L’homosexualité ne constitue pas un délit

14/03/2003
Communiqué

Alors que le verdict dans l’affaire du Queen Boat est attendu pour le 15 mars 2003, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) exprime sa plus grande préoccupation quant au climat de répression envers les homosexuels en Egypte.

Bien que l’homosexualité ne soit pas considérée comme un délit par la législation égyptienne, la loi 10/1961 (articles 9 et 14) relative à la " débauche " et à la prostitution et prévoyant des peines allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement, ainsi que l’article 98 du Code pénal égyptien sont utilisés par la justice égyptienne pour poursuivre les homosexuels. Cette répression semble s’être intensifiée ces derniers mois, notamment par le biais d’internet.

La FIDH considère que la répression sur la base de l’orientation sexuelle contrevient aux disposition du Pacte international sur les droits civils et politiques, dont les articles 17, 18, 19, et 26 garantissent la liberté de conscience et d’opinion, de non-discrimination et du droit à la vie privée.

Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire, saisi d’une communication de la FIDH, concernant les 55 prévenus dans l’affaire du Queen Boat avait estimé le 21 juin 2002 que leur détention était arbitraire. Le Groupe de travail a établi que la référence au "sexe" à l’article 2 et à l’article 26 du Pacte doit être considérée comme recouvrant les préférences sexuelles.

En conséquence, la FIDH appelle les autorités égyptiennes à cesser toute poursuite sur la base de l’orientation sexuelle.

Rappel des faits
Le 11 mai 2001, cinquante-cinq Égyptiens, parmi lesquels un mineur de 17 ans, étaient arrêtés au Queen Boat, un restaurant-discothèque fréquenté par la communauté gay, puis transférés vers divers postes de police et dans les bureaux des Services de renseignements de la sûreté de l’État (SSI). Le lendemain, ils comparaissaient devant le Procureur de la sûreté de l’État qui ordonnait la détention pendant quinze jours de cinquante-quatre d’entre eux. Les prévenus ont alors déclaré avoir été frappés et agressés verbalement pendant leurs premiers jours de détention. Cinquante-deux ont fait l’objet de poursuites et sont restés emprisonnés jusqu’au 14 novembre 2001, date du verdict prononcé par la Haute Cour de sûreté de l’État, une juridiction instaurée en vertu de l’état d’urgence - en vigueur depuis 1981 - dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours.

Les poursuites étaient fondées sur deux dispositions de la loi égyptienne : d’une part, l’article 98 (f) du code pénal égyptien visant toute personne ayant " exploité la religion afin de promouvoir ou de défendre des idéologies extrémistes en s’exprimant, par oral, par écrit, ou de toute autre manière, aux fins de provoquer des émeutes, d’insulter ou de dénigrer les religions révélées, ou en portant atteinte à l’unité ationale ou à l’harmonie sociale " ; et, d’autre part, la loi de 1961 sur la prévention de la prostitution, qui prévoit une peine pour " toute personne qui, de manière régulière, est engagée dans la débauche ou dans la prostitution ". Le 14 novembre 2001, le Président de la Haute Cour de Sûreté de l’Etat a alors prononcé un jugement condamnant 23 d’entre eux à des peines d’emprisonnement allant de un à cinq ans, et acquittant les 29 autres inculpés. Sur les 23 condamnés, 21 le sont pour " pratique de la débauche ", 1 pour " mépris de la religion " et 1 pour ces deux chefs d’accusation. Ces deux derniers sont condamnés à des peines respectives de 3 et 5 ans de prison suivis de 3 ans de surveillance policière. L’un d’eux, mineur, a été jugé par un tribunal pour enfants - dont les décisions peuvent cette fois faire l’objet d’un appel - lors d’un procès que la FIDH a également observé. Condamné à 3 ans de prison, il a vu sa peine réduite à 6 mois en appel, le 19 décembre 2001 ; ayant déjà purgé sa peine, il a été libéré.

L’affaire a connu un rebondissement le 23 mai 2002 lorsque, en vertu des prérogatives que lui confère l’état d’urgence en vigueur en Egypte depuis 1981, le Président Moubarak a cassé en partie le verdict rendu le 14 novembre 2001 par la Haute Cour de sûreté de l’État, annulant le jugement pour 21 condamnés, le Président égyptien a ratifié la condamnation des deux personnes condamnées aux plus lourdes peines : 3 et 5 ans de prison. Le motif invoqué était que seules ces deux personnes avaient été poursuivies sur le fondement d’un chef d’inculpation - " mépris de la religion " - relevant effectivement de la Haute Cour de sûreté de l’État.

Les dossiers des 50 autres personnes ont été renvoyés par le Président égyptien au parquet, qui a renvoyé l’affaire devant un tribunal correctionnel du Caire, où ils ont comparu, libres, le 27 juillet, accusés de " débauche avec des hommes ". Le verdict doit être rendu le 15 mars 2003.

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