s’ouvre le procès de l’ancien chef d’État qui était capitaine de l’armée, responsable d’une tuerie, en 2009, et qui a fait plus de 300 morts et des dizaines de viols dans un stade de football. C’est grâce à la FIDH et aux défenseurs des ONG africaines que la responsabilité des auteurs a été situé et traduit devant la justice.

Les régimes autoritaires doivent comprendre que le développement des États et la prospérité des peuples passent par la lutte contre les immunités et le règne du droit.

Quant à ma personne, j’estime que je suis dans mon rôle de militant et défenseur qui veut seulement que l’humanité et les concitoyens soient heureux, libres et épanouis.