Déclaration de la FIDH : pas de répit pour les dictateurs. La pression internationale, ça fonctionne !

18/12/2020
Communiqué
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La libération rapide de trois célèbres défenseurs des droits humains de notre organisation membre EIPR en Égypte, à la suite d’une campagne de mobilisation massive et de l’intervention de différents acteurs du monde entier, montre que la pression internationale mise au service de la défense des droits humains porte ses fruits, lorsqu’elle est exercée fermement et de manière concertée et coordonnée.

La réunion du Bureau international de la FIDH à Paris, quelques jours avant la visite planifiée du président égyptien Abdel Fattah al-Sisi en France et quelques semaines après le sommet du G20 en Arabie saoudite, nous incite à rappeler aux pays occidentaux qu’ils ne peuvent pas simplement négocier avec les dictateurs ou les accueillir dans leur pays sans conséquences.

En raison de l’inaction des partenaires de régimes comme celui de l’Arabie saoudite, les défenseures des droits des femmes Loujain Al Hathloul, Nassima al-Saddah, Samar Badawi, Nouf Abdelaziz, et Miyaa al-Zahrani sont derrière les barreaux depuis 2018. Plusieurs d’entre elles ont été torturées, ont subi des violences sexuelles et autres mauvais traitements, sans avoir droit à un recours effectif. Et pourtant, ces militantes ont été en première ligne pour défendre des droits humains dans leur pays. En novembre 2020, Loujain Al Hathloul a été transférée devant un tribunal traitant les cas de terrorisme, le tribunal pénal spécialisé connu pour bafouer les normes en matière de procès équitable, ce qui a permis la poursuite de la dissidente pacifique.

Avec la détention de ces militantes et l’exil des autres défenseur·es des droits humains, notamment de notre organisation membre ALQST, aucun mouvement de défense des droits humains ne peut exister dans le pays, alors que les droits fondamentaux des femmes, des travailleurs migrants, mais également les droits économiques et sociaux de la population sont constamment et massivement bafoués.

En Égypte, les récents événements qui ont suivi l’arrestation des membres d’EIPR accusés de terrorisme et l’ajout de célèbres défenseur·es, comme Mohamed al-Baqer ou Alaa Abdel Fattah, à la liste des terroristes sont les derniers chapitres du programme de répression mis en place par Al-Sisi à l’encontre de sa population. Cette année, deux autres militants reconnus, Ramy Shaath et Zyad al- Elaimy, sont également venus compléter les cette liste. Les exécutions de masse, les disparitions forcées et la torture généralisée constituent les seules interventions du régime auprès des citoyens égyptiens. La politisation du système judiciaire égyptien, qualifié dans les déclarations des Nations unies de « parodie de justice », a servi les intérêts de l’armée en compromettant les revendications du soulèvement du 25 janvier qui réclamaient un système d’assistance sociale moderne régi par l’État de droit et les principes démocratiques, la justice sociale, et le respect des droits humains. Des modifications de la Constitution, largement dénoncées, ont conféré au président Al-Sisi et à son armée des pouvoirs sans précédent en matière de surveillance. De plus, lors des élections présidentielles qui ont suivi tous les candidats de l’opposition ont été soit arrêtés, soit assignés à résidence ou ont subi des menaces pour se retirer de la campagne électorale.

C’est la première fois dans l’histoire de l’Égypte moderne qu’autant d’avocat·es, de militant·es pour la défense des droits humains, et de syndicalistes ont été arrêté·es pour avoir exercé leurs droits fondamentaux, que ce soit pour exprimer une opinion, participer à un rassemblement, à une manifestation pacifique, ou exercer leur activité professionnelle d’avocat·e, de journaliste, ou de médecin. De nombreux détenus égyptiens sont morts en raison d’un manque de soin délibéré, d’autres militants qui se trouvaient dans des situations sanitaires délicates avaient déjà fait les frais d’une telle négligence lors du mandat de l’ancien président Mohamed Morsi.

Malgré une situation effroyable en matière de droits humains dans ces deux pays et l’utilisation de la législation antiterroriste pour réduire au silence la dissidence, les pays occidentaux comme la France poursuivent une collaboration stratégique avec ces pays en matière de lutte contre le terrorisme. Nous membres du Bureau international de la FIDH ̶ réunis le 4 décembre 2020 à Paris, appelons la France à se positionner comme le chantre du respect des droits humains, plutôt que comme complice de crimes. La coopération économique et militaire doit être suspendue tant que la situation des droits humains ne s’améliore pas dans ces pays. Si la communauté internationale n’impose pas fermement un gel du partenariat, alors les peuples égyptien et saoudien, et plus largement la population de la région MMO, continueront de payer le prix de leur liberté, voire de leur vie, pour avoir fait preuve de courage et d’intégrité.

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