Monsieur le Président de la République,
Dans la perspective de la visite officielle en France du Président Abdel-Fattah al-Sisi, EuroMed Droits, Coordination Sud, la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme), l’Institut du Caire pour l’étude des droits de l’homme et Reporters sans frontières (RSF) souhaitent attirer votre attention sur la situation déplorable de la société civile et des droits humains en Égypte. A cette occasion, nous comptons sur vous pour rappeler que la France ne cautionne pas les pratiques répressives de l’Egypte et estime que des réformes significatives en faveur des droits humains, de la démocratie et de la société civile doivent être engagées.
Les défenseurs et défenseuses des droits humains, les activistes LGBT et les journalistes sont constamment harcelés et poursuivis en justice pour l’exercice pacifique de leurs activités. Le cas le plus évident est le procès n°173 de 2011, qui a déjà mené à la condamnation de 40 défenseurs des droits humains ou employés d’organisations de la société civile internationale, et dont les enquêtes visant des organisations égyptiennes est en cours. Nous vous appelons à demander à votre homologue égyptien de mettre un terme à la campagne de criminalisation des défenseurs et à cesser de les poursuivre en raison de leurs activités légitimes et pacifiques.
Le 29 mai dernier, le Président al-Sisi a approuvé une nouvelle loi pour réguler le travail des organisations non-gouvernementales (loi ONG n°70/2017) qui rend extrêmement complexe la création, le fonctionnement et le financement des ONG. Non seulement la nouvelle législation égyptienne décourage le travail associatif, mais elle permet aussi de justifier la fermeture d’un grand nombre d’organisations et peut entraîner une amputation importante du secteur associatif. Nous vous demandons d’appeler le Président al-Sisi à abroger cette loi pour en adopter une nouvelle qui respecte la Constitution égyptienne et les standards internationaux des droits humains et de liberté d’association.
Il est également crucial de rappeler la Position de l’Union européenne en vue du Conseil d’association UE-Egypte du 25 juillet 2017, et l’inquiétude de l’UE sur les conséquences de cette loi sur les activités des organisations non-gouvernementales et sur la place laissée au débat et à la discussion dans le pays. Nous vous demandons, Monsieur le Président de la République, d’exhorter votre homologue égyptien à arrêter les pratiques violant les obligations de l’Egypte en vertu du droit international des droits humains, ainsi que la Constitution égyptienne de 2014.
Enfin, nous vous appelons à faire respecter la position commune 2008/944/PESC de l’Union européenne définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires, et d’appliquer les conclusions du Conseil de l’UE du 21 août 2013. Sur cette base, nous vous demandons de suspendre immédiatement toutes les exportations de matériel militaire et de surveillance à l’Égypte, ainsi que tous les contrats actuellement en négociation dans ces secteurs. Et ce, jusqu’à ce que les autorités cessent leur répression violente contre les organisations de défense des droits humains et les dissidents pacifiques, ainsi que les violations graves du droit international dans le Sinaï sous couvert de lutte contre le terrorisme. Cette répression n’amène ni la stabilité, ni la sécurité. Bien au contraire, les attaques terroristes n’ont cessé de se multiplier sur l’ensemble du territoire égyptien, et ce malgré l’extension de l’état d’urgence.
Monsieur le Président, l’ensemble de ces entorses aux droits éloigne, un peu plus chaque jour, l’Egypte des aspirations démocratiques qui s’étaient largement exprimées dans le monde arabe en 2011. Les politiques répressives présagent d’un avenir sombre et nourrissent le ressentiment, le désespoir, et sont autant de bombes à retardement dans un pays clé dans la région. L’Egypte, comme le monde arabe, ne peuvent être éternellement condamnés à la dictature ou au fanatisme religieux. Notre exigence pour faire respecter le droit est un levier pour les aider à sortir de ce cercle non vertueux.
En espérant que notre appel sera entendu, et restant à votre disposition pour tout échange sur le sujet, nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, à l’expression de notre haute considération.
Michel Tubiana
Président d’EuroMed Droits
Philippe Jahshan
Président de Coordination SUD
Dimitris Christopoulos
Président de la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme)
Bahey eldin Hassan
Directeur de l’Institut du Caire pour l’étude des droits de l’homme
Christophe Deloire
Secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF)