L’UE doit rompre son silence et fermement condamner les attaques contre la Société Civile

04/08/2000
Communiqué

Les organisations de défense des droits humains mentionnées ci-dessus appellent l’Union européenne à se prononcer publiquement concernant les récentes attaques des autorités égyptiennes à l’encontre de la société civile. Elles dénoncent notamment l’arrestation et la détention du Docteur Saad El-Din Ibrahim, Directeur du Centre pour les études sur le développement Ibn Khaldoun, et d’au moins huit autres membres du personnel du Centre.

Ces dernières années, et en particulier ces derniers mois, les autorités égyptiennes se sont efforcées de bâillonner la société civile et ont arrêté et jugé ceux qui formulaient des critiques sévères à l’encontre de la politique gouvernementale. Hafez Abou Seada, Secrétaire général de l’Organisation égyptienne des droits de l’Homme (EOHR), a ainsi été accusé, en vertu du décret militaire N4/1992, d’avoir reçu des fonds sans l’accord des autorités. Le 30 juillet, l’enregistrement de l’EOHR en tant qu’ONG a été reporté pour des raisons de sécurité non spécifiées. L’attaque contre le centre Ibn Khaldoun s’inscrit dans cette stratégie d’intimidation des défenseurs des droits humains et des autres personnes qui critiquent le gouvernement.

Le Dr. Saad El-Din Ibrahim a été arrêté le 30 juin et a notamment été accusé, en vertu de la loi sur l’état d’urgence, d’avoir " reçu des fonds de l’étranger sans l’accord des autorités ", et d’avoir " diffusé de fausses informations dommageables à l’intérêt national ". Au moins huit autres membres du personnel du Centre Ibn Khaldoun ont également été arrêtés, et des dossiers ont été confisqués.

Jusqu’à présent, l’Union européenne est restée silencieuse sur cette affaire ; et ce en dépit des prolongations répétées de la détention, sans charges valables, du Dr Ibrahim (la dernière datant du 27 juillet, portant la détention à un total de 45 jours) et malgré les appels des membres de la société civile égyptienne et des organisations de défense des droits humains nationales et internationales. Pourtant, le Procureur de la Sûreté de l’Etat n’a pas retenu formellement de charges à son encontre, ni à l’encontre des autres membres du personnel du Centre Ibn Khaldoun toujours détenus.

La passivité de l’Union européenne est d’autant plus regrettable que l’accusation d’accepter des fonds de l’étranger sans la permission des autorités se réfère notamment à des fonds que le Centre Ibn Khaldoun a reçu du Programme MEDA Démocratie de l’UE.

L’absence de réaction de l’UE va à l’encontre de la " Stratégie Commune pour la Méditerranée ", adoptée récemment ; celle-ci spécifie que l’UE travaillera avec ses partenaires méditerranéens afin de promouvoir et protéger les droits humains et les libertés fondamentales. Cette attitude contredit également l’esprit de la Déclaration de Barcelone, qui reconnaît l’importance de la société civile dans le développement des sociétés, et l’Accord d’Association entre l’UE et l’Egypte, qui doit bientôt être signé, et qui fonde les relations entre les parties sur le respect des droits humains.

L’UE semble ainsi accepter que le gouvernement égyptien porte gravement atteinte à la liberté d’association et empêche le développement d’une société civile libre, vibrante et dynamique en Egypte.

Le silence prolongé de l’UE risque de créer un dangereux précédent qui aura des effets négatifs graves sur la région entière. Il risque de saper la crédibilité de l’UE en tant que partenaire pour la promotion et la protection des droits humains et de la société civile en Méditerranée.

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