Des États brisent le silence pour condamner les abus de l’Égypte au sein d’un organe de protection des droits de l’ONU

12/03/2021
Communiqué

(Genève, le 12 mars 2021) – Des organisations non-gouvernementales du monde entier ont aujourd’hui exprimé leur soutien fort à la déclaration conjointe par des États Membres de l’ONU sur la situation des droits humains en Égypte, présentée lors de la 46ème session du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies. Dans la déclaration, les gouvernements ont exprimé une « profonde préoccupation » face aux violations des droits humains généralisées perpétrées par les autorités égyptiennes en toute impunité.

La déclaration conjointe, co-signées par 31 Etats et présentée par la Finlande lors de la 46ème session du Conseil a mis en évidence les « restrictions à la liberté d’expression et au droit de réunion pacifique, l’espace restreint pour la société civile et l’opposition politique ». Elle a également condamné l’usage excessif des lois antiterroristes pour punir les critiques pacifiques.

« La déclaration du 12 mars met fin à des années d’inaction affligeante de la part du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies malgré la forte détérioration de la situation des droits humains en Égypte » a déclaré Bahey Hassan, Directeur de l’Institut du Caire pour l’étude des droits de l’Homme. « Les Etats devraient continuer à signaler clairement au gouvernement égyptien qu’il n’aura plus carte blanche pour emprisonner, torturer et violer le droit à la vie ou tuer illégalement. »

Début 2021, plus de 100 organisations non gouvernementales du monde entier ont écrit aux Etats Membres de l’ONU pour alerter sur la tentative du gouvernement égyptien « d’annihiler » les organisations de défense des droits et d’éradiquer le mouvement des droits humains dans le pays à travers des attaques soutenues, systématiques et généralisées.

Les organisations avaient demandé aux États Membres de l’ONU d’adopter une résolution consacrant l’établissement d’un mécanisme de surveillance et d’établissement de rapports sur l’Égypte. La déclaration présentée le 12 mars constitue un pas important et devrait être suivie par d’autres actions visant à atteindre ce but, ont déclaré les organisations. La déclaration a été faite au titre du point 4 de l’ordre du jour du Conseil qui permet de soulever les violations graves et systématiques des droits humains, y compris les situations pays.

La dernière déclaration conjointe sur l’Égypte au Conseil des Droits de l’Homme avait été présentée par l’Islande et co-signée par 26 pays en mars 2014.

Depuis cette date, la situation des droits humains en Égypte s’est détériorée de façon dramatique. Les autorités égyptiennes ont pratiquement anéanti l’ensemble de l’espace d’expression libre, de réunion pacifique et d’association. Avec la complicité des procureurs et des juges, les forces de sécurité sous la gouverne du Président Abdel Fattah al-Sisi ont arrêté, détenu ou poursuivi des milliers de personnes, dont des centaines de défenseurs des droits humains, des militants des droits des minorités religieuses, des manifestants pacifiques, des journalistes, des universitaires, des artistes, des politiciens et des avocats.

Beaucoup d’entre eux ont été victimes de disparitions forcées, tortureou d’autres mauvais traitements, et ont été détenus pendant des mois ou des années dans des conditions inhumaines, sans procès. Les personnes détenues le sont régulièrement sur la base d’accusations non fondées liées au terrorisme. Si elles sont renvoyées devant un tribunal, les personnes sont souvent condamnées dans le cadre de procédures manifestement inéquitables devant des tribunaux militaires et lors de procès collectifs. De nombreuses personnes ont été condamnées à mort et exécutées à l’issue de procès inéquitables reposant sur des déclarations vraisemblablement obtenues sous la torture. Les autorités ont également utilisé les lois sur la moralité et la débauche pour arrêter et détenir des femmes influenceuses, des survivantes et des témoins de violences sexuelles, ainsi que des personnes et des militants LGBTI.

Le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies a conclu que le recours à la détention arbitraire est un problème systématique en Égypte. Le Comité contre la torture des Nations unies a déclaré en 2017, à la suite d’une enquête sur l’Égypte, que les faits recueillis par le comité "conduisent à la conclusion inéluctable que la torture est une pratique systématique en Égypte."

“La déclaration d’aujourd’hui envoie un message clair aux autorités égyptiennes : le monde ne fermera plus les yeux sur leur campagne acharnée visant à écraser la dissidence pacifique. Les autorités doivent prendre d’urgence des mesures pour se conformer à leurs obligations en vertu du droit international, en commençant par libérer les milliers d’hommes et de femmes détenus arbitrairement, protéger les personnes en détention contre la torture et les autres mauvais traitements, et mettre fin à la répression du militantisme pacifique.”

Kevin Whelan, Représentant d'Amnesty International auprès des Nations unies à Genève

Dans la déclaration conjointe du 12 mars, les gouvernements ont également appelé à la « redevabilité et à mettre immédiatement fin à l’impunité » concernant les violations. Les gouvernements ont également appelé l’Égypte à cesser « les abus de procédure, » l’usage excessif de la « détention préventive prolongée » ainsi que « la pratique d’inculper à nouveau les détenus pour des accusations similaires après l’expiration du délai légal de la détention préventive prolongée ».

Les gouvernements qui ont soutenu la déclaration comprennent : l’Allemagne, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, le Canada, le Costa Rica, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis d’Amérique, l’Estonie, la Finlande, la France, l’Italie, l’Islande, la Lettonie, le Liechtenstein, la Lituanie, le Luxembourg, la Macédoine du Nord, la Moldavie, le Monténégro, la Norvège, la Nouvelle Zélande, les Pays-Bas, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Slovénie, la Suède et la Suisse. Les autres gouvernements peuvent se joindre à cette déclaration jusqu’à deux semaines après la fin de la session en cours du Conseil des Droits de l’Homme.

“Les Etats signataires de cette déclaration, comme la France, doivent en prendre toute la mesure et réellement prioriser le respect des droits humains dans leurs relations diplomatiques et commerciales avec l’Égypte. Nous demandons au gouvernement d’Emmanuel Macron de revoir son partenariat dit stratégique avec l’Égypte et de mettre un terme aux ventes d’armes françaises vers tous les pays qui violent les droits fondamentaux.”

Antoine Madelin, Directeur du plaidoyer à la Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH)
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